mercredi 1 avril 2009
Le jazz, compagnon inspiré du XXème siècle
Le meilleur titre pour moi est celui que procure le journal Le monde : Le jazz, compagnon inspiré d'un siècle d'avant-gardes. Jamais principal mais toujours présent au coeur de l'actualité non seulement musicale ou culturelle mais aussi sociale et politique d'où le siècle du jazz et non pas seulement l'histoire du jazz.
La grande réussite de cette exposition est pour moi d'être multiforme justement.
Certains seront déçus car elle n'est pas essentiellement musicale : elle fait autant appel au jazz comme un phénomène social et l'explique en tant que tel, avec ses évolutions au cours du 20ème siècle.
En assumant y compris les contradictions : l'envol du jazz en même temps que les lynchages publics des noirs, retrouvés pendus devant des foules venues assister au spectacle. Tout nous est montré et il y est bien dit que le jazz accompagne l'histoire du peuple qui le crée, le peuple afro-américain démantibulé dans ses origines lors de son transfert d'Afrique vers un nouveau continent et de nouvelles pratiques sociales et références religieuses et communautaires qui lui sont inconnues et imposées. On retrouve d'ailleurs dans l'exposition, surtout au début, avant que le jazz ne déborde sa sphère de naissance « noire » vers la société entière, les pionniers de la libération politique des années vingt, qui réfléchissaient à la condition de la négritude, comme Du Bois ou plus tard LeRoi Jones et puis comment insensiblement, en partie l'intégration prenait peu à peu place au lieu de la ségrégation très présente encore dans le Sud. D'ailleurs sur ce thème des origines du jazz et des liens avec l'histoire du peuple noir américain je ne peux que conseiller le livre « le peuple du blues » qui est magnifique et criant de vérité et dont j'essaierai de donner les bonnes pages ici un jour …
C'est une histoire politique culturelle sociale riche de toute sa diversité et voir les personnages de Mickey, Minnie ou Pluto danser sur du jazz montre la capacité extensive du jazz, accompagnateur social de tous les mouvements, présent dans notre vie comme un compagnon toujours discret.
On retrouve aussi le premier Goncourt « noir » de René Maran de 1921, on fait un détour obligé par la Nouvelle Orléans, on revoit le splendide succès de Joséphine Becker, on est pris par les peintures de Covarrubias, la lascivité est ici affichée comme un art, une faculté en même temps que sans anachronisme, on nous montre les réactions mi outrées mi envieuses des Européens de l'époque ...lascivité associé au Noir avec tous les relents racistes mais en même temps profonde envie, de ce temps barbare, primitif comme ils écrivent de façon prude à l'époque … Mécanisme de répulsion/attirance ! Car on aimerait en être ...
Mais tous les registres de l'art sont exploités par le jazz, comme par exemple des videos bluffantes comme ce peintre qui a fait une video à partir de motifs figuratifs successifs, qui colle extraordinairement à la musique de jazz, comme le fond d'écran de nos ordinateurs actuels lorsque nous écoutons de la musique à travers un lecteur video. Mais là c'était réalisé artisanalement et brillamment, au niveau de la correspondance rythmique et du partage des univers visuel et musical, pour devenir onirique.
Une autre video avec le numéro de George Stevens un artiste blanc grimé en noir pour rendre hommage dans Swing time, qui rend hommage au grand maître noir des claquettes Bojangles.
Les films avec Louis Malle ou la Nuit, un de mes films préférés montrent aussi l'insertion du jazz dans le cinéma.
Plus tard l'apport du peuple afro-américain à la danse est traité avec brio par une video d'Adrian Piper qui montre que les white men can dance !!!, en déconstruisant le préjugé raciste, cette fois-ci inversé.
L'exposition ne traite pas avec anachronisme les situations montrant par exemple comment était traitée Joséphine Baker ou comment Picasso parlait de ces danses barbares : on « respecte » les préjugés de l'époque qui ont peu à peu disparu grâce à l'influence et à la visibilité prises par le jazz, qui accompagne l'évolution des Afro américains dans la société américaine.
Le lien au début entre question noire et jazz me semble admirablement résumée par le texte de cette chanson de Louis Armstrong, qui pose la question de la négritude et de l'assimilation au « modèle » blanc.
Bref le grand succès de cette exposition est de nous emmener au coeur du monde jazz même s'il peut sembler un peu encyclopédique au vu de la profusion des documents, mais peu à peu on se laisse prendre par l'ambiance jazz, visible dans tous les arts dont la musique.
Et on navigue également grâce à l' aspect chronologique de l'exposition à travers la condition des hommes noirs en Amérique et de de leur façon de l'exprimer avant que la question ne devienne moins brulante dans les années récentes
Alors quel sera l'avenir de la musique noire d'alors, où va le jazz métissé d'aujourd'hui, qui - et l'expo le rappelle - fut aussi en partie blanc, car il était et est devenu au final encore plus intégrateur ? Moi je donne mes quelques noms qui dansent au milieu du folk, du blues, etc … et de la pop : Lizz Fields et Sophie Hunger comme deux exemples contradictoires mais qui se rejoignent.
Une suisse allemande et une afro-américaine !
Mais le propre du jazz est d'être multiforme, multicartes, comme un magma dont les noms successifs jalonnent son histoire depuis le ragtime, le jazz hot, le jazz free, le swing, le bebop et j'en passe …
Passionnant le jazz ! Et je vous passe la litanie des noms exceptionnels qui se bousculent lors de l'expo : sidney bechet, coltrane, armstrong, baker, duke ellinton, archibald motley le peintre, billie holiday .... Si on apprend à les connaître le jazz semble le ciment unificateur, le sentiment d'une communauté ...
L'article du journal Le Monde
Une bonne compréhension ainsi qu'un résumé chronologique
Quelques extraits des blogs, articles, interviews réussies du commissaire de l'exposition :
Daniel Soutif :C'est une exposition de civilisation, qui cherche à faire apparaître le ferment qu'a représenté le jazz dans tous ses aspects. Ça n'est pas un "art premier", mais au contraire un métissage, de sources espagnoles, africaines, la tradition européenne des cantiques, entre autres.
C'est une musique liée aux secousses du XXe siècle ?
Daniel Soutif : Oui, plus que tout autre forme d'art, à part le cinéma, le jazz s'est fait l'écho des révolutions du siècle: les transports, l'enregistrement, les avions... Cette musique exprime ce mouvement, et en a aussi, pour son universalisme, beaucoup bénéficié.
Qu'est-ce qui a fait la force du jazz ?
Daniel Soutif : Il y en a pour tout le monde. Un Italien, un Juif, un Noir, tous pouvaient trouver quelque chose qui leur évoquait un souvenir. Et, surtout, ça n'était pas un folklore, "le truc de l'autre". De même, l'improvisation plus le rythme, ajoutés à la dimension collective du jeu, faisaient que cette musique avançait.
« C’est une musique profondément bâtarde, le résultat d’un brassage douloureux de civilisations, celle des Noirs transportés d’Afrique de façon violente ou des immigrants juifs européens qui crevaient de faim », estime le philosophe Daniel Soutif, commissaire de l’exposition.
Quelques définitions :
Une exposition chronologique consacrée au jazz où l'histoire de ce courant musical majeur du XXème siècle est abordée sous l'angle de ses relations avec les arts graphiques au sens large (peinture, photographie, cinéma, littérature, graphisme, bande dessinée...)
Il a eu des effets sur tous les arts, parfois directs, comme pour les peintres figuratifs. Les cinéastes, les graphistes, les auteurs de bandes dessinées, et bien évidemment les photographes, tous se sont inspirés du jazz, comme le montre l'exposition.
La musique est certainement l’aspect majeur distinctif de cette culture afroaméricaine.
Un résumé chronologique, rapide et pertinent :
Le parcours de l’exposition. L’exposition s’articule chronologiquement autour d’un fil rouge constitué par une épine dorsale de 50 mètres de long sur laquelle se succèdent année par année les événements principaux de l’histoire du jazz.Cette colonne vertébrale, ponctuée de sources sonores et audiovisuelles, sert ainsi de guide au visiteur. Elle le conduit de salle en salle en traversant le temps et l’épopée de cette musique. Le Jazz a connu de multiples rencontres avec le monde artistique que ce soit les arts plastiques, le cinéma, la photographie c’est pour cette raison que l'exposition Le siècle du jazz met en évidence les liens entre le jazz et les les autres arts. Le siècle du jazz rend hommage à cette musique avec plus d’un millier d’objets comme des affiches, magazines, films…mais aussi une soixantaine de grandes peintures. Telle que celle de Winold Reiss ave « Interpretation of Harlem jazz » ou la photographie avec le célèbre portrait de Billie Holliday de Carl Van Vechten.
Les salles thématiques . Le siècle du jazz, balaie l'histoire du jazz au fil des époques...
-Avant 1917. La naissance du Jazz est impossible à dater, mais l’année 1917 est déterminante : pour la première fois des musiciens blancs enregistrent un disque dont l’étiquette porte le nom Jazz.
-« Jazz age » en Amérique 1917-1930. Le Jazz connaît un engouement incroyable dans l’Amérique d’après guerre, notamment salué par l’écrivain Francis Scott Fitzerald avec cette expression « Tales of Jazz » qui désigne cette époque toute entière des enfants du Jazz.
-Harlem Renaissance 1917-1930. C’est une reconnaissance culturelle de l’Amérique-africaine avec le mouvement Harlem Renaissance spécialement avec le jazz de Louis Amstrong ou encore de Duke Ellington.
-« Jazz Age » en Europe 1917-1940. L’Europe découvre le jazz avec le retour de l’orchestre militaire de James Reese Europe après la première guerre mondiale et l’arrivée à Paris en 1925 de la « Revue Nègre » avec Joséphine Baker. Les écrivains comme Jean Cocteau et Paul Moran mais aussi les artistes Pablo Picasso ou Fernand Léger s’inspirent de cette musique.
-Les années swing 1930-1939. C’est la mode du Swing avec de grands orchestres noirs avec Duke Ellington et Count Basie ou blancs dirigés par Benie Goodman ou encore Glenn Miller. C’est le début des comédies musicales ainsi que la création de la première couverture de disque par Alex Steinweiss.
-Tempo de guerre 1939-1945. Le jazz accompagne les soldats sur le champ de bataille. En France malgré l’occupation nazi cette musique connaît une grande popularité grâce aux Zazous qui manifestent leur oppositions de manières vestimentaires aux envahisseurs.
-Bebop 1945-1960. Le Bebop voit le jour à la fin de la guerre, c’est à ce moment que le jazz s’invite dans tous les milieux artistiques comme le cinéma avec « Ascenseurs pour l’échafaud » de Louis Malle ou la Notte de Michelangelo Antonioni, mais aussi au niveau graphique avec la couverture de disque permet aux artistes comme Andy Warhol ou Marvin Israel de créer des pochettes.
-West coast jazz 1940-1960. Tandis que certains revendiquent que le jazz ait été d’abord noir et new-yorkais le jazz de Californie se dit plutôt blanc et cool ce qui marque bien le contraste entre les deux côtes américaines.
- La révolution Free 1960-1980. Avec la musique « Free jazz » et son double titre Libérez le jazz/Jazz libre de Ornette Coleman, le jazz accompagne les premiers mouvements de libération des noirs avec les Black Power, Black Muslims, Black Panthers qui revendiquent l’égalité des droits entre noir et blanc.
- Contemporains 1960-2002. Malgré un ralentissement au niveau créatif et une présence qui tend à diminuer dans le domaines des arts, le jazz est toujours présent à travers les vidéos d’Adrian Piper, Christian Marclay mais aussi la photographie avec le canadien Jeff Wall.
La naissance du Jazz : il est évidemment impossible de dater précisément la “naissance” du jazz. Mais depuis longtemps, on s’accorde à considérer
l’année 1917 comme une charnière décisive. Cette date est marquée par deux
événements décisifs : l’un est la fermeture de Storyville, le quartier réservé de la
Nouvelle Orléans, dont les célèbres lieux de plaisir ont été l’un des creusets du jazz (creuset dont la disparition provoquera l’immigration des musiciens vers le nord
des États-Unis, Chicago et New York en particulier) ; l’autre événement-charnière
est l’enregistrement sinon du premier disque de jazz, du moins du premier disque
affichant le mot « jazz » sur sa pochette (ou, plus exactement : « jass »). Ce 78 tours de l’Original Dixieland ‘Jass’ Band comportait deux titres : Livery Stable Blues et Dixie Jass
Un moment important, virage de l'exposition :
En 1960 paraît l’album Free Jazz d’Ornette Coleman. Avec son titre à double entente
(« libérez le jazz / jazz libre »),ce disque dont la couverture s’ouvre sur une reproduction du White Light de Jackson Pollock, marque une nouvelle redistribution des cartes : après la période moderne,vient le moment de l’avantgarde libertaire… À cette “révolution Free” contemporaine des mouvements de libération des noirs — Black Power, Black Muslims, Black Panthers…
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"Le bien suprême était là, dans le cercle des choses et de la nature humaine.
Je ne demande plus où il est : il fut dans le monde, il y peut revenir, il n'y est maintenant qu'un peu plus caché. Je ne demande plus ce qu'il est : je l'ai vu et je l'ai connu."
Hölderlin, Hyperion
"Dans tes faux-fuyants,
Les crimes ont été escamotés
Dans un endroit
Où ils peuvent oublier"
Portishead
"Je suis d'une morale douteuse : je doute de la morale des autres"
Marguerite Duras
Je suis bourré de condescendances
Pour mes faiblesses si dures à avaler
Ce qui fait que je flanche
Quand on essaie de m'apprécier
Miossec, le chien mouillé (en silence)
Je ne demande plus où il est : il fut dans le monde, il y peut revenir, il n'y est maintenant qu'un peu plus caché. Je ne demande plus ce qu'il est : je l'ai vu et je l'ai connu."
Hölderlin, Hyperion
"Dans tes faux-fuyants,
Les crimes ont été escamotés
Dans un endroit
Où ils peuvent oublier"
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"Je suis d'une morale douteuse : je doute de la morale des autres"
Marguerite Duras
Je suis bourré de condescendances
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