samedi 22 août 2009

Les Serments indiscrets

Comédie en cinq actes et en prose écrite par Marivaux, représentée pour la première en 1732.

Comme leurs parents désirent beaucoup cette union, Damis et Lucile consentent à se voir, mais uniquement afin de convenir d’un prétexte pour ne pas se marier. Arrivé dans cette pensée au château où demeure Lucile, Damis demande, à peine descendu, à la voir. Mais celle-ci avait déjà pris la précaution de lui écrire une lettre où elle lui expliquait les motifs qui lui faisaient désirer de ne pas devenir sa femme avant de se retirer dans un cabinet voisin et de charger Lisette, sa servante, de recevoir son futur. Damis exprime sa répugnance pour le mariage en général, et ne doute pas que Lucile ne la partage. — Prenez garde, lui dit Lisette car Lucile est tout de même fort jolie. — Belle ou laide, Damis est bien sûr de ne pas se laisser séduire par elle : il répond de son cœur. — Et moi du mien, dit Lucile, dont la vanité a été blessée, et qui sort de sa cachette.

Damis est quelque peu interloqué, car finalement Lucile est charmante et spirituelle, et dans la conversation qui s’engage, ils sont prêts à changer complètement de sentiment. Mais Lisette, fidèle à sa première mission, les a malheureusement pris au mot et sur le coup, leur a fait jurer qu’ils ne se marieront pas. À peine le serment est-il prononcé qu’ils se repentent. L’orgueil les empêche de revenir sur leur serment, et ils passent leur temps à lutter toutes leurs forces contre leur cœur pour ne pas se démentir.

Pour sauver les apparences, Lucile a engagé Damis à faire la cour à sa sœur Phénice. Damis obéit, et Phénice prendrait cette cour au sérieux, si un valet ne l’avertissait à temps, et ne lui faisait remarquer que Damis et Lucile s’adorent, et ne sont séparés que par un sot amour-propre.

Quant aux parents, ils sont tout disposés à unir Phénice et Damis, puisqu’ils paraissent se convenir.

Mais alors Lucile se met en travers ; elle cherche à persuader sa sœur qu’elle ne sera pas heureuse avec Damis, et celle-ci, qui en veut un peu à Lucile de l’avoir exposée à s’éprendre du jeune homme, s’amuse à la tourmenter.

Lucile demande alors à Lisette de faire les entremetteuses pour essayer de faire tomber sa fierté à Damis et de l'amener à reconnaître l'amour qu'il lui porte :

Lucile : Je vous charge donc d'aller trouver Damis comme de vous-même, entendez-vous ? Car ce n'est pas moi qui vous y envoie, c'est vous qui y allez.

Lisette : Que lui dirai-je ?

Lucile : Est ce que vous ne le devinez pas ? Apparemment que vous n'y allez pas pour lui dire que je le hais : mais vous avez plus de malice que d'ignorance.

Lisette : Je lui ferai donc entendre que vous l'aimez ?

Lucile : Oui Mademoiselle, oui, que je l'aime. [...] vous êtes fille d'esprit, vous pénétrez les mouvements des autres ; vous lisez dans les coeurs ; l'art de les persuader ne vous manquera pas, et je vous prie de m'épargner une instruction plus ample. Il y a certaine tournure, certaine industrie que vous pouvez employer : vous aurez remarqué mes discours, vous m'aurez vue inquiète, j'aurai soupiré si vous le voulez. Je ne vous prescris rien. Le peu que je vous en dis me révolte et je gâterais tout si je m'en mêlais. Ménagez moi le plus qu'il sera possible. Cependant persuadez Damis ; dites lui qu'il vienne ; qu'il avoue hardiment qu'il m'aime ; que vous sentez que je le souhaite ; que les paroles qu'il m'a données ne sont rien ; comme en effet ce ne sont que des bagatelles ; que je les traiterai de même ; et le reste. Allez, hâtez vous ; il n'y a point de temps à perdre. Mais que vois je ? Le voici qui vient. Oubliez tout ce que je vous ai dit".

À la fin, elle conduit Damis près de Lucile, elle lui ordonne de fléchir le genou devant sa sœur, et les force de convenir qu’ils s’aiment.

Le sujet des Serments indiscrets a été rapproché de celui des deux Surprises de l’amour, mais Marivaux l’a réfuté écrivant : Dans les deux Surprises de l'amour, « il s’agit d’amants qui s’aiment sans s’en douter, et qui ne reconnaissent leur amour qu’au moment où ils se l’avouent. Dans les Serments indiscrets, au contraire, les personnages savent fort bien qu’ils s’aiment ; mais ils ont juré de ne pas se le dire, et ils cherchent comment ils pourront s’expliquer sans se donner un démenti. »

Lorsque les Serments indiscrets furent représentés à la Comédie-Française, il faisait chaud, le public s’impatienta, et la cabale aidant peut-être, le cinquième acte fut à peine écouté. Cependant, aux représentations suivantes, la pièce fut écoutée avec faveur. Elle valut également à son auteur nombre d’épigrammes. Cette pièce bien conduite, où l’action ne languit pas un moment, était une de celles que Marivaux aimait le mieux. Lors d’une reprise qui eut lieu plus tard, il refusa, bien qu’il eût corrigé volontiers d’autres pièces, d’y apporter aucune modification, mais il se le tint pour dit et ne fit plus de pièce en cinq actes.

J'aime Marivaux car c'est à la fois profond, humoristique et gai ! Ca doit être le seul vrai auteur qui arrive à parler du bonheur, du sentiment aussi bien que du désordre amoureux tout en amusant tout le monde. Kundera lui arrive un tout petit à la cheville comme dans la valse aux adieux mais on touche moins au bonheur. Marivaux est un des seuls grand auteurs qui arrive à parler du bonheur.

Des auteurs tragiques peuvent être très drôles comme DostoÏevski mais le fond de la pensée reste pessimiste : on rit beaucoup en lisant l'Idiot qui est une oeuvre profondément triste. Seul Marivaux a un fond de pensée optimiste sans tomber dans le vaudeville mais en parlant de choses profondes et actuelles : le bonheur et l'amour, d'une façon légère et profonde à la fois !! Mozart est l'équivalent de Marivaux pour la musique.

D'ailleurs il faut remercier très chaleureusement A.Kechiche pour son film l'Esquive qui montre la brulante actualité de Marivaux en faisant jouer Le jeu de l'amour et du hasard dans une classe d'une cité, où la scène de théâtre n'est que le reflet des sentiments des jeunes de la banlieue à travers leurs déchirements et leurs amours, leurs fiertés ... magnifique oeuvre là aussi, qui surtout montre l'actualité et la grandeur de Marivaux !! Un vrai coup de génie !!

Deux videos et une interview magnifique de Kechiche (c'est la première fois que je le vois : il y avait déjà rym et sur mon blog - j'aime beaucoup ce cinéaste) et de S.Forestier.








J'avoue il y a eu beaucoup de jubilation à écrire cet article !!

2 commentaires:

mt a dit…

pas le temps de voir les vidéos ...
....
juste pour te dire qu'il y a eu une reprise ce midi de la pièce de Marivaux...
Tu savais pas ????
Dommage ça a été un franc succès !!!
Ha! Ha! Ha!

le vilain petit canard a dit…

Tu t'amuses bien avec moi en ce moment !!!

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