jeudi 8 janvier 2009

American Gigolo


Un beau gosse séduit les jeunes femmes et en tire les bénéfices. Cependant, il est déjà un peu particulier en ce qu'il affirme "donner un sens" à son "travail", celui d'être capable de satisfaire sexuellement une femme. Ce qui donne une certaine vulnérabilité que d'autres vont exploiter.

En effet, après un boulot pour sa première entremetteuse, Anne, il rencontre Michelle Stratton, une femme insatisfaite d'un politicien local, qui est intéressée par lui. L'autre "souteneur" de Julian, Leon, l'envoie dans la maison d'un financier, qui demande à Julian d'abuser physiquement et d'avoir une relation sexuelle avec sa femme, en sa présence.

Plus tard, Julian apprend que la femme du financier a été assassinée. L'inspecteur Sunday de la police de Los Angeles enquête sur Julian comme premier suspect. Le piège se referme, le film se resserre sur le héros et approfondit ses sentiments, sa perte de repères en même temps que son idylle naissante avec Michelle.

Le film reste lent, poisse comme de la colle, le film semble lent, les travellings lents alors qu'on ressent l'étau se refermer sur lui, ce dont il ne prend conscience qu'au fur et à mesure.

Les images sont lentes et longues et gardent le même tempo qu'au début du film où il ne s'agissait que de jouissance et de gaieté légère et vaguement narcissique. le décalage crée un malaise voulu chez le téléspectateur, qui ressent que le rythme du film n'évolue plus au tour que prennent le scénario et la menace sur le héros. La lenteur du film fait qu'il patauge et qu'on a l'impression qu'il ne fait plus face.

Et on a l'impression que sa candeur ne suffira pas à rompre le complot dressé contre lui. On y apprend, peu à peu distillé par le scénario que ce qui est important n'est pas la vérité mais l'apparence symbolisé par l'alibi, auquel son métier le dérobe. Car qui voudrait avouer avoir couché avec lui désormais ?

Le tempo et les images fleurent bon le début des années 80, pour dire exactement le passage des années 70 à 80.

Le film révélation de Gere, dont on peut dire qu'il fit de Richard Gere une bombe sexuelle. Il a eu une carrière ascendante jusqu'à Pretty Woman. Après, la panoplie de ses rôles s'est vite réduite à celui de prince charmant pour comédie.

Pour ce film qui est un de ses premiers, il a fait preuve de tenacité, se contraignant à remplir, crédibiliser ce rôle au final si ingrat, si dégradant.

Il a aimé préparer méthodiquement son rôle, a visionné le " Samourai " de Jean-Pierre Melville et " Plein Soleil " de René Clément pour capter l'insolence et l'arrogance physique d'Alain Delon.

Il écuma ensuite les bars pour rencontrer de véritables gigolos. Au terme de ce marathon d'observation, il se transforme, hâle son teint. Il se sait irrésistible. Et incendie l'écran.

A l'inverse, à de rares moments, quand vers la fin, tout tourne contre lui, notamment quand Leon lui assène ses 4 vérités et refuse son argent, on se croirait dans les films de Fassbinder comme "la loi du plus fort".

Les références cinématographiques sont d'ailleurs nombreuses, surtout avec la scène finale.

Dans la prise de vue finale(je ne dévoile pas la fin ...), on comprend que sa vie va désormais totalement changer.

Cette fin est une référence avec sa notion d'un homme nouveau, à renaître, fait immanquablement penser alors que le thème du film est différent à Pickpocket de Robert Bresson dont la scène finale est une quasi juxtaposition. C'est presque le début d'une nouvelle aventure que cette fin. L'histoire d'un autre homme qu'on ne fait qu'entrapercevoir, envisager.

Par dessus tout, la référence ultime de ces fins de films avec une portée rédemptive, c'est Crime et Chatiment de Dostoïevski, le premier qui a vu apparaître dans la notion de pêché cette de rédemption et les a fortement associées.

Rappel : Rakolnikov décide d'assassiner une vieille usurière afin de lui voler son pécule et est surtout empris de sa théorie l'extrayant de la "morale commune" : « Si un jour, Napoléon n’avait pas eu le courage de mitrailler uen foule désarmée, nul n’aurait fait attention à lui, et il serait demeuré un inconnu. »

Mais son forfait accompli, ses rêves de «surhomme» l’abandonnent et Raskolnikov découvre l’humilité : il n’est qu’un homme. Pris d’un fort sentiment de culpabilité, il se rend à plusieurs reprises chez le juge Porphyre et éveille ainsi ses soupçons. Bien que le juge soit convaincu de la culpabilité de Raskolnikov, Porphyre entend obtenir des aveux complets.

Raskolnikov se rapproche alors « sans s’en apercevoir de ceux-là même qu’auparavant il tentait de dominer de son mépris » . il fait la connaissance de Sonia, une jeune prostituée. Il est ému par son dévouement. elle vend son corps pour faire face à la misère du foyer familial. Raskolnikov confesse son crime à Sonia, qui le pousse à se livrer à la justice. Il est condamné à la déportation en Sibérie.

Comme l’écrit Ettore Lo Gatto, professeur de littérature russe à l’Université de Rome : » Il (Raskolnikov) accepte la condamnation des hommes et se sauve ainsi moralement. Il rejoint la lumière ».

Ce chemin de rédemption a fait des émules souvent brillants : à son humble niveau mais néanmoins réussi, le film réutilise cette corde sensible.

Et puis surtout ces décors sans fin dans lesquels sa voiture traîne au rythme d'une musique lancinante seventies restent comme un écho dans la mémoire.

Le film avec ce rythme particulier entre joie tranquille et sentiments plus inquiétants qui surgissent, l'utilisation d'acteurs fort peu connus mais qui le seront plus tard m'a fait penser à une seconde référence cinématographique, Taxi Driver du jeune Scorsese. Et quelle n'a pas été ma surprise de voir que le réalisateur du film au demeurant peu connu, était le scénariste de Taxi Driver avec les jeunes de Niro et Jodie Foster emmenés par Scorsese ! Même tonalité de film, qui hésite entre gaieté insouciante, et musique seventies et passages plus glauques, passage du coté sombre des sentiments humains (un meurtrier dans taxi driver tue les femmes de la ville ...)

Je trouve que l'extrait suivant montre bien l'attirance du héros et le malaise du film, dans une même séquence. C'est Miami Vice mais on y découvre effectivement le vice derrière l'apparence.

Extrait

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