samedi 8 février 2014

Alice au Pays des Merveilles ! Par le cirque national de Chine


Le cirque national de Chine nous a émerveillés, sans doute pour l’un des meilleurs spectacles que Brest va accueillir en 2014 !
J’ai aimé le mélange de modernité et de référence au conte, l’aspect visuel très travaillé avec une profusion de couleurs dont l’association était toujours merveilleuse !
C’était également l’occasion de voir une approche différente, voire non européocentrée, de ce grand classique du conte pour enfants, sachant que l’œuvre, pour l’avoir découverte à l’âge adulte, est plus effrayante et inquiétante qu’il n’y parait au premier abord.
J’ai distingué trois parties dans le spectacle qui nous a été présenté :

- une première qui plante le décor et insiste moins sur Alice comme personnage central que sur l’ensemble des personnages du cirque, sans chercher à être particulièrement fidèle à l’histoire mais le propos me semble plus ici de nous décentrer, de nous proposer autre chose … un moment de découverte de ce que la culture chinoise aurait à nous proposer sur un monde merveilleux ;
- une seconde partie où nous revenons à l’histoire proprement dite d’Alice et à un recentrage sur l’aspect inquiétant et les codes du conte : Les 3 actrices qui jouent Alice deviennent centrales, les peurs (la tête de l’homme qui roule dans le caddy, les cartes, le chat, la grande Alice enfermée dans une petite maison, etc.)
- une troisième partie, où il s’agit de présenter la Chine contemporaine avec ses enjeux, racontés à travers la bataille de deux groupes, rouge pour la tradition, noir pour la modernité, telle que pourrait la proposer Travolta dans Greese ! Les notions de démocratie, de batailles de rue, de hip hop, et même ce mélange de noir et rouge qui fait penser au drapeau anarchiste … On y parle aussi de la mondialisation, du commerce, etc. Toute la Chine moderne qui s’offre à nous avec sa jeunesse qui consomme, boit, s’amuse …
J’ai aimé aussi que les metteurs en scène revisitent les codes et les actualisent : ils ont revisité l’éventail pour en faire un redoutable instrument de combat, inséré un caddy dans le décor, etc. Une imagination intéressante au service d’une poésie originale et visuelle, ils ont livré leur propre interprétation du conte en même temps qu’ils nous ont livré une vision de la chine contemporaine …
L’interaction avec les spectateurs était assez drôle également !
Un très bon moment, et je n’ai jamais entendu en sortant du Quartz cette année autant de critiques favorables et les enfants étaient particulièrement émerveillés !

Un extrait pour vous émoustiller :


Théophile-Marie Laennec (1748-1836)


Je vous livre un extrait du livre d’Annick Le Douget, Juges, Esclaves et Négriers en Basse-Bretagne, l’émergence d’une conscience abolitionniste, qui concerne le premier avocat qui émettra en Bretagne une opinion clairement anti-abolitionniste. A cette époque, la Bretagne était la région qui comptait le plus grand nombre de noirs dans les ports, à raison des marchands de la traite négrière et des officiers de la Marine qui ramenaient des domestiques esclaves en métropole. Il s’agit notamment de Nantes et Brest, Lorient, etc. Cet aspect méconnu de notre histoire est très bien abordé dans cet ouvrage, qui a retrouvé à travers les archives judiciaires les traces de cette présence noire en Bretagne au XVIIIème siècle.

Tour à tour avocat et magistrat, le Quimpérois T.-M.Laennec était un grand humaniste. Cet anticonformiste fut l'un des seuls Bretons du XVIIIe siècle à s'insurger contre la traite des Noirs.

Voici les passages du réquisitoire du 28 mars 1778 de Théophile-Marie Laennec. Leur commentaire serait superflu :

« Le sieur Morel avoue avoir fait une trentaine de voyages en Guinée. Il s'est accoutumé à voir apprécier les hommes au poids d'un métal. On sait quel est le pouvoir de l'habitude. Il est des nations chez lesquelles les bouchers ne sont pas reçus en témoignage dans les procédures criminelles, parce qu'on croit que le spectacle journalier du sang doit leur faire une âme féroce. Combien n'est-il pas plus naturel de penser que le cœur doit s'abâtardir, les bons principes se dépraver dans ce trafic honteux que la mollesse, ou plutôt la barbarie, des Européens leur fait regarder comme nécessaire à la culture de leurs colonies, et contre lequel l'humanité réclamera dans tous les temps ses droits imprescriptibles.
Veut-on qu'un capitaine qui sait à point nommé ce qu'un homme doit lui coûter d'étoffé ou de ferrailles se souvienne toujours que lui-même n'est qu'un homme armé du fouet et du bâton au milieu de ces malheureux Africains qu'il embarque comme de vils troupeaux ? Se persuadera-t-il qu'un maître humain a toujours des matelots dociles, que la bonté commande en souveraine, qu'elle accomplit d'un mot ce que n'auraient pu obtenir les fers ni les arrêts ? »

THÉOPHILE-MARIE LAENNEC : PORTRAIT D'UN ANTICONFORMISTE

Un personnage anticonformiste, un original : voilà comment il était perçu de son vivant. Certains historiens ne se sont intéressés à lui que comme le père du très célèbre « docteur Laennec » et n'ont voulu y voir souvent qu'un père léger et inconséquent. Qu'en était-il?

A) RAPIDE BIOGRAPHIE

Issu d'une famille de notables -son père est un avocat déjà remarqué à Quimper- Théophile-Marie naît le 16 juillet 1747 à Ploaré, près de Douarnenez. Avec son frère cadet Guillaume, né en 1748, il fait des études au collège de Quimper, établissement tenu par les jésuites jusqu'en 1762, puis par les prêtres séculiers ensuite. Tandis que Guillaume s'oriente vers les études de médecine, et que son deuxième frère Michel choisit les ordres, Théophile-Marie opte pour la robe et fréquente l'école de droit de Rennes. Mais il a le goût des lettres. Une anecdote curieuse le met en scène en 1771 à Nantes lorsqu'il passe sous le nom de son frère, empêché, l'examen de « maître-es-arts ». Théophile-Marie s'acquitta avec enthousiasme de la commission, apprend-on, et réussit avec brio les épreuves, dont celle de philosophie...
Il se marie en 1780 avec la Quimpéroise Gabrielle Guesdon, fille d'un sénéchal de la juridiction épiscopale des reguaircs; trois enfants naissent de cette union, René-Théophile en 1781, Michaud en 1782 et Anne-Marie en 1785'. Hélas, Madame Laennec est de santé fragile, et meurt en 1786. Théophile-Marie ne se sent pas de taille à élever et éduqua trois enfants « rapprochés » et préfère confier ses deux garçons à son frère prêtre, Michel, alors recteur d'Elliant, qui se chargera de leur instruction pendant deux ans, jusqu'en 1788. Quant à sa fille Anne-Marie, seulement âgée de 18 mois, elle sera livrée aux soins d'une bonne tante, Madame de La Potterie.
En 1788, Théophile-Marie souhaite récupérer sa progéniture, d'autant que son frère le recteur quitte alors Elliant pour Tréguier. Mais, nous le verrons plus loin, sur le plan professionnel, il est dans une mauvaise passe, endetté et, le moral au plus bas, souhaite s'installer à Pans. La solidarité familiale se manifeste encore et le frère Guillaume accepte volontiers de s'occuper des deux garçons jusqu'au rétablissement de la situation paternelle. Guillaume est un médecin brillant, alors installé et marié à Nantes : en 1788, quand il prend en charge ses neveux, il vient d'être nommé recteur de l'Université de Nantes et jouit d'une aisance confortable qui lui permet d'entretenir et d'éduquer les deux gamins, René-Théophile et Michaud, élevés comme ses propres enfants. Du reste, la situation professionnelle et financière de Théophile-Marie, qui finale ment est resté en Bretagne, s'aggrave avec la Révolution, car les offices de justice dont il était titulaire sont alors supprimés.
René-Théophile suivra les traces de son oncle, et deviendra l'illustre médecin que tous connaissent. Michaud ne sera pas en reste. Etudiant brillant, titulaire du prix d'honneur de la littérature à Paris, nous le retrouverons plus tard directeur de l'Instruction publique de l'Oise.
Les historiens du XIXe et même ceux du XXe siècle qui se sont penchés sur la biographie familiale des Laennec ont souvent malmené le mauvais père qu'aurait été Théophile-Marie. Sans l'excuser, car sa conduite ne fut pas parfaite, et sans enlever les mérites admirables de l'oncle Guillaume, il faut savoir qu'il n'était pas aisé pour un veuf non remarié de concilier travail et vie de famille; souvenons-nous du dossier du Duc de Choiseul, et de la disponibilité qui était alors exigée des juges. A cette même période, nous avons quantité d'exemples de familles nobles éloignées des villes qui plaçaient sans états d'âme leurs enfants à l'année dans un pensionnat, ou encore de pères officiers de marine qui quittaient le domicile familial pour un ou deux ans, abandonnant les enfants à l'épouse, cela sans susciter l'opprobre des biographes... L'éloignement n'empêchait pas quelques rencontres, et l'abondante correspondance qu'entretenait Théophile-Marie avec ses enfants comme avec son frère témoigne de l'affection qu'il leur portait.
Ce parti-pris de dénigrer Théophile-Marie apparaît encore davantage à l'occasion de son second mariage. Les circonstances de cette union dérangeante feront en effet couler beaucoup d'encre, susciteront de nombreux commentaires aigres ou moqueurs dans notre petite Cornouaille.
Et pourtant, cette histoire d'amour, qui passait pour incongrue à l'époque, paraît aujourd'hui tellement moderne...
Nous sommes aux heures sombres de la Terreur. L'aristocrate Geneviève Agnès Urvoy Saint-Bédan, fille d'un ancien page du roi, et veuve depuis avril 1793 du capitaine d'artillerie Léhec, émigré, est en prison à Quimperlé suite à l'édit du 17 septembre 1793122; ses biens ont été confisqués. Geneviève demande un défenseur au comité révolutionnaire de la ville; Théophile-Marie, qui est président du club révolutionnaire depuis quelques mois, accepte cette charge bien qu'il soit aussi juge du district quimperlois. Il rencontre Geneviève... et c'est le coup de foudre immédiat pour cette quadragénaire distinguée. Il triomphe dans sa défense et le cœur de la veuve lui est acquis. « Lorsque je m'occupe de vous faire mettre en liberté, vous m'avez fait perdre la mienne sans retour », écrit-il à sa belle...
Les noces ont lieu à Quimperlé le 4 février 1795, un mariage qui « s'est bâclé si vite, si révolutionnairement », écrit-il avec humour. Mais il est heureux de cette union inespérée, qui doit lui procurer aussi quelques avantages matériels car Geneviève est riche. Toutefois, ce mariage le rendra suspect aux yeux des autorités révolutionnaires, déjà agacées par ses prises de position hardies dans la défense de nobles ou de prêtres réfractaires. Il sera désormais considéré comme allié à une famille d'émigrés, et sera même révoqué de son poste de membre du directoire du départe ment le 28 juin 1796.

B) UNE CARRIÈRE HEURTÉE

L'instabilité de sa carrière témoigne-t-elle d'un manque d'ambition et de l'inconstance de Théophile-Marie ? Rien n'est moins sûr, on peut penser plutôt que la Révolution générait l'instabilité, déjà en lui faisant perdre les charges dont il était titulaire sous l'Ancien Régime...
Au sortir de l'école de droit, il est reçu avocat au parlement de Bretagne le 18 mars 1772. Il débute à Quimper « avec éclat dans la carrière du barreau », semble-t-il. H est lieutenant particulier de l'amirauté de Cornouaille en 1772, et sénéchal des reguaires de l'Evêché (juridiction seigneuriale de l'évêque) dix ans plus tard. Enfin, il cumule une troisième charge héritée de son père à partir de 1782 : celle de receveur des décimes du clergé.
On sait qu'au début de la Révolution, en 1789 et 1790, il perd ses trois offices qui sont supprimés par les nouvelles lois. Il regrettera plus que tout autre la disparition de celui de l'amirauté et espérera son rétablissement longtemps après la Révolution. Il se retrouve dans la gêne et brigue alors un poste de juge de paix de district; élu en octobre 1790 à Quimperlé, le juge de paix devient rapidement juge président de district!
C'est en juin 1796 qu'il est nommé membre du Directoire de l'Administration centrale du Finistère, pour peu de temps, car il est presque aussitôt révoqué pour ses accointances aristocratiques du fait de son mariage. Il reprend alors sa robe d'avocat pour quelques affaires, le temps d'être nommé juge civil du département à Quimper en novembre suivant, puis président du tribunal criminel du Finistère.
En 1801, il devient juge suppléant au tribunal civil de première instance à Rennes, et en 1806, revient dans son pays natal comme conseiller de préfecture jusqu'à la fin de l'Empire. Il termine sa carrière comme avocat à Saint-Brieuc... mais l'homme a vieilli semble-t-il, et les plaidoiries du doyen des avocats, émaillées de citations latines et grecques, « amusent au lieu de servir la cause de ses clients ».
La carrière de Théophile-Marie, on le voit, se déroule dans une période agitée et charnière d'une justice qui évolue. Il n'en a pas été le lointain spectateur, bien au contraire. Déjà sous l'Ancien Régime, il avait des idées tranchées sur la meilleure façon de la servir. L'une de ses interventions lui valut d'ailleurs des inimitiés mortelles quand, en 1788. Un dernier et grand projet de réorganisation judiciaire vint troubler les auditoires de province : il s'agissait de la mise en place de grands bailliages, au détriment des parlements dont on voulait réduire le pouvoir. Ces édits de mai 1788 suscitaient, on le devine, beaucoup d'hostilité en Bretagne, notamment au Parlement de Rennes, mais aussi de la part des magistrats de la province.
Mais Laennec était conquis par cette réforme, et se plut à faire connaître son avis dans un mémoire qui fut diffusé largement. Il se fit alors des ennemis irréductibles car il avait établi une liste des dignitaires compétents - dont il faisait partie! - susceptibles selon lui d'exercer des fonctions au sein de cette nouvelle juridiction. Il va sans dire que, même si le projet des grands bailliages fut enterré à la Révolution, des haines tenaces découlèrent de cette enthousiaste mais maladroite initiative! Le 24 décembre 1788, il écrivait encore qu'il subissait à Quimper « des vengeances implacables », ce qui l'incitait d'ailleurs à vouloir quitter la région.
Théophile-Marie avait une conception très moderne de la magistrature : il la voyait comme une magistrature de terrain, d'écoute, d'échange, d'ouverture. « Leur devoir (des magistrats), disait-il, soumet à méditer les relations de l'ordre social; vaste science qui, bien qu'elle ne soit qu'un développement des principes éternels de la morale, écrits au coeur de tous les humains, se compose et vit de rapprochements, de détails positifs que ne peut saisir toute l'attention la plus soutenue, si elle s'abandonne isolée aux conseils de la retraite et du cabinet ».
Mais un juge se devait aussi d'avoir du pouvoir. Il milite par exemple pour raffermir et rendre plus efficace l'autorité des juges de l'amirauté en 1778, en rédigeant avec Charles du Haffont de Lestrédiagat un mémoire adressé au ministre Sartine. Cet excellent juriste (les dossiers qu'il traite sont admirables de rigueur et de maîtrise du droit)- se montre encore d'avant-garde par d'autres observations. Ainsi, en 1778, il déclare que « tout jugement rendu en matière criminelle sera motivé » : ceci est encore aujourd'hui d'actualité! Adepte de la collégialité et de la mise en place d'un jury de sept magistrats pour les affaires criminelles, il souhaite qu'« aucune condamnation a la peine de mort ne pourra être prononcée si l'avis ne prévaut de trois voix... Les jugements de mort ne pourront être exécutés qu'après un mois de surséance et le visa de M. le Garde des Sceaux ».
Sa modernité ne peut que surprendre, et sa conscience aiguë du devoir du magistrat force le respect.

C) LAENNEC ET LA POLITIQUE : UN HOMME LIBRE

Laennec ne cachait pas ses idées ni ses engagements politiques à une époque charnière de l'Histoire.

« Ardent ami de la Révolution dans les beaux jours de la Révolution »

Cet homme au caractère indépendant est à compter au nombre « des vaillants de la première heure de l'histoire de la Révolution en Bretagne », selon l'expression de l'historien A. Corre 129. Il est vrai que dès 1790 il fait partie des 65 membres du Comité permanent de Quimper.
En 1793, il devient président du Club révolutionnaire de Quimperlé. Il s'affilie également au Club des jacobins de Paris.
Mais, par sa modération, il devient rapidement suspect d'aristocratie! Toutefois, son courage ne faiblit pas devant le fanatisme de certains. Il « arrache aux griffes de la Terreur » le prêtre réfractaire Coroller qui encourait la mort. Il s'insurge contre les acheteurs des biens nationaux, cette « horde de dilapidateurs qui déshonorent le nom de patriotes», ces « terroristes », il n'admet pas la répression aveugle contre les nobles et les prêtres.
Il finit par se détourner de la République lors des excès de la Terreur.
On se souvient du sort sinistre réservé aux vingt-six administrateurs du Finistère, condamnés à mort et guillotinés à Brest le 22 mai 1794. Parmi eux, Olivier Morvan, avocat quimpérois, était l'ami très cher de Théophile-Marie avec qui il partageait la même passion de la poésie et des arts. « La Liberté! Que le Ciel puisse renvoyer a nos ennemis la liberté qui égorgea les vingt-six administrateurs du Finistère »déclara-t- il plus tard.
En février 1795, Théophile-Marie soupire et espère encore. « La République vient de donner la paix à l'Espagne. Puisse-t-elle se la donner à elle-même ». Mais ses courriers d'octobre 1795 révèlent la fin de ses illusions lorsqu'il se révolte contre les outrances des patriotes : il les traite de « faiseurs de contre-révolution qui, Dieu merci, n'ont pas tout à fait encore trouvé le secret d'arracher le dernier de ses grains à celui qui les fait et qui les voit croître ».

"Le bonapartiste par raison"

« Nourri dans les idées libérales qui promettaient de régénérer la Nation française, ardent ami de la Révolution dans les beaux jours de la Révolution », il explique alors ses distances à l'égard de la République par an fort désir de liberté : « Aucune des constitutions républicaines ne donne ée garanties suffisantes a la Liberté », affirme-t-il. Puis il pose les limites de la démocratie. « II faut a la France un chef, un chef-puissant... car une grande nation ne peut être gouvernée par les mêmes procédés qui peuvent faire prospérer quelques petites peuplades », assure-t-il. Quand Bonaparte s'impose dans le nouvel horizon politique, Laennec sera de son côté...
Le 20 mai 1804, deux jours après la proclamation de l'Empire, Laennec fait l'éloge de Napoléon et explique son changement politique.
- Républicains de toutes les couleurs, écoutez un Républicain, écoutez ce Jean-Jacques. Il n'y a que la force de l'Etat qui fasse la liberté de ses membres... Les peuples se sont donné des chefs pour défendre leur liberté et non pour les asservir. Si nous avons un Prince, disait Pline à Trajan, c'est afin qu'il nous préserve d'avoir un maître ». Si l'enthousiasme de Théophile-Marie s'effiloche au fil des années de l'Empire, il n'en demeure pas moins « attaché au gouvernement » selon le préfet Miollis.

"Soucis à la Restauration"

A la Restauration - Laennec a près de 70 ans - il est renvoyé de son poste de conseiller de préfecture. Réintégré par Napoléon au début des Cent jours, il se fait aussitôt casser par le général Cafarelli. Vexé, il se détourne du régime impérial qui vit là ses dernières semaines, et embrasse officiellement et par réaction la cause des Bourbons; mais des ennemis coriaces expédient à Louis XVIII une pétition ancienne du Club des jacobins de Quimperlé, signée aussi par lui, et qui demandait la peine capitale pour Louis XVI : c'en était fini de sa carrière, c'en était fini aussi de ses engagements politiques !
Peut-on le taxer de versatilité pour ses variations politiques? Sans doute pas. Seul son dernier engagement royaliste ne paraît guidé que par l'affront qu'il pensait avoir subi, et semble peu sincère... Pour le reste, il s'est longuement expliqué sur les raisons pour lesquelles il s'est détourné de la Révolution.

D) UN HUMANISTE.

Pétri de culture classique, Théophile-Marie aime aussi les auteurs de son temps ; ses goûts éclectiques le mènent vers l'histoire tant ancienne que contemporaine; il ne néglige pas les ouvrages techniques et juridiques qui foisonnent dans sa bibliothèque. Il est toujours dévoré « d'une insatiable curiosité » selon l'expression de son frère... On remarquera juste dans ses acquisitions, et ce n'est pas anodin, l'absence des livres religieux ou de piété ou d'histoire religieuse : mais ce n'est pas une preuve d'incroyance.
A ce propos, on observera que ses lettres ne font jamais référence à un souci religieux. Il n'est pas anticlérical - au moment de la Terreur, il a même pris des risques en assurant la défense d'un prêtre - mais il ne porte visiblement aucun intérêt à la religion. Ainsi quand il évoque son second mariage pendant la Révolution, il regrette certes la rapidité d'une union sans apparat, mais ne déplore pas l'absence d'une cérémonie religieuse.
Laennec admire fort Jean-Jacques Rousseau et cette admiration durera semble-t-il jusqu'à la fin de sa vie. «... Ecoutez ce Jean-Jacques qui fut votre maître, et dont je m'honore d'avoir fait aussi le mien, en me réservant, toutefois, la faculté d'apporter a sa doctrine plus d'une modification » écrit-il en 1804. Mais peut-être a-t-il un faible pour la poésie, française, grecque, latine et même bretonne... Il aime aussi à versifier, de façon immodérée, en public comme en privé, dans le cadre de ses fonctions comme dans les moments plus intimes de son existence...
« Né avec l'amour des lettres » disent les uns, « doté du talent d'écrire avec pureté » diront les autres. Le préfet Miollis en 1809 indique qu'il « connaît très bien la langue française et a des facilités pour la versification » mais regrette qu'il ait « principalement pratiqué la partie de cet art qui est la plus futile, celle des pièces fugitives et des chansons ». Selon nos constatations, ses rédactions juridiques révèlent dans leur forme un grand talent d'écriture qui ne peut laisser indifférent.

CONCLUSION : UNE PERSONNALITÉ ATTACHANTE...MAIS DES ENNEMIS JUSQU'À LA TOMBE

Probité, lucidité, scrupuleuse honnêteté, sens moral affirmé caractérisent ce personnage hors du commun. Sans doute manquait-il d'ambition et n'avait-il pas le sens des affaires qu'il négligeait visiblement. « Le peu d'ordre qu'il a mis dans ses affaires a laissé détériorer sa fortune », note le préfet Miollis en 1809.
Comment était-il perçu par la population? Sans doute comme un original à qui des qualités de cœur sont reconnues unanimement.
Après un tel portrait, on s'étonne de lui savoir des ennemis, et pourtant ceux-ci étaient virulents, notamment à la veille de la Révolution, ce qui l’a poussé à quitter Quimper où son franc-parler était a l'origine de haines tenaces.
Certains historiens ont dressé un portrait peu flatteur de Théophile-Marie. Un épais dossier Laennec a longtemps été conserve par l’historien Armand du Chatellier (1797-1885) avant d'être reversé aux Archives. Ce dernier a établi une biographie correcte de Laennec dans un ouvrage sur les personnalités finistériennes. II a également publié un livret sur la famille Laennec où, sans épargner Théophile-Marie, il ne commet pas d'excès de langage. Toutefois, si la curiosité vous prend de reprendre les documents archivés annotés en marge Armand du Chatellier, on est gêné par la virulence de certaines réflexions de l'historien. Par exemple, du Chatellier parle de l’imagination très vive mais très malade » du magistrat ...
Nous ne savons pas en revanche qui a rédigé l'article nécrologique paru dans l'Armoricain le 23 février 1836 lorsque Laennec mourut. Il s'agit en tout cas d'un article fort hostile au défunt.
Mais le 10 mars 1836, une lettre indignée de lecteur, en l'occurrence celle de l'avoué Maître Fleuris, était publiée dans le même journal. En voici les premières lignes.
« II a paru dans votre numéro du 23 de ce mois un article sur monsieur Laennec, qui contient quelques erreurs. Je dis erreurs, parce que je présume que l'intention de l'auteur n'a pas été peut-être d'attaquer la mémoire d'un vieillard qui se fit toujours arnaquer par ses nombreux actes de générosité, de bienfaisance et de charité envers les malheureux de tous les âges et de toutes les opinions, et qui sera longtemps pleuré par les affligés, les prisonniers et les indigents avec lesquels il partageait non seulement sa pension de 1400 francs, mais encore une grande partie de ses vêtements. J'ignore par quel motif a été inspiré l'auteur de la notice, et sans examiner s'il avait mission de se constituer l'historien de M. Laennec, il était au moins de son devoir de respecter la vérité. Il ne l'a pas respectée... ».
On ne sait si la respectable intervention de l'avoué permit de réhabiliter Laennec... Le mal était sans doute commis.
Mais pour ma part, j’ai le grand plaisir de vous livrer la biographie de cet homme sur mon blog car je trouve son comportement admirable et digne d’intérêt sur cette partie méconnue de l’histoire de la Bretagne.

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