dimanche 5 octobre 2008

Beirut : la valeur n'attend pas le nombre d'années...

Pour ceux qui, comme moi et malgré tout, n’en auraient jamais entendu parler, sachez que Beirut, c’est un jeune Américain d'à peine 20 ans, Zach Condon, chanteur multi-instrumentiste dont le premier album Gulag Orkestar, ovni sur la scène pop alternative, est tout simplement envoûtant. À vous filer des frissons dans le dos. Si, si. Ecrit dans son garage au Nouveau-Mexique à 19 ans ... et ouvert sur le monde.

Car Beirut, même s’il est américain, tire à l’Est et ne fait pas semblant. Exit les guitares, on n’en verra pas une seule sur cet album. A la place, des trompettes comme s’ils en pleuvaient, de l’accordéon, des percussions et autres cymbales, mais surtout la voix de troubadour de Zach Condon.

Alors suivons-le : Mandoline en bandoulière, un jeune homme traverse la place du village suivi d’une flopée d’instruments. Si ce n’est déjà fait, emboîtez-lui le pas, il est encore temps. Il vous emmènera dans des contrées où le toit des maisons tournicote et les fossoyeurs se déguisent en clowns

L’album s’ouvre sur une sorte de marche crépusculaire, l’éponyme The Gulag orkestar. Si ce premier morceau préfigure en partie le reste de l’album (musique de fanfare accompagnant une complainte flamboyante portée par la voix de l'auteur), il ne le résume pas. Car au fil de l’écoute, l’album s’enrichit de multiples émotions, construction progressive d'une personnalité et d'un album. Déconcertant.

Mais dès le début on est pris car ce sont parfois les choses les plus simples qui font naître l'affection le plus facilement et le plus naturellement du monde. Gulag Oskestar fait justement partie de ces albums qui vous agrippent dès les premières secondes, et vous tiennent scotché jusqu'aux toutes dernières.

Et vous voilà entraîné irrésistiblement dans un folklore des pays de l'Est plus ou moins fantasmé, festif et improbable. Difficile de résister à ce petit ouvrage qui déborde d'enthousiasme.

C'est donc finalement à un voyage à travers l'Europe que nous convie Beirut, lequel est mené au gré de ses pérégrinations dans les pays de l'Est évidemment (Bratislava), mais surtout - et étonnamment - en Allemagne, des rives du Rhin (Rhineland) aux quartiers de la capitale (Prenzlauerberg). Sa balade le mène parfois même jusqu'en Italie, pour un Postcards from Italy qui n'a guère d'italien que le titre, mais qu'importe : le thème instrumental d'une simplicité enfantine se révèle irrésistible, de même que les tonalités un peu vieillies qui se dégagent de l'ensemble (à l'image d'ailleurs de l'artwork merveilleusement approprié qu'a su dénicher Zach Condon). Si Postcards From Italy n'a pas achevé de vous chavirer le coeur, Mount Wroclai s'en chargera sans mal, grâce à ses deux lignes mélodiques évidentes et ses choeurs galvanisants. D'un bout à l'autre du disque (et malgré quelques longueurs et répétitions), c'est donc à un joyeux fouillis mélodique que l'on assiste, mêlant allègrement trompettes, piano, accordéon, ukulélé, mandoline, clarinette, puis encore violon et violoncelle, le tout à un rythme claudicant avec une ambiance de capharnaüm, et son chant approximatif sied particulièrement à sa musique. Cela renforce la personnalité de l'ensemble musical, l'aspect propritétaire d'une telle trouvaille.

Aux explosions de gaieté pleines de dynamisme (Scenic World, joyeux et pétillant), succèdent également des titres languissants et empreints d'une puissante mélancolie - pas de celles qui vous sapent le moral pour le restant de la journée, mais plutôt de celles qui vous transportent et vous enivrent jusqu'à plus soif. C'est ainsi que l'on se retrouve submergé par le romantisme irrésistible et presque désespéré de Rhineland ou le très beau rythme alangui de Prenzlauerberg. Dans tous les cas, l'immédiateté fantaisiste de la musique de Beirut fait mouche et s'incruste dans l'imaginaire avec son ambiance gentiment décalée, des mélodies somptueusement un peu beaucoup biscornues et résolument attachantes.

A un album tel que Gulag Orkestar, on ne demande rien de plus que de se laisser transporter, dans ce monde dont on se moque finalement qu'il soit plus imaginaire que réellement typique des Balkans. Seul compte le plaisir immédiat ressenti à l'écoute de cet album, et les réminiscences vaporeuses qu'il ne manquera pas d'engendrer. Une expérience revigorante comme on aimerait en vivre plus souvent.

Révélé par le net-à-oreille des blogs musicaux du monde entier (une voie décidément de plus en plus précieuse), Beirut ne s'inscrit heureusement pas dans un quelconque revival : nul emprunt aux colosses défunts du rock, pas de taxidermie de mauvais goût. On bascule plutôt du côté de l'authentique, du poignant, d'une musique qui vient tout droit du cœur et prend profondément racine dans la tristesse slave. Tenant à la fois des musiques d'enterrements et du son pétaradant, ce Gulag Orkestar déchire l'âme et l'arrache infailliblement à sa torpeur blasée.
Fier de ses compositions sans guitare, le multi-instrumentiste Zach Condon s'est entouré d'une clique cuivrée et percussive dont l'interprétation à fleur de peau donne le frisson. L'idée lui serait venue lors d'un séjour à Paris, où la déambulation d'une fanfare d'amateurs sans le sou lui aurait mis la puce à l'oreille. Trompette, lourds accords de piano bastringue, le solide pathos d'Europe de l'Est quitte rarement l'épique voyage de Gulag Orkestar. Le tableau s'équilibre au niveau instruments musicaux avec l'éclatante rythmique de "Bratislava" ou les mandolines ensoleillées du single "Postcards from Italy". Beirut évolue dans un no man's land émotionnel sans frontières...

Derrière l'évidence des fanfares balkaniques, une kyrielle d'autres tendances se se dessine mais c'est l'équilibre de l'ensemble qui semble pourtant chariée comme un fleuve en crue qui porte la belle voix de Zach. . Grâce à cette multiplicité de tons, Beirut dépasse le simple exercice folklorique. Leur origine américaine aurait pu leur valoir force sarcasme s'ils s'étaient contentés de pasticher les trésors slaves, mais un songwriting inspiré les garde loin du piège de l'exotisme. A l'image de l'ouverture instrumentale, l'ensemble est délicatement bancal, débordant de sincérité, terriblement humain. Le son des percussions pléthoriques, les interventions judicieuses des arrangements de cuivres, l'apparition d'un violon ou d'une clarinette épaulent admirablement le chant du slave de l'Ouest.
Ovationnée sur la toile, la formation a confirmé son talent sur scène au festival des Inrocks. Quant à la suite qu'ils souhaitent donner à leur aventure tsigane, je vais filer aller l'écouter pour m'assurer qu'elle puisse nous faire chavirer à nouveau. Un grand est rentré dans mon monde musical

A Letter from Zach

It's with great regret that I have to tell all of you that Beirut is canceling their summer European shows. My reasons for doing this are many, a lot of them personal, but I still feel I need to provide something of an explanation.

The past two years have been a mindblowing experience. From the first indications that people were putting songs from Gulag up on their blogs to our incredible tour of Australia and New Zealand that we just completed, everything that has happened has been beyond anything I'd ever hoped could happen with the music I wrote and recorded in my bedroom. Once things started happening, I decided I wanted to do everything as big as possible. So, I set about putting together a large band, and giving that band a huge sound, and making the most spectacular records we possibly could.

I know this can sound like an artist shithead kind of comment, but going through all that really does have its low points along with the highs. The responsibilities of gathering people around your vision, working with great people like those who work directly for the band and those at the label, wanting to insure that every show is as good as humanly possible so that every single person in the audience sees that we put in a real effort, all of that leads to a lot of issues in terms of doing right by people who have done you right.

It's come time to change some things, reinvent some others, and come back at some point with a fresh perspective and batch of songs.


Please accept my apologies. I promise we'll be back, in some form.

-Zach

Découvert à l'hôtel Priout aux Solovki


1 commentaire:

mt a dit…

Découvert hier 31/10 après midi (je le précise car l'horloge n'est tjrs pas à l'heure !)avec en particulier le titre "nantes" ; il ne laisse pas indifférent ...... pour la lecture de tes commentaires, je poursuivrai + tard.....

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Je suis bourré de condescendances
Pour mes faiblesses si dures à avaler
Ce qui fait que je flanche
Quand on essaie de m'apprécier

Miossec, le chien mouillé (en silence)