mercredi 25 mars 2009

Toute ressemblance serait purement fortuite ...

Cet homme, oublions son 2 décembre, oublions son origine, voyons, qu'est-il comme capacité politique ? Voulez-vous le juger depuis huit mois qu'il règne ? regardez d'une part son pouvoir, d'autre part ses actes. Que peut-il ? Tout. Qu'a-t-il fait ? Rien. Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme de génie eût changé la face de la France, de l'Europe peut-être. Il n'eût, certes, pas effacé le crime du point de départ, mais il l'eût couvert. A force d'améliorations matérielles, il eût réussi peut-être à masquer à la nation son abaissement moral. Même, il faut le dire, pour un dictateur de génie, la chose n'était pas malaisée. Un certain nombre de problèmes sociaux, élaborés dans ces dernières années par plusieurs esprits robustes, semblaient mûrs et pouvaient recevoir, au grand profit et au grand contentement du peuple, des solutions actuelles et relatives. Louis Bonaparte n'a pas même paru s'en douter. Il n'en a abordé, il n'en a entrevu aucun. Il n'a pas même retrouvé à l'Elysée quelques vieux restes des méditations socialistes de Ham. Il a ajouté plusieurs crimes nouveaux à son premier crime, et en cela il a été logique. Ces crimes exceptés, il n'a rien produit. Omnipotence complète, initiative nulle. Il a pris la France et n'en sait rien faire. En vérité, on est tenté de plaindre cet eunuque se débattant avec la toute-puissance. Certes, ce, dictateur s'agite, rendons-lui cette justice ; il ne reste pas un moment tranquille ; il sent autour de lui avec effroi la solitude et les ténèbres ; ceux qui ont peur la nuit chantent, lui il se remue. Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c'est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide. Conversion des rentes ? où est le profit jusqu'à ce jour ? Economie de dix-huit millions. Soit ; les rentiers les perdent, mais le président et le sénat, avec leurs deux dotations, les empochent ; bénéfice pour la France : zéro. Crédit foncier ? les capitaux n'arrivent pas. Chemins de fer ? on les décrète, puis on les retire. Il en est de toutes ces choses comme des cités ouvrières. Louis Bonaparte souscrit, mais ne paye pas. Quant au budget, quant à ce budget contrôlé par les aveugles qui sont au conseil d'Etat et voté par les muets qui sont au corps législatif, l'abîme se fait dessous. Il n'y avait de possible et d'efficace qu'une grosse économie sur l'armée, deux cent mille soldats laissés dans leurs foyers, deux cents millions épargnés. Allez donc essayer de toucher à l'armée ! le soldat, qui redeviendrait libre, applaudirait ; mais que dirait l’officier ? et au fond, ce n'est pas le soldat, c'est l’officier qu’on caresse. Et puis, il faut Paris et Lyon, et toutes les villes, et plus tard, quand on sera empereur, il faudra bien un peu faire la guerre à l'Europe. Voyez le gouffre ! Si, des questions financières, on passe aux institutions politiques, oh ! là, les néo-bonapartistes s’épanouissent, là sont les créations ! Quelles créations, bon Dieu ! Une constitution style Ravrio, nous venons de la contempler, ornée de palmettes et de cous de cygne, apportée à l'Elysée avec de vieux fauteuils dans les voitures du garde-meuble ; le sénat-conservateur recousu et redoré, le conseil d'Etat de 1806 retapé et rebordé de quelques galons neufs ; le vieux corps législatif rajusté, recloué et repeint, avec Lainé, de moins et Morny de plus ! pour liberté de la presse, le bureau de l'esprit public ; pour liberté individuelle, le ministère de la police. Toutes ces « institutions » – nous les avons passées en revue – ne sont autre chose que l'ancien meuble de salon de l'empire. Battez, époussetez, ôtez les toiles d'araignée, éclaboussez le tout de taches de sang français, et vous avez l'établissement de 1852. Ce bric-à-brac gouverne la France. Voilà les créations ! Où est le bon sens ? où est la raison ? où est la vérité ? Pas un côté sain de l'esprit contemporain qui ne soit heurté, pas une conquête juste de ce siècle qui ne soit jetée à terre et brisée. Toutes les extravagances devenues possibles. Ce que nous voyons depuis le 2 décembre, c'est le galop, à travers l'absurde, d'un homme médiocre échappé.

En ces temps où toute offense est aussitôt réprimée, il est bon de rappeler Hugo l'opposant.

Hugo, l’opposant

Poèmes de l’exil

Dans les Châtiments (1853), fruit du premier hiver d’exil, Hugo consacra à «!Napoléon le Petit!», comme il l’appelait, toute une série de vers aussi indignés que véhéments. L’ouvrage circula aussitôt en contrebande en France. Le recueil des Châtiments se compose de 6 200 vers, organisés en sept parties. Chacune de ces parties a pour titre une des formules qu’avait utilisées Napoléon III pour justifier son coup d’État. Le recueil s’ouvre sur un poème Nox («!nuit!») auquel répond un autre poème, Lux («!lumière, jour!») : le premier fait allusion aux ténèbres qui enveloppent le temps présent (le règne de Napoléon III), le second confirme l’espérance d’un avenir meilleur.

Aucun commentaire:

Mes thèmes préférés

Rokia Traore - Un cri d'amour pour l'Afrique

Irma vep

Irma vep
Maggie Cheung

Mes citations

"Le bien suprême était là, dans le cercle des choses et de la nature humaine.
Je ne demande plus où il est : il fut dans le monde, il y peut revenir, il n'y est maintenant qu'un peu plus caché. Je ne demande plus ce qu'il est : je l'ai vu et je l'ai connu."

Hölderlin, Hyperion



"Dans tes faux-fuyants,
Les crimes ont été escamotés
Dans un endroit
Où ils peuvent oublier"

Portishead



"Je suis d'une morale douteuse : je doute de la morale des autres"

Marguerite Duras



Je suis bourré de condescendances
Pour mes faiblesses si dures à avaler
Ce qui fait que je flanche
Quand on essaie de m'apprécier

Miossec, le chien mouillé (en silence)