mercredi 14 décembre 2011

L'Espagne entre deux siècles : des peintres méconnus


Cette exposition permet de découvrir dans des tonalités souvent gaies des artistes très intéressants et méconnus au delà de la péninsule ibérique, qui sont les précurseurs des grands peintres espagnols du Xxème siècle : Miro, Picasso et Dali dont les premières œuvres dans une logique chronologique clôturent la visite, ce qui permet de constater la filiation dans laquelle ces derniers s'enracinent.

J'aurais à ce stade du mal à en dire plus car j'ai visité l'exposition il y a plusieurs semaines et n'ai pas acheté le catalogue, trop sombre à mon goût.

Je n'ai pas trop repris les commentaires figurant au Musée de l'Orangerie car je trouve qu'ils insistent trop sur une dichotomie Espagne noire/Espagne blanche, qui ne ressort pas forcément de la présentation des œuvres. Ou plutôt la domination de la tonalité gaie et la découverte de cette famille de peinture espagnole sont des nouveautés, quand l'Espagne noire était déjà connue avec Velasquez, Zurbaran, etc.

Ce musée est de surcroit méconnu alors qu'il comporte des Renoir, Derain, etc à profusion et les nymphéas de Monet dans des salles immenses.

1er commentaire trouvé sur un blog :

C’est un peu comme si Le Greco, Zurbarán, Velázquez, Goya avaient absorbé toute la lumière, rejetant ainsi dans l’ombre tous ceux qui devaient venir après eux, jusqu’au moment où devait briller au firmament des peintres le nom de Picasso


J'ai trouvé un autre commentaire sur un blog :

J'ai longtemps associé peinture espagnole au noir, à l'obscur, à la tristesse, au drame. De peintres espagnols, je ne connaissais réellement que Goya, Dali ou Miro pour les plus contemporains. Et pourtant, la peinture espagnole recèle tellement d'autres richesses...Heureusement, le musée de l'Orangerie a décidé de mettre à l'honneur la peinture espagnole avec une formidable collection d'oeuvres entre deux siècles, fin XIXème et début XXème.

Un Balcon sur la mer


Ce film de Nicole Garcia présente l'aspect civil de la guerre d'Algérie. Le point de vue est pied-noir, à travers les souvenirs d'un adulte qui a récemment croisé son amour d'enfance à Oran se remémore.

Ce film est un utile ajout au film de guerre l'ennemi intime qui décrit l'atrocité de ce conflit du côté des militaires français, avec les interrogations face aux méthodes utilisées.

Jean Dujardin est parfaitement crédible dans son jeu d'acteur, où il doit travailler sur soi, son passé, sa mémoire qui pour paraphraser Miossec a toujours tendance à avoir les dents blanches. Il donne une épaisseur à son personnage. Ces souvenirs du retour de la plage me rappellent immanquablement les écrits de Camus sur son enfance à Alger.

Je ne suis pas étonné que ces deux films aient été réalisés par des pieds-noirs avec un recul certain lié aux dizaines d'années passées : il est possible de commencer à en parler. Le cinéma est sur ce terrain comme celui de la Résistance en avance sur les historiens.

Si Nicole Garcia fait perdre un peu de force à sa mise en scène à jouer sur plusieurs registres (thriller, sentimental, historique et psychologique) comme le montre la bande-annonce, le cadre d'ensemble est bien retranscrit et la dimension personnelle lié à l'enfance algérienne du personnage bien maîtrisée.

Et une grande part du film tient sur un Jean Dujardin incarne, avec un formidable mélange de virilité et d’émotion, un homme submergé par un passé trop vite enfoui...

Les Patriotes ou un film sur le Mossad


Ce film français est réalisé sur le Mossad : il fait partie d'une veine : les très bons films d'espionnage français qui ont fait un flop mais sont pourtant une réussite !

D'ailleurs la plupart des protagonistes, tel qu'Y.Attal ou S.Kiberlain, JF Stevenin attestent qu'ils ont réalisé là une de leurs meilleures prestations.

E.Rochant concède lui-même que s'il n'a pas eu le succès escompté et s'il n'a plus jamais eu les moyens de réaliser un film de cette envergure, il est content de ce film au sens où il a réalisé exactement ce qu'il a souhaité réalisé, quasiment plan par plan.

Les fondus d'espionnage, qui auront lu les livres de Gordon Thomas, sauront que les faits retracés sont véridiques. Le film est également excellent au sens où il défantasme les services secrets : moins que des super-héros, nous avons affaire à une organisation huilée, qui enserre peu à peu ses proies. Les techniques d'approche, l'aspect collectif du travail de rapprochement des victimes, etc. sont brillantes.

Stevenin raconte très bien dans le making of le nombre de prises pour un regard, une discussion autour d'une table qu'on lui faisait rejouer 3 fois, en changeant uniquement l'état d'esprit de la scène : tu as peur, tu es d'accord, tu penses que tu peux l'avoir. Mais le script à dérouler restait identique.

Chose unique dans le cinéma : les acteurs jouaient le matin la scène mais ne la tournaient que l'après-midi, ce qui doublait quasiment le temps de tournage : 24 semaines de tournage est une durée exceptionnelle.

De la même façon pour Bernard Lecoq, retenu pour jouer le rôle du gentil, du mec sympa qui est en fait un agent du mossad spécialisé dans les techniques d'approche. E.Rochant au sommet de son art lui demandait de ne justement pas jouer trop le gentil : il devait être gentil tout en gardant tout le temps une réserve, une politesse.

Attal est exceptionnel alors que je ne suis par ailleurs pas un fan : il explique d'ailleurs très bien comment il ne devait pas prendre d'initiatives, pas jouer au héros : il se fait même rembarrer très séchement par les agents plus avisés du Mossad à certains moments ! Il a expliqué que c'était assez difficile à vivre sur le tournage quand on sait qu'on a le premier rôle et qu'on est sans cesse contenu dans le rôle d'un jeune novice.

Le commentaire d'un journaliste de l'express en 2007 :


Le meilleur film d'espionnage jamais réalisé en France. Documenté, intelligent, joué à merveille par un Yvan Attal qui, après quelques films (dont les deux premiers d'Eric Rochant), accusait ici une vraie présence qu'il n'a cessé de développer depuis... Et puis il y a la maîtrise d'Eric Rochant. Par son sens du rythme, la précision de ses cadres, la fluidité de ses travellings (toujours justifiés), la mise en scène des Patriotes est un cas d'école. À peine sorti du tournage, Jean-François Stévenin (qui interprète une cible du Mossad) avouait n'avoir jamais vécu une si belle expérience. Le film n'eut pourtant pas le succès qu'il mérite. Même pas un prix au Festival de Cannes où il fut présenté. Un scandale. Une aberration. Que chacun(e) mesure quand il/elle découvre cette perle rare. Il faut également citer Bernard Le Coq, Sandrine Kiberlain, Emmanuelle Devos, Maurice Bénichou, Christine Pascal, Yossi Banai (le mentor d'Ariel), à l'aune du film de Rochant : parfaits.


Le commentaire sur un blog :


Rochant montre la part non négligeable du facteur humain dans le travail des agents du Mossad, que ce soit par rapport aux gens qu'ils ont pour mission d' approcher que par rapport à eux mêmes. Toute la formation et tout l'art de l'agent consiste à faire fi de tout sentiment humain tout en prenant en compte celui ci afin d'atteindre ses objectifs.

Parfaitement original et décalé par rapport au genre qu'est le film d'espionnage, tout en en respectant l'esprit et l'excitation, Rochant resserre son histoire autour des personnages, des êtres, et leur confère une épaisseur d'autant plus grande qu'ils ne cessent d'essayer d'en faire abstraction.

Les interprètes sont tous remarquables: Attal bien sûr, Bernard Le Coq souvent sous employé au cinéma, de même que le formidable Stévenin ou encore Emmanuelle Devos. Sans parler de la magnifique et très sexy Sandrine Kiberlain, troublant à la fois le personnage d'Attal et le spectateur.
J'en profite pour dire que je partage complètement l'avis sur S.Kiberlain méconnaissable dans un de ses premiers rôles (elle était encore au conservatoire), tellement elle fait peu ressortir dans les rôles qu'on lui connaît son côté sexy. Elle se débrouille extrèmement bien dans son rôle de call-girl, très crédible ! Au point d'en charmer le spectateur je le reconnais ! Çe fut une révélation de la voir aussi belle !

La bande annonce :


Ah oui ce film extremement brillant et qui lors de sa présentation à Cannes avait conquis les spectateurs n'a eu aucun prix ! La raison : les journalistes pro-palestiniens très présents à Libération, L'Humanité et l'ensemble de presse parisienne bien pensante de gauche ont « dégommé » le film comme étant à la solde d'Israël !

Walter Benjamin


Une exposition brillante sur un esprit libre, un intellectuel renommé que la traque aux juifs du régime nazi va conduire au suicide

Sa théorie de l'histoire, très différente de celle du progrès, mais plutôt orientée vers les notions de fragments, de chaos, de catastrophes. Il récuse l'idée de progrès ou d'un sens à l'histoire.

J'adore cette réflexion sur le matérialisme historique, qui est la vision marxiste de l'histoire, qui livre en même temps sa propre pensée : « Marx dit que les revolutions sont la locomotive de l'histoire. Mais il en va peut-être tout autrement. Peut-être les révolutions surviennent-elles lorsque l'espéce humaine qui voyage dans ce train tire le signal d'alarme ».

L'intérêt de l'exposition est de montrer dans un premier temps comment les methodes de travail de Benjamin sont proches et en étroite dépendance avec le contenu de son œuvre.

La disposition fragmentaire de ses archives, remise à des amis, un mode de travail et de documentation sous forme de fiches, de notices : loin d'un gros bouquin qui correspondrait mieux à un historien du progrès universel, avec une finalité précise, il dissocie en fiches isolées et l'ensemble se trouve comme une boîte à fiches, une cartothèque, qui représente mieux son travail d'historien. Il avait inventé et deviné avant l'heure, le copier-coller reprenant certaines formulation dans d'autres fiches, liant les fiches par des codes couleurs. Le principe d'un jeu de construction, avec des configurations. Il parlait de l'ensemble de ses archives comme d'un arbre de soin, et réalisait de nombreux schémas avec des arbres, des embranchements, des spirales entre des idées, tout un univers pour montrer l'interaction des idées. Novateur, il faisait attention à tout : la micro écriture pour que de premier abord, le document apparaisse comme tel, et non pour son contenu qui reste indéchiffrable. Le contenu lui fait l'objet d'un style précis, laconique. A travers la forme, le philosophe donne déjà le fond de sa pensée, précise et qui peut sembler lacunaire parce qu'elle ne se veut pas englobante, ou trop systématisée...Plein d'autres idées sont mises en avant au cours de l'exposition, autour de 13 idées méthodiques qui n'appartiennent qu'à l'intéressé et définissent sa méthode de travail.

La seconde partie de l'exposition est consacrée à la constellation de son cercle d'amis, de figures intellectuelles, puisque lui-même était uniquement consacré aux travaux de l'esprit. On y retrouve Hannah Arendt, Max Horkheimer, Adorno, tout le monde phislosophique de la seconde partie du Xxème siècle, dont certains peuvent s'enorgueillir d'avoir réellement et concrètement tenté d'aider Benjamin, lorsqu'il fut une première fois emprisonné en France et plus tard en lui obtenant un visa pour les Etats-Unis. Belle relation d'amitié dont l'exposition démontre qu'elle était aussi basée sur un fort rapport intellectuel, Benjamin se livrant peu sur sa vie privée !

Il manque une troisième partie à cette exposition qui aurait porté sur les principaux concepts ou idées de W.Benjamin sujet périlleux s'il en est il est vrai tellement l'auteur est parfois peu accessible ! Même si certaines idées sont abordées à travers l'exposition : la vision spatiale à travers les passages parisiens propres au XIX ème siècle, la question de la collection, la reproduction mécanique et l'art, etc.

En revanche, un grand bravo pour la qualité de la bibliographie qu'on peut trouver au niveau de la boutique : de nombreux ouvrages sur Benjamin, tels que je n'en ai jamais vu autant rassemblés en un seul endroit ! Quel plaisir ce fut de les consulter !

« une exigence constante chez Walter Benjamin : arracher à l’oubli une pensée en devenir et en organiser le sauvetage, qu’il s’agisse de sa propre pensée, de celle de ses proches ou de pans entiers de l’histoire négligés »
«Sa vie durant, Walter Benjamin a pris soin de confier ses textes, notes ou manuscrits à différents amis (dont Gershom Scholem et Gretel Karplus). À la diversité des matériaux s’ajoute donc le caractère fragmentaire de ces « dépôts ». Ainsi émerge une constellation mouvante d’archives dispersées qui vient former un paysage de pensée d’une rare intensité. Voulue et organisée, cette dispersion fut amplifiée par les aléas de l’histoire : l’exil en France de Walter Benjamin à partir de 1933, ses périodes de refuge aux Baléares ou au Danemark, la disparition de sa bibliothèque, puis la partition de l’Allemagne après-guerre »
« cette exposition révèle un mode de pensée et une vision du monde réfléchis dans chacun des actes de Walter Benjamin », à travers ses méthodes de travail et d'archives.

Le parcours de l'exposition

samedi 15 octobre 2011

Drive, un putain de grand film à ne pas rater !


Drive est un film hors normes

Quand tout le monde s'attend à un film de voitures, c'est un film de voitures mais ...

Le début du film : un braquage dont il assure le voiturage. Mais jamais course poursuite n'a été aussi peu poursuite ! C'est même la seule course où on s'arrête au feu rouge !

On comprend que cela va être bizarre ! La voiture survitaminée est la voiture la plus inaperçue possible, grise métallisée.

Le chauffeur écoute pendant la course poursuite le match de foot américain et monte le son à mesure que le score final approche ! Très masculin voire macho ! Je vous laisse deviner la fin de cette première course du film et le pourquoi de cette écoute de match !

On a déjà compris qu'on serait dans un film pas ordinaire !

Pour reprendre un critique sur ce début de film : "En l’espace de ces quelques minutes le réalisateur pose les bases du film : son personnage, son univers graphique, ses jeux de lumières, son montage sonore électrisant et sa BO atmosphérique. On se rend très vite compte que Winding Refn n’est pas là pour nous sortir un simple film d’action. Bien au contraire. Drive tient toute sa substance dans ce chauffeur mutique".




Il y a beaucoup de références dans ce film, une lenteur assumée. J'y ai vu avec d'autres des références à John Woo ou au samouraï de Melville mais on sent que le cinéaste a une telle maîtrise cinématographique qu'il y a beaucoup d'autres références totalement digérées et que je ne connais pas. Voilà un cinéaste abouti !



Regardez la qualité des images et des couleurs choisies ! L'ambiance du film dans les trailers ! Ecoutez la musique aussi : y'a des vrais moments de plaisir !



La référence à John Woo en partie mais en partie seulement - car le réalisateur suit sa propre histoire - je l'ai retrouvé dans l'histoire avec les références gore ! et l'enfant ! Placer l'enfant au milieu d'une histoire de gang m'a fait refait penser à la scène dans the Killer avec l'enfant, le côté parodique en moins. Les asiatiques osent plus souvent mettre des enfants au milieu des gangs !



La scène de l'ascenceur est sidérante mais ne vous attendez pas à un film d'action avec un ascenceur genre tour infernale à disneyland. Non Cette scène va devenir mythique car elle sonne juste dans ses contrastes :

Une romance toute naturelle et incroyablement juste, pour repartir vers une violence indescriptible !

Plusieurs films en un, car l'histoire d'amour est ultra-présente, avant elle-même de s'éclipser autour de l'intérêt de l'enfant...

La façon de décrire cette histoire d'amour : Difficile de décrire la poésie qui se dégage entre les deux personnages tellement la performance des comédiens se doit d’être vue pour être comprise. La douceur est omniprésente : un sourire, un échange de regard, un geste anodin, voir même un simple Ok.

Ou encore : Leur histoire d’amour est toute en finesse, tout passe dans les regards, les contacts et les non-dit. Ne peut-on pas faire plus belle représentation de l’amour, du désir qui nous enchaîne et qui nous fait pousser des ailes

Ryan Gosling est le personnage de ce film, magnétique et anonyme à la fois ! Puis le côté paradoxal du personnage apparaît, d’un coté le calme et le self control et de l’autre la rage et la noirceur qui explosent en fulgurances courtes.

Pour citer quelques formules que j'ai aimées parmi les critiques que j'ai lues :

un équilibre idéal entre l'image, le mouvement et le son



on se demande ce que le CNC consomme pour oser mettre un film aussi violent juste moins de 12 ans. Parce que, en effet, si vous comptiez emmener votre petite sœur de 13 ans Jeanne voir le film avec vous, sachez que même si les scènes violentes sont courtes, elles sont gores et ultra-explicites. Mention spéciale à une scène qui est déjà culte (même si d’autres vont le devenir rapidement aussi, comme le film d’ailleurs).




N’y allons pas par quatre chemin, Nicolas Winding Refn signe ici un chef-d’œuvre. Courez le voir (et même le revoir) !

Drive est un film bizarre. Le genre d’expérience qui sur le papier peut sembler boiteuse et qui même une fois à l’écran à des petits moments où l’on s’inquiète. Vous savez ces moments où l’on se dit que le château de cartes en face de nous va s’effondrer et puis c’est au final totalement le contraire qui se produit.

Je me suis beaucoup aidé des messages et critiques de blogs pour écrire cet article : de nombreuses personnes ont été inspirées par ce film, et je n'ai repris que certaines de leurs remarques judicieuses, pour ne pas faire catalogue !!!

lundi 22 août 2011

Tiken Jah Fakoly à Bercy le 18 juin 2011

1/ Ils ont partagé le monde, plus rien ne m'étonne ! Vous devriez reconnaître une voix !

Tiken Jah Fakoly est un artiste engagé qui soutient actuellement le processus en côte d'Ivoire qui a conduit Ouattara démocratiquement au pouvoir, tout en conservant ses distances.



2/ Je chante pour ne pas accepter : je dis non en chansons :



Un concert où la notion de melting pot avait vraiment sa place ! Toutes les couleurs étaient représentées Et toutes les injustices étaient dénoncées : occidentales comme africaines ! Un superbe spectacle ! Ce n'est qu'une chanson mais une chanson pour ne pas accepter !!!

3/ Le balayeur balayé ... les dictateurs à la rue !! Son album en a fait un précurseur par rapport aux révolutions arabes.



4/ Vieux père voilà ton fils :



Bien écouter le discours de Tiken Jah Fakoly ! Même s'il est un peu populiste sur le coup ! Mais un concert se prête moins qu'une interview à une explication circonstanciée !

Son interview dans Metro : où il explique ses intentions d'artiste engagé et son analyse de la situation actuelle de l'Afrique.

Et surtout un résumé de la pensée et de la musique de Tiken Jah Fakoly :

Zita Swoon ...again !

Allez deux videos supplémentaires lors d'un concert à radio VRT à Bruxelles !







Zita Swoon : suivons le fil !

Si vous suivez ce blog depuis quelque temps, vous savez que les pérégrinations de Zita Swoon font partie des bonnes choses qu'on aime vous faire découvrir : le garçon aime faire des expériences nouvelles, se soumettre à un nouvel inconnu plein de promesses qui ne sont jamais garanties ! ce fruit de la rencontre, il nous la procure cette fois -ci au Burkina Faso où il s'est rendu au cours de l'année 2010, nous faisant part seulement maintenant de ces magnifiques vidéos :



Par ailleurs, on vous a déjà transmis des videos de leur dernier spectable de concert dansé sur ce blog. Le cd-uniquement instrumental est désormais disponible mais plutôt que la video officielle, je préfère vous transmettre cette video prise par un amateur de bon son :



Sur le site officiel vous trouverez ce résumé du projet Zita Swoon Group :

Loin de se détourner de la chanson à laquelle il entend rester fidèle, il lui cherche des parallèles dans la danse, le théâtre ou des ensembles de musique classique et expérimentale. L'ensemble s'appelle à présent Zita Swoon Group. Carlens tient à souligner par là qu'il s'agit d'un collectif marquant à la fois un nouveau départ et une nouvelle approche. Parmi celles-ci, la première fut "Dancing With The Sound hobbyist», issue d'une collaboration du groupe avec le danseur Simon Mayer et la chorégraphe Anne Teresa Dekeersmaeker de la compagnie Rosas ; on pourrait la qualifier de concert dansé. Ce spectacle est actuellement toujours en tournée.
Le cd et le vinyle du même nom comprenant les versions studio des performances sont dès à présent disponibles. La force motrice en est le tandem de percussion Aarich Jespers et Amel Serra Garcia. Leur panoplie instrumentale comprend des instruments traditionnels latino tels que la conga, le bongo et le surdo, des composantes de batterie comme le « snare », le « floor tom » et les cymbales, une série de timbales d'Orff et quantité d'instruments «objets trouvés» tels que des boîtes en fer-blanc, des poêles, un énorme tube en fer, divers vases et lampes en verre, une lime à métal utilisée comme güiro, etc.


jeudi 18 août 2011

Un oiseau australien !



C'est notre préféré dans le beau livre reçu d'Australie !

Pourquoi ?

Parce qu'il a un joli petit bidou Hi Hi Hi !!! Qu'il met bien en avant !

Merci pour ce joli envoi !

L'islamisation des regards

Dans un ouvrage consacré en 2005 à l'Islam Imaginaire, le journaliste Thomas Deltombe s'est intéressé à la construction médiatique d'une image de l'Islam en France de 1975 à 2005.

S'il a le défaut à mon goût de farie disparaître toute acuité au problème, de vouloir nier toute difficulté d'intégration ou de "réception" en France des populations immigrées d'origine arabe, il constitue en revanche un formidable outil de déconstruction des représentations de l'Islam en France via les médias, en mettant à jour tous leurs pré-supposés implicites.

J'ai souhaité mettre en avant trois paragraphes qui illustrent le propos de l'auteur :

Dans l'introduction, il cerne son objet et son contexte télévisuel :

Média et Islam :

Nous découvrons une des caractéristiques essentielles de la médiatisation télévisuelle de l'islam de France : les « musulmans » ont dans l'ensemble assez peu de prise sur « leur » image. La variété des façons d'être musulman place les journalistes dans une situation d'incertitude. Mais aussi dans une certaine forme d'impunité : qui viendra démentir leurs versions de l'islam ? Qui peut statuer sur la légitimité de ceux qui disent parier au nom de l'islam ? D'où tire-t-on l'idée si répandue qu' « il y a trois (quatre, cinq...) millions de musulmans en France » ? C'est le regard qui crée l'objet, et non l'inverse. C'est donc paradoxalement en s'intéressant à ce qui se passe à l'extérieur de ce que l'on appelle aujourd'hui, de façon é nigmatique, la « communauté musulmane de France » qu'on peut comprendre la logique de sa médiatisation.
L'islam de France en tant qu'objet médiatique est bien souvent regardé à travers des événements qui sont étrangers à la France. Une ré volution en Iran, un conflit en Irak, une guerre civile en Algérie, des attentats à New York et à Washington ? Et voilà les caméras qui s'intéressent aux « musulmans » de l'Hexagone, avec l'idée implicite qu'ils sont « tous les mêmes » . Mais il est surtout, quoique de façon moins visible, façonné par des phénomènes qui sont à bien des égards étrangers à l'islam : crises de la représentation politique, de l'école, des banlieues...

Le rôle de la femme : instrumentalisation d'une vision :

IL démontre comment tendancieuse est l'approche de la femme par le regard médiatique occidental :

L'islamisation des regards... ou la colonisation par d'autres moyens ?
On pourrait pourtant s'étonner de l'acharnement avec lequel ces journalistes évoquent des problèmes aussi sensibles. Et de leur propension à évacuer tout ce qui ne cadre pas avec leur volonté de circonscrire la question a un face-à -face culturel, entre un « islam jugé archaïque et tyrannique et un « Occident » nécessairement moderne et émancipateur.

Car le but des reportages est toujours de glorifier la « liberté », le « dynamisme » et l'« ouverture » de ces jeunes filles et de mettre en accusation, par contraste, les « traditions » ou l'« autorité d'un pè re trè s religieux ». « II semblerait que les problèmes démarrent chaque fois à l'époque du ramadan, mais ce n'est certainement pas la seule cause, témoigne une vague connaissance d'une jeune fille séquestrée. Malika est quand même d'esprit très français. Et pour elle, le Coran et tout ça, ça ne l'inté resse pas du tout.»
Si la religion n'est pas, chacun affecte d'en convenir, la « seule cause » du mal-être des beurettes, les autres causes passent pourtant systématiquement a la trappe. Comme pour ce couple que les médias, en janvier 1988, surnomment les « Roméo et Juliette de Toulon » . Quel est le « problème » ? s'interroge un journaliste de FR3 : « II est de religion catholique, elle est de confession musulmane. Pour eux, ce n'est pas important, Roger est même prêt a se convertir Mais pour les parents de Nasséra, c'est essentiel. » Le journaliste balaie en revanche un autre « détail » : il a trente-trois ans, elle en a seize. Pour lui « ce n'est pas important » . Mais pour les parents qu'il incrimine ? Tout fonctionne comme si, derrière la cause invoquée, la motivation réelle des journalistes était ailleurs : demander aux filles de renier publiquement leurs traditions et les transformer en agents promotionnels de la « culture française » auprès de leurs semblables. On s'étonnera ainsi que les reportages s'en prennent si violemment aux pères immigrés, sans jamais mentionner les enquêtes qui révèlent un accroissement constant des mariages mixtes en France, ni celles qui montrent la ré ticence toujours massive des Français à accepter ce type d'union pour leurs propres enfants . Les conditions socio-économiques, les destins personnels, les situations familiales singulières, pourtant essentiels pour comprendre les relations que peuvent entretenir les filles avec leur père, ne sont jamais évoqués.

Certains téléspectateurs auraient peut-être été intéressés de comprendre pourquoi la famille et la religion représentent des valeurs refuge pour un père à qui l'on ne cesse de rappeler qu'il est « déraciné » ou qui est resté en France, malgré un licenciement, sur l'insistance de ses enfants. Les réticences des pères peuvent être plus profondes encore : dans le documentaire de Coline Serreau qu'on avait pu voir en 1980, un père marseillais expliquait fugitivement pourquoi il lui était impossible d'accueillir à sa table un gendre français : « Parce qu'un Français ne deviendra jamais algérien... Et alors ! Pourquoi l'Algérie n'est pas devenue française ? » L'homme avait été torturé par l'armée française en Algérie.
Les sujets sur les beurettes témoignent d'un regard quasi pathologique sur la culture maghrébine en général et sur l'islam en particulier. Cette obses sion de la jeune fille révoltée contre l'héritage paternel porte les lourdes traces d'un passé colonial mal digéré. Comment ne pas voir en effet que les sujets sur les beurettes se multiplient au moment où la France s'enfonce dans une grave crise identitaire et où les gouvernements français successifs multiplient les mesures anti-immigrés et cherchent à restreindre l'accès à la nationalité française ? À travers la thé matique de l'oppression des femmes maghrébines, se joue sur les écrans de télévision une répétition euphémisée de la posture « civilis trice » coloniale, telle qu'elle s'est développée pendant plus d'un siècle en Algérie. Nourrie de paternalisme et de la conviction de l'infériorité de l’« autre » indigène, homme ou femme, la France se préoccupait bien moins,en vérité , d'une authentique émancipation de la femme que de briser et fragmenter la société algérienne, fût-ce en s'appuyant hypocritement sur la mise en cause de tout ce que peut avoir de choquant et d'inacceptable l'infériorisation structurelle, dans les cultures méditerranéennes (musulmanes ou non), de la soumission de la femme à la domination masculine.
Pour s'en convaincre, il faut relire Frantz Fanon, quand il évoquait en 1959 l'attitude du colonisateur face à la femme algérienne : « L'administration dominante veut défendre solennellement la femme humiliée, mise à l'écart, cloîtrée... On décrit les possibilités immenses de la femme, malheureusement transformée par l'homme algérien en objet inerte, démonétisé, voire déshumanisé . Le comportement de l'Algérien est dénoncé très fermement et assimilé à des survivances moyen âgeuses et barbares, avec une science infinie. La mise en place d'un réquisitoire-type contre l'Algérien sadique et vampire dans son attitude avec les femmes est entreprise et menée à bien. L'occupant amasse autour de la vie familiale de l'Algérien tout un ensemble de jugements, d'appréciations, de considérants, multiplie les anecdotes et les exemples é difiants, tentant ainsi d'enfermer l'Algérien dans un cercle de culpabilité. » Dans les années 1980, avec la même bonne conscience et la même inconscience des enjeux réels, la télévision a remplacé l'« administration coloniale ». Mais l'ennemi est toujours « musulman » .
En mars 1989, à la fin de l'affaire Rushdie, des journalistes se jettent ainsi sur un drame familial pour faire la démonstration de l'impossible coexistence entre la culture française et la culture musulmane. Alors que deux frères se suicident après avoir « tué leur sœur parce qu'elle sortait avec un Français », l'affaire fait l'ouverture des journaux télévisés. Ce fait divers sordide « met en évidence, de façon exacerbé e, les difficultés, les tensions, les recoins obscurs de l'assimilation dans une autre culture, où en particulier la sexualité se vit différemment » , analyse Christine Ockrent sur Antenne 2. « Ce drame [...] illustre une fois de plus les difficulté s pour une jeune fille musulmane et vivant en France d'échapper à l'emprise des traditions. On a souvent parlé de cas d'enlèvement ou de sé questration. Cette fois, un degré de plus dans l'intolérance a été franchi », ajoute Jean-Pierre Pernaut sur TFl.
En relevant ces jugements émis certainement en toute bonne foi et sans conscience de leur inscription dans une longue tradition coloniale, il ne s'agit évidemment pas de nier les souffrances de nombreuses jeunes femmes descendantes de migrants. Mais simplement de constater que l'interprétation qui est faite de ces drames familiaux tranche considérablement avec celle qui est donnée, par exemple, des crimes racistes fort nombreux à l'époque. Les rares fois où ils sont évoqués, ceux-ci ne sont jamais analysés comme une illustration, pour reprendre les termes de Christine Ockrent, des « recoins obscurs de l'assimilation » . En réalité , derrière la cause féministe et l'idéal du mariage mixte, les journalistes mettent souvent en scène une identité française assaillie par un ennemi mortel.

Enfin, dans un troisième extrait, Th.Deltombe s'attaque au syndrome algérien

Les ambivalences post-coloniales :

Derrière le débat naissant sur la place des « enfants d'immigrés » et avec la focalisation croissante sur l'immigration « arabe », les signes du retour du syndrome algérien se multiplient.Les immigrés algériens ont de toute évidence un statut particulier dans le traitement médiatique de l'immigration. Déjà en 1973, lors du premier choc pétrolier, les lecteurs attentifs de L'Express avaient pu s'étonner de cet « enchaînement logique de cause à effet » que décrivait la journaliste Françoise Giroud : « Si l'industrie française est affectée par les restrictions d'énergie, ce sont les travailleurs algériens qui seront les premiers chômeurs. » En 1974, c'est sous un titre évocateur qu'une émission de la troisième chaîne s'interrogeait sur la présence des travailleurs immigrés en France : Des Algériens pour quoi faire ?

Sous-représentés à la télévision au début des années 1970, les Algériens deviennent progressivement la clé du « problème de l'immigration » au début des années 1980. La guerre d'Algérie, occultée jusque-là , revient par bouffées, presque naturellement, derrière la question de l'immigration et de l'islam. Dans un remarquable documentaire intitulé Grands-mères de l'Islam, diffusé en 1980, Coline Serreau s'intéresse au sort d'une famille algérienne de Marseille dont le père est un ancien fellagha. Début 1981, un opposant au centre islamique de Rennes explique ses raisons à TF1. Le journaliste s'é tonne : « Vous parlez de valises... Valises et cercueil... Vous êtes pied-noir ? Vous avez fait l'Algé rie ? - Oui, j'ai fait l'Algérie, bien sû r. Je vous montrerai les photos, d'ailleurs. Mon combat en Algé rie a été magnifique, je crois ! »

On commence à sortir de l'amnésie décrite par l'historien Benjamin Stora : « Le problème de l'immigration découvre un conflit obsessionnel, jamais disparu. Derriè re, l'"Arabe", le "Maghrébin" et, derrière le "Maghrébin", l'"Algérien"... Les immigrants maghrébin seraient inassimilables à la société franç aise parce que profondément différents des autres immigrés, ceux de l'entre-deux-guerres par exemple. Cette différence s'expliquerait par la religion musulmane. Une population, par ses croyances, se serait exclue d'elle-même, volontairement, des valeurs établies par la société. »

Vingt ans après la fin du conflit, la guerre d'Algérie a laissé des traces profondes. Elle reste inscrite dans les mentalités et les réalités sociales françaises comme d'ailleurs algériennes. La France compte un million de pieds-noirs, 240 000 « Franç ais musulmans » (harkis). Près de deux millions de soldats français ont combattu en Algérie et 35 000 y ont péri. De nombreux journalistes ont fait leurs premières armes au cours du conflit. La guerre reste un épisode fondateur pour des organes de presse comme Le Nouvel Observateur ou l'Express, et l'Algérie une terre natale pour certains journalistes et intellectuels de renom (Jean-Pierre Elkabbach, Jean Daniel, Bernard-Henri Lévy, par exemple).

Derrière les mots "intégration", "assimilation", se dessine la grande question des Arabes en France, leur place, leur rôle comme nouveaux citoyens. Nombre de souvenirs qui paraissaient perdus se réveillent, se manifestent : peut-on être musulman et français par entière ? A nouveau se lève le défi, non réglé, qui a conduit à la guerre à la guerre d'Algérie." (Benjamin Stora, la Gangrène et l'Oubli, p. 279).




La France contre l'Afrique



L'ouvrage de Mongo Beti, La France contre l'Afrique, qui relate l'expérience de son retour au Cameroun après trente ans d'exil, se rapproche selon moi de deux oeuvres dont il partage la clairvoyance : l'étrange défaite de Marc Bloch (qui analyse la décomposition et les sursauts de la France lors de la débâcle de juin 1940) ou le maghreb entre deux guerres de Jacques Berque (qui analyse les effets de la colonisation sur la société algérienne et maghrebine).

Le point commun est cette analyse de ce qui se passe sous les yeux de l'auteur, et la capacité d'en tirer les considérations adaptées.

La plume est vive car le romancier se cache toujours derrière l'analyste. La France comme les dictateurs corrompus ou certains traits de caractère de la population sont mis en défaut de manière corrosive.

J'ai décidé de mettre en lumière l'extrait de l'ouvrage consacré au sabotage du pétrole camerounais, car il est éclairant et central dans l'analyse économique de Mongo Beti.

Avec la même acuité et vivacité d'esprit, si vous voulez apprendre en peu de temps et de façon brillante l'histoire occultée de la guerre de décolonisation menée par la France au Cameroun ce lien vers le récit imagé et pertinent de Mongo Beti :

Une biographie en français et en anglais car j'ai une lectrice qui désormais lit l'anglais à longueur de journée !

Extrait de la France contre l'Afrique, passage consacré au mystérieux pétrole camerounais :

Partout où il a jailli, l’or noir a été une providence, une vraie bénédiction divine pour les peuples autochtones, auxquels il a procuré des hopitaux, des routes, des écoles, des universités, un progrès enviable, dont ces populations n’auraient même pas rêvé sans lui : c’est vrai de l’Arabie saoudite, de la libye, des émirats du Golfe, de Brunei, du Venezuela, de l’Algérie, dans une grande mesure, et en Afrique noire même, de l’Angola ancienne colonie portugaise, malgré une guerre civile interminable, et surtout du Nigéria. En Afrique francophone, au contraire, où, bizarrement, les phénomènes n’obéissent jamais au cours normal, il n’en est pas allé ainsi.
Pour les pays africains francophones, Gabon, Congo, Cameroun, l’or noir a été une malédiction : non seulement les populations autochtones n’en ont pas profité, non seulement les ressources qui en ont été tirées semblent avoir été consacrées à des entreprises douteuses, mais, qui plus est, l’opinion publique n’a jamais été informée ni des quantités extraites, ni des sommes d’argent versées par les compagnies, ni encore moins de l’utilisation faite de cet argent.
Cette sombre alliance associant les compagnies françaises Total et Elf Aquitaine et les dictateurs des Républiques francophones productrices de pétrole, avec la bénédiction lointaine de l’hôte de l’Elysée, a fait du pétrole dans ces pays un sujet tabou.
En apprenant le plus souvent par la rumeur, jamais par le canal d’une voix officielle, que du pétrole avait été découvert sur leur sol, les Camerounais, les Gabonais, les Congolais eux aussi ont rêvé de progrès rapides, de richesse, de confort. Ils ont attendu de connaître les sites, l’évaluation des réserves, le rythme d’exploitation, le nombre de barils-jour, le montant de dollars récoltés par baril, le montant, de préférence en dollars, du revenu annuel. Mais plus qu’en tout autre domaine au Cameroun, le dictateur Paul Biya s’est révélé un sphinx, n’ouvrant la bouche que pour articuler des énigmes, à l’occasion de conférences de presse tenues à l’étranger, ou pour esquiver des questions que, d’ailleurs, personne sur place n’osait lui poser. Jamais il n’est arrivé à Paul Biya ni à son prédécesseur d’ailleurs de parler de pétrole à aucune instance de son Etat.
Plus étonnant, l’information concernant le pétrole du Cameroun comme celui du Gabon ou du Congo est inaccessible en France même ; il n’en est pratiquement jamais fait état dans la presse, ni à la radio et, a fortiori, à la télévision. Sachant que deux sociétés françaises, Total et surtout Elf Aquitaine, assurent l’essentiel de l’extraction du pétrole d’Afrique francophone, on se demande quelle implacable omerta enveloppe tout le système, au point qu’il n’a jamais émoustillé le journalisme d’enquête pourtant à la mode en France.

Je crois bien avoir été le premier à dénoncer ce complot (« Camerounais, votre pétrole f… le camp » dans la revue Peuples noirs-Peuples africains, n° 12, novembre-décembre 1979). A l’époque, c’est surtout le black out entretenu sur ce sujet qui révoltait les Camerounais. Plus tard, le scandale se précisa quand on apprit que les sociétés exploitantes et notamment Total et Elf Aquitaine, sociétés de l’Etat français, grand mystique de la coopération désintéressée avec l’Afrique, versaient les revenus du pétrole, non pas à l’Etat camerounais, exigence élémentaire de la morale, mais sur les comptes personnels du dictateur Ahmadou Ahidjo dans les banques étrangères, suisses en particulier, pratique qui s’est poursuivie avec Paul Biya, cela va sans dire. Les premières informations sérieuses sur ce sujet ont été fournies comme d’habitude par la presse américaine. Je me réfère en particulier au Wall Street Journal du 26 mai 1981. L’étude est due à un reporter qui venait de séjourner au Cameroun. Selon la journaliste, les revenus pétroliers du Cameroun pour l’année 1980 se sont élevés à un milliard de dollars ; mais poursuit elle un tiers seulement de ce pactole s’est retrouvé dans le budget.
Le Figaro du 1er juin 1988 écrit à ce sujet : « il fallait à tout prix éviter le mal hollandais qui avait par exemple disloqué l’économie mexicaine. C’est un virus qui entraîne dans une hausse galopante les salaires de l’industrie et de l’administration, puis accélère l’inflation si la manne pétrolière se déverse trop brutalement dans le pays en écrasant les autres secteurs d’activité. Ainsi, conscients de la faible « capacité d’absorption » de la rente pétrolière par leur pays, les dirigeants camerounais eurent comme d’autres producteurs aux caractéristiques voisines une idée lumineuse (sic) : retirer du circuit intérieur les dollars du pétrole afin qu’ils ne contaminent pas le reste de l’économie, et les placer sur un compte hors budget à la discrétion du président de la République. Loin du contrôle parlementaire. Depuis, un brouillard opaque recouvre ce secteur stratégique. Quand il a succédé à M.Ahidjo, Paul Biya s’en est accommodé, en révélant tout de même l’existence de ce « trésor de guerre ». Les exportations inscrites à la balance commerciale officielle n’ont aucune signification. Elles ne servent qu’à lui assurer un solde positif. Il a suffi ensuite chaque année jusqu’en 1987 de réinjecter ces dollars pour des projets « soigneusement » sélectionnés, dans le budget de l’Etat au moyen d’une loi de finances rectificative : au gré du prince.
« La somme ainsi prélevée représentait jusqu’au début de 1986, entre 300 et 500 milliards de francs CFA par an. Certains observateurs évaluent à 1 500 milliards de francs CFA son montant cumulé entre 1982 et 1985. L’Etat, via la Société nationale des Hydrocarbures, l’a placée sur les marchés financiers internationaux, dans l’intention – louable – de la faire fructifier ». Est il encore utile de rappeler que pendant ce temps là le pays manquait cruellement de maternités, d’hopitaux, d’écoles, de routes, de chaussées et de trottoirs dans les villes, de logements sociaux, de médicaments, de tout en somme : et surtout, quel étrange paradoxe, la dette extérieure s’alourdissait sans cesse ?
A la stupéfaction de l’observateur, jamais le problème n’a été pris en charge, au titre de cheval de bataille par les organismes internationaux comme la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international, maîtres d’œuvre des politiques d’ajustement structurel, et à ce titre gendarmes de la solvabilité des Etats faillis et du remboursement de leurs dettes aux grandes banques transnationales. Ces organismes dépêchent régulièrement des fournées d’experts sur place. Ces derniers submergent les populations de mesures d’austérité draconiennes, n’hésitant pas à recommander le dégraissage de la fonction publique (avec environ cent cinquante mille bougres dont le salaire individuel atteint rarement 1 000 francs français par mois, et dans un pays de plus de douze millions d’habitants, il paraît que la fonction publique camerounaise est pléthorique, quand au contraire, chacun peut constater que le pays est effroyablement sous administré), la diminution des crédits de l’éducation, l’arrêt du recrutement à l’Université, etc. En revanche, sur le pétrole, sur les mystères de ses revenus et de leur gestion, silence. N’est ce pas la preuve que la fin de la guerre froide n’a pas entraîné comme par enchantement la fin des connivences entre l’Occident capitaliste et les dictatures du Sud, si utiles naguère le combat contre feu le communisme ? La transparence dans la gestion des revenus pétroliers n’aurait elle pas aidé à restaurer la solvabilité de l’Etat camerounais ? A moins que l’économie et les finances ne soient pas la vraie vocation de ces organismes, tout au plus une couverture. S’avançant pesamment comme ânes chargés de reliques, les experts des organismes internationaux ne dirigent leur attention que là où rien ne mérite de l’attirer ni de la retenir. On les croirait frappés de cécité dès que les dirigeants africains des dictatures peuvent être soupçonnés de brigandage et de déprédation. Seraient ils guidés par l’impératif catégorie de ménager les dictateurs avant tout ?
On me signale que les experts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire opérant au Cameroun depuis la fin des années quatre vingt n’ont pas manqué de se préoccuper du chapitre pétrole des comptes de la nation ; ils ont même demandé aux autorités de la dictature de le leur soumettre. Ces dernières s’y sont sèchement refusées. Et ce fut la rupture, croirait-on. Pas du tout. Plus placides que des ruminants, les experts internationaux ont ravalé l’avanie, et, sans aucune indigestion, poursuivi ce qu’ils appellent sans rire l’exécution de leur mission.
A qui fera-t-on croire que ces questions ne sont jamais posées discrètement et en aparté au milieu de la chaleur communicative des banquets inter-républicains ? Quelles réponses leur font alors un Paul Biya, un Omar Bongo '. un Sassou Nguesso, tous amis de la France ? L'opinion publique en Afrique et en Europe est-elle vraiment indigne de le savoir ? Si oui, comme il apparaît à l'expérience, François Mitterrand peut-il nous dire pour quelles raisons ?
Comment expliquer cette cachotterie? C'est ce que Le Figaro suggère fort bien dans la citation qu'on vient de lire :
« Ainsi, conscients de la faible "capacité d'absorption" de la rente pétrolière par leur pays, les dirigeants camerounais eurent, comme d'autres producteurs aux caractéristiques voisines, une idée lumineuse : retirer du circuit intérieur les dollars du pétrole afin qu'ils ne contaminent pas le reste de l'économie, et les placer sur un compte hors budget à la discrétion du président de la République. Loin du contrôle parlementaire. »
Qu'est-ce donc que la faible capacité d'absorption de la rente pétrolière pour un pays donné ? Comment la détermine-t-on, et par qui ? La notion de faible capacité d'absorption de la rente pétrolière apparaît pour ce qu'elle est, une plaisanterie de très mauvais goût, un plaidoyer enfantin échafaudé d'ailleurs après coup, lorsqu'on apprend que, pendant que les dollars du pétrole ainsi retirés des comptes publics pour ne pas contaminer le reste de l'économie, dorment quelque part, l'Etat camerounais n'a pas interrompu sa politique d'emprunts auprès des grands établissements financiers étrangers (ni de quête de dons auprès des États nantis) ; sinon comment la dette extérieure du Cameroun serait-elle aujourd’hui d’un montant de six milliards de dollars ?
On peut trouver le cas du Gabon plus troublant encore que celui du Cameroun. Ce pays, qui n'a pas un million d'habitants, exporte chaque année quelque huit millions de tonnes de pétrole, chiffre estimé, qui doivent bien fournir bon an mal an quelque deux milliards de dollars. Rapporté au million de Gabonais, ce pactole devrait faire le bonheur des populations, autant que dans tel émirat béni. Il n'en est rien, et les Gabonais sont aussi miséreux qu'ailleurs en Afrique. Quant au Congo, pays qui se disait marxiste avec l'approbation de l'Elysée, les affaires publiques y furent longtemps marquées au coin de l'absurde, et inextricables.
Ainsi les Camerounais réclament-ils la libre propriété de leur sous-sol et de sa manne, soit quelques dizaines de milliards de dollars. François Mitterrand peut se permettre de leur proposer, par la voix du dictateur Paul Biya comme l'expression la plus noble de sa solidarité, la réduction partielle d’une dette, chiffrée a quelques dizaines de millions de dollars : une miette. A un peuple qui demande justice, le président français offre le marche de dupes de la charité au rabais, mais il est applaudi par son compère du cru. Interprète providentiellement exclusif de son peuple, ce que Philippe Marcovici appelle un « interlocuteur valable ».
Le système ne peut d'ailleurs fonctionner que si les choses se font au gré du prince, loin du contrôle parlementaire (au demeurant inconcevable), c'est-a-dire sous la férule d un dictateur, choisi de préférence parmi les amis de la France.
C’est à ces impératifs que doit obéir, sur le terrain, l’action des compagnies pétrolières françaises, obligées de verser des royalties, non à l’Etat comme partout à travers le monde, mais à un dictateur, dont on sait aujourd’hui qu’il les a gaspillés allègrement, bien loin de daigner en rendre compte aux populations. Il faut donc soutenir, à tout prix éventuellement, Paul Biya, le dirigeant le plus impopulaire d’Afrique francophone, avec le togolais Eyadema et le zaïrois Sese Seko Mobutu, sinon l’ensemble du mécanisme se détraquerait. On comprend maintenant pourquoi les élections présidentielles du 11 octobre 1992 ont été scandaleusement truquées là-bas, comme elles le seront dans cinq ans, dans dix ans, dans quinze ans, éternellement en un mot, si du moins les rapports entre la France et le Cameroun restent ce qu’ils sont. L’interlocuteur valable devra chaque fois être soustrait à tout aléa, coûte que coûte.
Mais, nous dira-t-on, quels sont les faits et les chiffres, au moins depuis l'avènement de Paul Biya ? Rendues excessivement prudentes par le manque d'information dont l'État est responsable, les sources concordent toutefois pour estimer, avec quelques variantes, que le Cameroun, depuis dix ans, a produit régulièrement environ huit millions de tonnes de pétrole chaque année. Cela doit pouvoir représenter en dix ans de règne de Paul Biya, selon le témoignage d'experts, environ 20 milliards de dollars en tout, versés, semble-t-il, en bonne partie sur un compte personnel du chef de l'État et gérés par lui sans aucun contrôle et dans un mystère complet. Qu'a-t-il fait de ces milliards de dollars? Telle est la question que, au Cameroun, tout le monde se pose. Rappelons que, selon le discours de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, l'insolvabilité actuelle de l'État camerounais, entraînant une faillite universelle qui l'achemine vers la paralysie économique, résulte en partie de la lente et implacable asphyxie du pays par une dette publique de six milliards de dollars environ. Alors voici la question, déjà soulevée ici à plusieurs reprises, qui vient spontanément à l’esprit du premier profane : pourquoi, malgré l’argent de son pétrole, le Cameroun ne peut il pas rembourser cette dette ? Vingt milliards contre cinq, c’est plus qu’il n’en faut ; il resterait même encore un énorme bénéfice au pays, sans doute quinze milliards de dollars, correspondant à plusieurs annuités du budget national.

NB / Marchés tropicaux. une publication spécialisée, datée du 14 février 1992, indique : « La production pour 1991 est estimée à 7 millions de tonnes alors qu'elle approchait les 10 millions en 1985. » Le Figaro, déjà cité, donne les chiffres suivants : 8,493 millions de tonnes pour 1984/1985,9,021 millions pour 1985/1986 ; 8,740 millions pour 1986/1987.

Le phénomène de la gestion du pétrole en Afrique francophone, avec ses extravagances, ses silences, ses dérobades, ses pressions occultes, ses crimes est si étrange qu’on est tenté d’y chercher la clé de l’histoire de ces trente dernières années. En effet, on a beau se triturer les méninges, consulter le dictionnaire, interroger les spécialistes de la politologie, on ne trouve pas d’autre terme pour caractériser la situation que sabotage.
Il faut bien dire que, à la lumière de cette hypothèse, s'éclairent enfin bien des bizarreries, bien des zones d'ombre, bien des extravagances, mais aussi bien des crimes demeurés longtemps mystérieux ou énigmatiques. N'est-ce pas, de surcroît, ce qu'annonçait cette biographie parue dans Le Monde du 30 août 1991, à l'occasion du décès de l'ancien président d'Eî f, Pierre Guillaumat : « Plus puissant que bien des ministres, mais pratiquement inconnu du grand public, Pierre Guillaumat n'a vécu que pour une idée : il n'y a pas de véritable indépendance nationale sans autonomie énergétique. C'est cette autonomie qu'il développera sans relâche, et souvent à l'arraché, dans le pétrole. [...] « L'exemple de Clemenceau, qu'il admire, contraint de mendier auprès des Américains le précieux carburant qui, en 1917, alimentera les taxis de la Marne et forcera la victoire, marque profondément le jeune Pierre Guillaumat. [...] « A la tête de la direction des carburants pendant huit ans, de 1944 à 1951, et en même temps du Bureau de recherche du pétrole pendant quatorze ans, ce "Mattei français' va réussir son pari. Car des hydrocarbures, il en découvre : à Lacq en 1949, puis en Algérie en 1956, au Congo, au Gabon, en 1959. En quelques années, la France a ainsi réussi à maîtriser son destin pétrolier en contrôlant une bonne partie de ses approvisionnements. [...]
« Dix ans plus tard, en 1966, lorsque l’ensemble fusionne pour former le groupe Elf Aquitaine, Pierre Guillaumat en devient naturellement le premier président. Entre-temps la décolonisation a privé la France du contrôle total de la plupart de « ses » anciens gisements, qu’elle doit partager avec les nouveaux gouvernements. Une période difficile pour cet « émir de la République » […] qui accepte mal la nationalisation en 1971 du pétrole algérien, « son » pétrole, puisqu’il l’a découvert.
« Sous l’aiguillon de son impérieux président, le groupe Elf n’en réussira pas moins à compenser ces pertes, en découvrant du pétrole et du gaz notamment en mer du Nord et en Afrique, et à devenir l’un des premiers groupes pétroliers européens. En 1977, lorsque Pierre Guillaumat prend sa retraite, il laisse une entreprise florissante, bien diversifiée. Certes la France n’a pas réussi totalement à se soustraire à l’influence des majors américains, mais grâce à ses deux groupes pétroliers […], elle a largement réduit sa dépendance. »
La destination du pétrole africain, c’est donc d’assurer l’indépendance énergétique de la France, non de faire le bonheur des Africains, pour lesquels il vaut alors mieux qu’il n’existe pas. Et le reste n’est que littérature.


vendredi 15 avril 2011

Staff Benda Bilili à Clamart !

Kinshasa descend dans les rues françaises ! Après le succès du documentaire et la tournée européenne, ils repassent par l'Hexagone après leur succès mérités !

Ces paralytiques de la rue et les enfants des rues représentés par Roger vont

Le plus formidable chef de projet rencontré dans ce monde : Ricky !!! Et ne me dites pas que je ne vous l'avais pas dit !" haranguait il ses troupes quand ils passèrent de la rue et des cartons à l'avion qui conduisait son groupe en Europe !

Bref, loin de toute compassion, en assistant à leurs concerts, vous allez vous régaler, vous bouger comme jamais, finir en sueur et remercier le ciel de leur permettre de jouer ainsi, avec cette énergie folle, qui manque à bien des valides !!!

On n'a jamais vu des gens autant bouger sur scène ! Un spectacle à ne pas manquer !







Dancing with the sound Hobbyist

Zita Swoon est depuis quelques années en train de présenter un spectacle de danse qui montre l'aspect multiforme de son talent : sa troupe s'est associée à des danseurs. Nous avons eu l'occasion de les voir à Bruges puis à Amiens.

Le passage avec les deux soeurs est littéralement ensorcelant. Le tout est humaniste et vous sort de votre monde habituel, retourne aussi à une sauvagerie d'avant le temps moderne.

La video de présentation du spectacle à Amiens :


Dancing with the sound hobbyist - MCA -... par MCA_Amiens

Ma video suivie de deux autres :







dimanche 3 avril 2011

BLUE NOTE !



Ce sont deux émigrés juifs allemands fuyant le nazisme qui réfugiés aux Etats Unis vont fonder le label de Jazz le plus célèbre outre atlantique ! voici le résumé figurant sur la pochette du documentaire :

Quand Sam wooding se produisit à Berlin en 1925, les sonorités inhabituelles de l'orchestre noir firent dresser l'oreille au jeune Alfred Lion. Quelques années plus tard, il se rendit aux Etats Unis pour y vivre à nouveau de première main cette musique irrésistible qui en Allemagne devait bientôt être proscrite par l'idéologie nazie : le jazz. En 1938, il s'installa définitivement aux Etats-Unis. Malgré son indigence et ses faibles capacités linguistiques, porté seulement par sa passion pour cet art, qui aux USA mêmes était peu considéré, l'émigrant juif fut en mesure de fonder dès l'année suivante l'un des premiers labels indépendants exclusivement consacrés au jazz : Blue Note. En 1941, son inséparable ami Francis Wolff le rejoignit en exil. Lion et Wolff ont gravé les grands moments inspirés de nombreux musiciens dont l'importance ne devait être reconnue qu'après que leur musique, qui indiquait la voie de l'avenir, eut été diffusée sur les disques au logo bleu et blanc : Thelonious Monk, Art Blakey, Horace Silver, Jimmy Smith et Herbie Hancock ont fait leurs débuts de leader avec Blue note. Des géants à la renommée établie mais provisoirement passés au second plan tels Sidney Bechet et Dexter Gordon y gagnèrent une nouvelle popularité.

Si Lion était l'homme au flair d'or, Wolff était en revanche un as de l'appareil photo. Ses clichés expressifs en noir et blanc de musiciens sur fond sombre contribuaient tout autant à l'identité, reconnaissable sans méprise possible, des pochettes que le traitement à la fois ludique et démonstratif des caractères et des formes par le styliste Reid Miles. Le Cover Art de Blue Note a été souvent imité, jamais égalé. Pourtant la recette - utiliser une photo parlante en noir et blanc et une typographie accrocheuse - semble si simple.

Ils sont nombreux les amateurs convaincus qu'il n'y a pas seulement le look et le sound typiques de Blue Note - ce dernier étant du au légendaire ingénieur du son Rudy Van Gelder, mais aussi un style Blue Note. De la musique semblable a déjà eté enregistrée pour des labels concurrents, tels que Riverside ou Prestige, en partie par les mêmes musiciens, mais Blue Note présente une variété bien plus étendue que ne le laissent supposer les titres les plus courants.

A la grande époque, c'est à dire jusqu'à la cession à Liberty en 1965, elle couvrait tout le spectre du boogie pianistique originaire teinté de blues, de l'année de la fondation jusqu'au libre avant gardisme d'un Ornette Coleman.

Les enregistrements de Blue Note pouvaient être assez faciles à retenir pour toucher sans problème, aujourd'hui encore un grand public comme Song for my Father de Horace Silver ou bien rester confinés à des cercles de connaisseurs initiés comme les albums d'Andrew Hill. Ils pouvaient être trop en avance sur leur temps comme les jeux pianistiques de Herbie Nichols qui passèrent presque inaperçus ou tomber au moment approprié pour réaliser une superbe perçée comme les premiers disques de Jimmy Smith qui non seulement imposa par là l'orgue Hammond dans le jazz mais déclencha une véritable vogue. D'un autre côté, les premiers 78 tours du label manifestent également une profession de foi conservatrice des deux Berlinois en faveur des modes de jeu anciens non frelatés par la commercialisation, tout en touchant pourtant par leur contribution au revival le nerf d'une époque saturée par les orchestres de swing.

Francis Wolff qui savait de quoi il parlait récapitula : "D'une certaine manière, nous avons créé un style mais j'aurais du mal à le définir. Pourtant je me souviens que les gens avaient l'habitude de dire : "Alfred et Franck n'enregistrent que ce qu'ils aiment". C'était vrai. Et si je peux ajouter trois mots, nous tentions d'enregistrer du jazz "avec du feeling"." Et il faut ajouter que Lion et Wolff n'avaient pas d'arrières pensées commerciales, bien qu'ils eussent souvent des succès commerciaux peut-être précisément en vertu de l'authenticité qui en résultait. "Avec du feeling", cela signifie indirectement : autant de liberté artistique que possible, distance par rapport à l'industrie de l'art, pas d'influence exercée en faveur d'un prétendu goût de l'acheteur. Les producteurs pouvaient s'en tenir à instaurer une ambiance propice au déploiement de la créativité. Les musiciens sentaient leur confiance, leur respect voire leur amour et leur donnaient le meilleur d'eux-mêmes, dénudaient leur âme en jouant. l'excitation joyeuse des fondateurs du label servait de jauge : "Alfred ne savait certes pas danser mais pendant les enregistrements, il était toujours debout dans le studio et battait des pieds avec la musique. Si, à un moment, il ne bougeait plus, c'est que tu avais un problème. "It must Schwing !" disait il alors. Et si cela n'avait pas de Schwing, ce n'était pas assez bon se souvient Herbie Hancock l'un des nombreux artistes de Blue Note qui dans le film de Julian Benedikt se rappellent les faiseurs de Blue Note avec une immense sympathie. Alors qu'il était encore inconnu, Hancock eut la surprise d'être prié de se présenter sur son premier album que des compositions de son cru et non comme c'était l'usage des standards connus. Et une fois de plus les faiseurs de Blue Note voyaient juste avec leur pensée non commerciale : Watermelon man est resté un tube jusqu'à ce jour et ce sont de tels succès qui permirent à Lion et Wolff le luxe de garder pendant longtemps leur soutien à d'immenses talents non populaires même si les oeuvres de ces derniers ne se vendaient pas.

Le fil rouge ou plutôt la ligne noire qui traverse de part en part l'histoire de la Note Bleue ce n'était pas seulement la préférence pour une musique qui accentuait les racines dans le blues et dans le gospel d'un jazz défini en premier lieu comme noir et comme américain. C'était aussi en toile de fond l'attitude humaine d'émigrants qui eux mêmes victimes de la haine raciale ne laissaient aucune place au racisme quotidien des Etats-Unis. Alors que pour les albums de bop publiés dans les années 50, les concurrents préfèraient se tourner vers d'autres motifs (Prestige vers le graphisme abstrait, Savoy vers de jolies dames blanches), Blue Note arborait la plupart du temps le portrait de l'artiste noir, d'une façon plus conséquente et plus précoce que la concurrence. Art Blakey pensait qu'Alfred Lion avait une âme noire. Le blues qu'il aimait tant ne manquait que sur de très rares albums de Blue Note. Il devint le code des émigrants devenus apatrides qui trouvèrent une seconde patrie dans le jazz et avec leur label donnèrent une patrie à d'innombrables musiciens qu'ils ramassaient dans la rue et à qui personne ne s'intéressait.

La perfection des productions de Blue Note est presque le produit dérivé d'un traitement équitable des musiciens. La différence d'avec les produits de la concurrence réside dans les deux jours de répétitions qui étaient payés en supplément par Lion et Wolff comme l'a reconnu un jour un producteur de Prestige. Cette perfection est plus et autre chose que celle qui serait rendue possible par un planning suffisamment ample et prévoyant : un abandon total des musiciens dans l'atmosphère évoquée ci-dessus de reconnaissance et d'affection qui permet de se lâcher sans inhibition. La perfection des albums classiques de Blue Note se remarque même chez des artistes qui n'étaient pas des habitués de la maison mais qui ont néanmoins gravé pour ce label des bornes milliaires comme Cannonball Adderley avec Something Else, John Coltrane avec Blue Train ou Eric Dolphy avec Out to Lunch. Aucun d'entre eux n'a fait chez les concurrents de meilleurs disques, seulement d'autres disques.

L'histoire du label Blue Note est archi américaine : du va nu pieds à la gloire mondiale. Que cette histoire ait été écrite par des émigrants, cela ne la rend que plus américaine encore. De l'autre côté de l'Atlantique, on a d'ailleurs bien perçu l'ironie qu'il y a dans le fait que non seulement ce sont des Allemands qui avaient fondé la plus célèbre maison de disques de jazz américaine, mais que ce sont à nouveau des Allemands qui lui ont consacré un monument filmé.



Outre la fiche wikipedia consacrée au label, une série d'autres contributions trouvées sur des sites :

"Blue Note, la célèbre firme qui donna naissance à John Coltrane, Art Blakey et Miles Davis, fut la création d’Alfred Lion et Francis Wolf, deux émigrés juifs allemands.

À contre-courant des principes de commercialisation, productivité et autres dollars à la clé, ils firent ce qu’ils aimaient avec des aventuriers souvent corsaires dans l’âme.

Ce documentaire lancé en 1997 et pour la première fois réédité en DVD, aussi intelligent que celui consacré à Ahmet Erhgun (fondateur du label Atlantic), est un pur ravissement.

Entre les strates de concerts, Monk, Hubbard et autres Coltrane viennent se glisser en commentaires attentifs, souvenirs, éclats de rire et cette infinie volonté de faire différent."

Ou encore :

"Sa postérité, le label Blue Note la doit avant tout à la personnalité de son fondateur. Allemand immigré à New York pour fuir le nazisme, Alfred Lion (1909-1987) fit passer ses envies avant toute considération commerciale. Il fut ainsi le premier à reconnaître le talent d'un pianiste peu considéré dans les années 40 - un certain Thelonious Monk. Lion avait l'art de rassembler les meilleurs autour de leaders comme Wayne Shorter, Herbie Hancock, Art Blakey ou Horace Silver, avec une seule exigence : que ça swingue. Ces unions sacrées, son « frère siamois » Francis Wolff, juif allemand lui aussi, les immortalisera sur des clichés au noir et blanc somptueux, qui symboliseront l'esprit du jazz".

Ou encore 2 :

"Explicitement, ça veut dire Blue Train (John Coltrane), Go (Dexter Gordon), Maiden Voyage (Herbie Hancock), Soul Station (Hank Mobley), The Sidewinder (Lee Morgan), Somethin' Else (Cannonball Adderley), Moanin' (Art Blakey)...

La liste révèle des albums qui récoltent tous le petit astérisque démarquant les bons disques des immortels. Des records phares, qu'on a maintenant la possibilité de trouver dans l'emballage initial. Même grosse pochette, même gros vinyle, mais avec un son remastérisé, comme pour le disque compact qui accompagne chaque album à des fins de praticité.

Outre le fait qu'on parle d'albums cultes, ils ont tous cette particularité d'avoir été enregistrés sous la supervision de Rudy Van Gelder il y a une cinquantaine d'années. Van Gelder? Encore là, la crème: l'ingénieur des ingénieurs du son.

Entre 1953 et 1967, Van Gelder a forgé la sonorité unique de Blue Note au gré d'enregistrements bien souvent devenus mythiques. Son nom est synonyme d'un son cristal, chaud, rond, naturel, parfaitement précis et découpé, toujours équilibré. Un son qui plonge immédiatement l'auditeur dans l'atmosphère du studio et son petit mystère ambiant.

Depuis une dizaine d'années, Blue Note réédite d'ailleurs plusieurs des grandes sessions de l'ingénieur sous l'appellation «RVG Serie» ou «RVG Edition». En gros: c'est toujours de la bombe.

Mais encore? Les combos parus cette semaine ont aussi cette particularité de bénéficier des pochettes légendaires qui ont fait l'autre bout de la réputation de Blue Note. Le catalogue de la maison de disques est ainsi rempli des créations croisées du duo composé de Francis Wolff (photographe et copropriétaire de Blue Note avec Alfred Lion) et du graphiste Reid Miles.

Ce dernier demeura 11 ans dans la boîte (1956-1967), où il a développé sa maîtrise de la composition graphique qui, pour beaucoup, est devenue LA représentation visuelle de ce qu'est le jazz.

Tout comme ces vieux vinyles tout neufs constituent à nos yeux LA représentation musicale de ce qu'est le jazz."

Pour avoir une idée des pochettes de jazz :

Luke : car plus personne ne veut rire ....



Luke est ce très bon groupe de rock français, un de ceux dont on peut dire : ils sont les derniers !

D'ailleurs pour beaucoup, au risque de caricaturer, "Luke, ce fut, lors de la dernière décennie, le groupe qui reprit le flambeau laissé vacant par Noir Désir. Celui du rock abrasif, engagé, teinté de textes poétiques et de riffs corrosifs."

Après deux ou trois bons albums, et certains moins réussis ou commerciaux, selon les avis, leur dernier album est pour le coup le bon mélange de ce rock sans concession et d'un côté mélodique affirmé.

Le nombre de mélodies qui se laissent écouter : je suis un robot, et certaines avec une tonalité sociale qu'on connaissait déjà à ce groupe : la complainte du gardien de prison ...

Alors non défnitivement Luke n'est pas un remix, une tentative de faire revenir Noir Désir ou lui emboîter le pas, mais il est bon qu'il reste encore quelques écorchés sur la scène française, qui croient encore en ce rock pour sortir les tripes en même temps que de sortir des idées, teintées de social !

Luke, défintivement rock et sans concession, ce qui ne veut pas dire le contraire d'intelligent, au contraire !

L'interview dans les Inrocks !

Et d'accord avec le magazine Rolling Stone pour affirmer : "Comme son titre l’indique, D’autre part ouvre d’autres horizons à Luke. Mais reste cohérent avec une histoire rock entamée il y a une décennie".

Une autre critique qui raconte l'histoire du groupe !

dimanche 20 février 2011

Le cinéma iranien ... vital !






Il est vivificateur, à l'image de la démocratie iranienne qui a de tout temps secoué la société civile iranienne, qui ne laisse jamais ces despotes tranquilles !

Nous sommes allés voir Jafar Panahi deux fois récemment à la cinémathèque française

Le ballon blanc est l'histoire d'une fillette admirablement têtue qui veut acheter un poisson rouge pour le nouvel an et à qui les péripéties vont s'amonceller, au travers d'une quête dans la ville. Il filme la vie quotidienne et lui donne une telle vie qu'on suit, qu'on s'amuse, qu'on a peur avec la jeune fille quand survient le serpent !!! Bref on ne s'ennuie pas en restant dans la vie quotidienne comme Kechiche peut nous tenir en haleine pendant deux heures avec la confection d'un couscous !

Avec pour personnages principaux les interprètes les plus difficiles à bien filmer, des enfants, Panahi démontre qu'il excelle pour montrer au plus près les situations quotidiennes, il sait à la fois en respecter l’authenticité et en faire un conte fantastique et une fable morale.

Le second film est celui de jeunes femmes qui veulent à tout prix se rendre au stade de football à l'occasion du match qui peut conduire leur équipe nationale à la coupe du monde. Le monde du football est interdit aux filles mais elles n'en ont que faire, et comme le tournage du film, elles font preuve de clandestinité pour s'introduire dans le stade ! Le statut de la femme est évidemment au coeur du film mais Panahi réalise un film mi comique mi tragique, ces filles sont hors jeu, mises hors le jeu, comme la règle au football. Elles se moquent suffisamment ou ouvertement du système, font preuve de bravitude pour reprendre une expression connue ! Et le contraste avec la ferveur du stade, connue dès les instants des bus qui conduisent les supporters et où une jeune fille cache son angoisse dans la liesse générale du bus !




La distinction entre les novices qui n'ont pas su correctement se couper les cheveux et sont clairement des filles avec les expérimentées qui ont des coupes de garçons voire pour l'une d'elles un costume d'officier qui fera d'elle auprès de ses camarades d'infortune une star pour l'audace de son stratagème !

Très critique envers la situation sociale dans le pays, ses films, tournés dans des conditions de semi-clandestinité, sont interdits en Iran, alors même que Panahi y est désormais considéré comme la personnalité la plus marquante au sein de sa génération de cinéastes. Arrêté déjà en début d'année 2010, son siège était resté vide au festival de cannes où il devait être juré. De même au festival de Berlin en ce début d'année 2011 puisqu'il vient d'être emprisonné pour subversion pour 6 ans avec une interdiction de filmer pendant 20 ans ! La communauté internationale se mobilise pour lui venir en aide.



Le rappel de son arrestation fin décembre :


Une invitation à regarder ses films

C'est néanmoins un autre film iranien qui a remporté l'ours d'or à Berlin, d'un autre grand réalisateur iranien. le pouvoir de créativité du cinéma iranien n'a d'égal que le zèle de la censure des autorités de leur pays.

Ours d'or du festival de Berlin 2011 :

Ashgar Farhadi est ce cinéaste primé : je vais vous parler de son précédent film, A propos d'Elly, qui filme la société iranienne dans sa complexité, prisonnière malgré elle de traditions et du regard porté par les autres, même auprès d'une jeunesse qui se veut libérée ! Mais qui rejoue les failles de la faible liberté des femmes dans ce pays.

Un groupe d'amis étudiants passe des vacances dans une vaste demeure au bord de la mer Caspienne. Sepideh, qui s'est occupée de l'organisation, a décidé d'inviter Elly, en espérant que celle-ci ne soit pas indifférente au charme de son ami Ahmad, qui sort tout juste d'une rupture. Les vacances se passent dans la bonne humeur, jusqu'à la soudaine disparition d'Elly...



On y mèle la tension d'un très bon scénario qu'on ne voit pas venir à la critique sociale qui se montre de plus en plus féroce, les personnages se découvrant et se montrant prisonniers des limites que leur impose la société, toute cette évolution induite par la disparition d'une jeune femme ! La tension est remarquablement présente dès le début du film, mise en scène fortement par le cinéaste qui nous tient en haleine : il nous fait deviner l'imminence d'un drame ...

Je suis entièrement d'accord avec ce jugement de Télérama :

A propos d'Elly (Ours d'argent au Festival de Berlin), tourné bien avant la contestation anti-Ahmadinejad (et sa répression), commence presque comme une oeuvre occidentale. Des amis vont passer le week-end au bord de la mer : voitures puissantes, ambiance festive, etc. Il y a trois couples et un célibataire que la jolie Sepideh aimerait bien caser avec la timide Elly, invitée surprise. Ça complote sec jusqu'à ce qu'Elly disparaisse sans laisser la moindre trace.

Après les scènes de groupe gaiement pagailleuses, et très réussies, changement de ton brutal : au fur et à mesure qu'on s'interroge sur l'identité et le destin d'Elly, surgit un Iran plus traditionnel où la femme est opprimée. Mais au-delà du sujet proprement dit, le film intéresse par ce qu'il montre incidemment : des classes moyennes à demi occidentalisées, une timide libéralisation des moeurs et des femmes qui se baignent entièrement... vêtues. A son meilleur, il donne à voir des individus qui se croient libres alors qu'une force plus puissante qu'eux cadenasse leur vie. Appelons-la tradition, ou dictature.

Mes thèmes préférés

Rokia Traore - Un cri d'amour pour l'Afrique

Irma vep

Irma vep
Maggie Cheung

Mes citations

"Le bien suprême était là, dans le cercle des choses et de la nature humaine.
Je ne demande plus où il est : il fut dans le monde, il y peut revenir, il n'y est maintenant qu'un peu plus caché. Je ne demande plus ce qu'il est : je l'ai vu et je l'ai connu."

Hölderlin, Hyperion



"Dans tes faux-fuyants,
Les crimes ont été escamotés
Dans un endroit
Où ils peuvent oublier"

Portishead



"Je suis d'une morale douteuse : je doute de la morale des autres"

Marguerite Duras



Je suis bourré de condescendances
Pour mes faiblesses si dures à avaler
Ce qui fait que je flanche
Quand on essaie de m'apprécier

Miossec, le chien mouillé (en silence)