dimanche 8 décembre 2013

Pierre-Jean Vazel, une manière artistique d'aborder l'athletisme !

Ci-joint un article d'Anthony Hernandez du journal Le Monde sur Pierre-Jean Vazel, un entraîneur aux méthodes très particulières, étudiant aux beaux-arts de Rennes, qui est entré dans le monde sportif professionnel de l'athlétisme en voulant aider un athlete nigérian qu'il va conduire au titre de champion d'Afrique du 100 mètres puis de champion du monde en salle du 60 mètres. Malgré les réticences et à force d'obtenir des résultats, il a fait son entrée en tant qu'entraineur au saint des saints, à l'INSEP, puis est devenu l'entraineur de Christine Arron. Un parcours et un caractère atypiques ! Si j'arrive à récupérer la video, encore plus édifiante que l'article, je vous mettrai le lien ! J'aime cette photo car elle est prise au sein de la salle d'hiver d'athletisme de l'INSEP, toute en bois et magnifique, que j'ai eu l'occasion de visiter lors d'une journée portes ouvertes.

Article de présentation du documentaire "Le garçon aux chiffres" !

Pierre-Jean Vazel est obsédé par les chiffres. Doué d'une mémoire phénoménale, ce jeune homme, «synesthète», perçoit depuis sa naissance les chiffres sous différents modes sensoriels. Tout jeune déjà, dans des piles de cahiers, il compulse et note avec émotion tous les records chiffrés des sprinters du monde entier. Puis, sur Internet ou par la suite dans les bibliothèques les plus reculées d'Europe, il consulte les meilleurs spécialistes en sprint de la planète. Ainsi, il sort de sa solitude, esquissant ses propres modélisations biomécaniques. A 24 ans, devenu étudiant aux Beaux Arts de Rennes, il entraîne «par correspondance» Olusoji Fasuba, un jeune Nigérian de quatre ans son cadet, rencontré par hasard. L'année suivante, celui-ci devient le sixième homme le plus rapide de l'histoire en courant le 100 mètres en 9,85 secondes !

Article du Monde

Cheveux courts, silhouette filiforme et visage fragile d'adolescent, Pierre-Jean Vazel ferait presque figure de passager clandestin au milieu de l'environnement de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP).

Mais du haut de ses 30 ans, l'autodidacte de l'athlétisme français n'est rien moins que l'entraîneur de Christine Arron, 37 ans, qui détient toujours le record d'Europe du cent-mètres (10 s 73 en 1998). Le garçon n'a pas fait le mur pour pénétrer le saint des saints du sport français. Ce Breton, diplômé des Beaux-Arts de Rennes, n'est certainement pas du sérail, mais il sait se faire remarquer. Il s'est déjà occupé de deux sprinteurs et leur a permis de passer sous les dix secondes. Il a accompagné le destin du premier, le Nigérian Ole Fasuba jusqu'à un record d'Afrique en 9 s 85 et un titre de champion du monde en salle en 2007. Avec le second, le Français Ronald Pognon, il a obtenu la même année une médaille de bronze aux championnats d'Europe en salle.

Un pédigree qui ne suffit cependant pas à lever les réticences, quand, en janvier 2009, la reine Christine le sollicite à son tour. "On m'a fait comprendre qu'il était préférable que je n'aie pas d'autres athlètes", affirme en souriant Pierre-Jean Vazel. La crainte de voir une sorte de coach privé monter un groupe d'athlètes, à l'image de ce qui se pratique couramment aux Etats-Unis. Des doutes, le jeune homme en avait déjà affrontés lorsque Pognon avait décidé de faire appel à lui en 2006. Le DTN de l'époque, Franck Chevallier, décide de rencontrer celui qui n'a aucun diplôme dédié, avec une question : "Qu'est-ce que vous voulez faire tous les deux ?". A quelques mois de l'Euro en salle de Birmingham, le ton est donné : "Il m'a dit qu'il fallait décrocher une médaille sous peine de passer pour des clowns", se remémore le Breton.

Le pari est finalement tenu. La fédération française lui demande de passer les diplômes d'entraîneur. Il valide un monitorat fédéral mais échoue en candidat libre au brevet d'Etat, le sésame qui confère un statut dans l'organisation du sport français. Ces tentatives ressemblent plus à un désir de tranquillité qu'au besoin d'entrer dans le moule. Là où certains se construisent une carrière, c'est au hasard et à une particularité individuelle que le perfectionniste doit ce qu'il est devenu.

Depuis son enfance, Pierre-Jean compile des chiffres, note des données dans des carnets qu'il remplit consciencieusement. Le sprint prend dès lors les allures d'un terrain de jeu infini. Lorsque la majorité ne verrait dans ces cahiers qu'une succession obscure de données, elles signifient au contraire bien autre chose pour lui. Synesthète, il associe en effet les chiffres mais aussi les lettres à un bruit, une odeur et surtout à une couleur. Compiler ces chiffres lui permet "d'ordonner le désordre ambiant", "de substituer des faits à des sensations". Le record du monde du saut en hauteur prend dès lors un autre sens: "2 m 45, Sotomayor à Salamanque. Des images me viennent, le 5 c'est le jaune. Je revois le jaune du papier journal, le titre de l'Equipe 'vol 245', le jaune des images télé... ".

Un cheminement vers sa méthode que Pierre-Jean Vazel identifie en deuxième année aux Beaux-Arts de Rennes. C'est en lisant Nadja d'André Breton, un des seuls auteurs avec Duras qu'il peut lire sans buter sur chaque mot – "Grâce à l'écriture automatique, ce qui est écrit ne fait pas forcément sens" – qu'il déniche le terme adéquat. Il partira d'ailleurs d'une phrase du pape du surréalisme "Je cherche l'or du temps", pour construire le travail qui lui offrira son diplôme de cinquième année. "Retenir le temps, mettre le doigt sur ce qui symbolise une époque, tout cela rejoint mon expérience d'entraîneur. Il faut du temps pour apprendre à courir vite, le cent-mètres est une affaire de patience, j'apprends aux sprinteurs à courir lentement", observe-t-il.

C'est en édifiant d'impressionnantes bases de données que Vazel entre en contact avec des statisticiens et des entraîneurs. Il entretient notamment avec Dan Pfaff, coach de Donovan Bailey, et le controversé Charlie Francis, entraîneur de Ben Johnson, des correspondances soutenues. Il s'intéresse également à l'école du sprint de l'Europe de l'est. Sans le vouloir, en furetant dans des ouvrages, des revues spécialisés ou des plans d'entraînement à la recherche de ces chiffres vitaux, il se forge des aptitudes d'entraîneur. "Sans même que cela m'intéresse, j'ingurgitais des connaissances", constate le trentenaire. Et il réussit le tour de force de mélanger toutes ses compétences. "On peut déceler dans son coaching l'influence de l'art, de la science", s'émerveille Dan Pfaff. Plus qu'une hypothétique méthode miracle, Vazel tente de faire la synthèse des méthodes existantes, en y insufflant son obsession des chiffres et sa sensibilité exacerbée. C'est une autre conjoncture qui lui fera rencontrer Ole Fasuba.

Pigiste statisticien pour l'IAAF (Fédération internationale d'athlétisme), Pierre-Jean Vazel couvre le meeting de Bruxelles en 2004. Fasuba, seul à l'époque, lui demande de l'aider à trouver un entraîneur. Encouragé par Pfaff et Francis, Vazel relève le défi. Obtenir les visas pour les courses en Europe, la distance, les rapports conflictuels avec la fédération nigériane, les deux hommes nouent dans l'adversité un relation unique. "Il m'a permis d'atteindre le haut niveau. C'est un entraîneur différent parce qu'il écoute son athlète, comprend de quoi il a besoin", déclare Ole Fasuba. "Je me suis découvert une nature qui n'avait jamais fonctionné", confesse à son tour l'entraîneur. Grâce à Fasuba, le prototype du sprinteur, impulsif, agressif et égocentrique, il endosse le rôle de leader et de guide : "Je devais avoir une conduite irréprochable, ne pas montrer mes doutes. Je pouvais tout foutre en l'air par une seule erreur".

L'erreur, Pierre-Jean Vazel n'en a pas plus le luxe en s'occupant depuis janvier 2009 de Christine Arron, à la mécanique fragilisée par l'usure du temps et les blessures. "Après une opération, un athlète nécessite du temps, du travail", affirme-t-il. A-t-il des regrets de ne pas l'avoir connu à son apogée ? "Je crois que c'est encore plus fascinant de l'avoir au crépuscule. Je suis son septième entraîneur, elle possède des connaissances techniques, une expérience énorme", analyse Vazel. Et les débuts du tandem sont prometteurs. A Barcelone, lors du dernier Euro, Arron se hisse en finale du cent-mètres et décroche l'argent en relais avec ses copines.

Le prochain test n'est autre que les championnats d'Europe en salle à Paris en mars. Bourreau de travail, Pierre-Jean Vazel consacre tout son temps libre à l'athlétisme. "Cela peut s'arrêter du jour au lendemain. Le jour où je n'aurai plus d'athlètes extraordinaires, j'arrêterai. Je ne maîtrise pas la chronologie". Et ce n'est pourtant pas faute de chercher, inlassablement, à contrôler le temps.

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