dimanche 8 janvier 2012

Une émission intéressante sur la guerre d'Algérie

Elles ne sont pas nombreuses sur la télévision française, encore moins lorsqu'elles essaient de faire abstraction du contexte si tant est que ce soit possible. L'émission marque d'ailleurs les limites de l'exercice.



L'intérêt de cette émission est qu'on y retrouve pas moins que les meilleurs spécialistes reconnus de la guerre d'Algérie, avec des origines différentes :

- Benjamin Stora le plus grand spécialiste contemporain en France, formé par les plus grands historiens de l'Algérie coloniale Ch.-A.Julien, Ch-R. Ageron dont l'histoire de l'Algérie contemporaine reste la meilleure introduction générale aux études sur l'Algérie coloniale, Jacques Berque déjà cité sur ce blog, grand spécialiste attentif aux évolutions du maghreb et dont le livre Le maghreb entre deux guerres livre avant l'heure les prémisses de l'injustice coloniale. Ce dernier était le fils d'un fonctionnaire et avait le regard particulièrement lucide. Benjamin Stora nous donne à voir dans ce documentaire sa propre origine : juif de Constantine ce qui en fait un autre point de vue sur la guerre d'Algérie. Dis toi d'où tu me parles, même si l'esprit libre et l'intelligence ont toute leur place.
- Mohammed Harbi le plus grand historien algérien, membre actif du comité de direction du FLN qui s'en est écarté après des années d'emprisonnement faute d'avoir su instaurer un dialogue démocratique au sein de l'organisation de la Libération. Il n'est ni un zélateur du FLN ni a contrario sensible aux arguments de l'Algérie française. Son regard est donc particulièrement aigu et difficilement réfutable par les autres acteurs en France, souvent prêts à trouver des accomodements, des excuses aux pieds noirs
- Alexandre Arcady, qui fait ici office de "représentant intelligent" des pieds noirs et qui pour moi a réalisé le film de guerre le plus abouti sur la guerre d'Algérie avec l'ennemi intime, vu du côté français. Je ne lui accorderai pas le même privilège sur ses films civils, lui préférant le balcon sur la mer de Nicole Garcia (Cf l'article correspondant dans ce blog). Il fait partie de cette génération particulièrement intéressante des enfants nés en Algérie, dont la patrie natale est l'Algérie et qui n'étaient pas en âge de faire des choix politiques ou d'être coupable des choix des adultes. Il ne peut qu'idéaliser la vie et la coexistence des communautés en Algérie, repris sur ce thème par B.Stora bien placé pour savoir que la coexistence n'était qu'un message de dupe de la colonisation, qu'on ne mangeait pas le gateau des Arabes, etc. Il a un regard particulièrement brillant et cinématographe sur l'Algérie qu'il ne pourra jamais faire taire au niveau de ses origines. Il ne comprendrait d'ailleurs pas de faire taire ce qui est son sang. Il retourne en Algérie fréquemment. Elkabbach lui donne raison parfois dans le documentaire en le tutoyant, plus pour l'aider et marquer un soutien à son ami que par souci de crédibilité.

La jeune historienne est aussi un profil très intéressant dans la mesure où son témoignage plus encore que son oeuvre historique insiste sur les conséquences de la guerre algérienne sur la façon dont l'Algérie a vécu depuis son indépendance : la façon de gérer le pays du FLN qui dépendait aussi largement des méthodes utilisées durant le combat, le refus de la guerre civile qui est fratricide

Bref une histoire brillante mais qui ne peut encore faire taire ses divisions et ressentiments, pour faire apparaitre un consensus d'historien comme pour la seconde guerre mondiale. La meilleure oeuvre historique depuis longtemps à la télévision française sur la guerre d'Algérie, et qui surtout ose rassembler les principaux points de vue raisonnés autour d'une table.

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Mes citations

"Le bien suprême était là, dans le cercle des choses et de la nature humaine.
Je ne demande plus où il est : il fut dans le monde, il y peut revenir, il n'y est maintenant qu'un peu plus caché. Je ne demande plus ce qu'il est : je l'ai vu et je l'ai connu."

Hölderlin, Hyperion



"Dans tes faux-fuyants,
Les crimes ont été escamotés
Dans un endroit
Où ils peuvent oublier"

Portishead



"Je suis d'une morale douteuse : je doute de la morale des autres"

Marguerite Duras



Je suis bourré de condescendances
Pour mes faiblesses si dures à avaler
Ce qui fait que je flanche
Quand on essaie de m'apprécier

Miossec, le chien mouillé (en silence)