mercredi 14 décembre 2011

Walter Benjamin


Une exposition brillante sur un esprit libre, un intellectuel renommé que la traque aux juifs du régime nazi va conduire au suicide

Sa théorie de l'histoire, très différente de celle du progrès, mais plutôt orientée vers les notions de fragments, de chaos, de catastrophes. Il récuse l'idée de progrès ou d'un sens à l'histoire.

J'adore cette réflexion sur le matérialisme historique, qui est la vision marxiste de l'histoire, qui livre en même temps sa propre pensée : « Marx dit que les revolutions sont la locomotive de l'histoire. Mais il en va peut-être tout autrement. Peut-être les révolutions surviennent-elles lorsque l'espéce humaine qui voyage dans ce train tire le signal d'alarme ».

L'intérêt de l'exposition est de montrer dans un premier temps comment les methodes de travail de Benjamin sont proches et en étroite dépendance avec le contenu de son œuvre.

La disposition fragmentaire de ses archives, remise à des amis, un mode de travail et de documentation sous forme de fiches, de notices : loin d'un gros bouquin qui correspondrait mieux à un historien du progrès universel, avec une finalité précise, il dissocie en fiches isolées et l'ensemble se trouve comme une boîte à fiches, une cartothèque, qui représente mieux son travail d'historien. Il avait inventé et deviné avant l'heure, le copier-coller reprenant certaines formulation dans d'autres fiches, liant les fiches par des codes couleurs. Le principe d'un jeu de construction, avec des configurations. Il parlait de l'ensemble de ses archives comme d'un arbre de soin, et réalisait de nombreux schémas avec des arbres, des embranchements, des spirales entre des idées, tout un univers pour montrer l'interaction des idées. Novateur, il faisait attention à tout : la micro écriture pour que de premier abord, le document apparaisse comme tel, et non pour son contenu qui reste indéchiffrable. Le contenu lui fait l'objet d'un style précis, laconique. A travers la forme, le philosophe donne déjà le fond de sa pensée, précise et qui peut sembler lacunaire parce qu'elle ne se veut pas englobante, ou trop systématisée...Plein d'autres idées sont mises en avant au cours de l'exposition, autour de 13 idées méthodiques qui n'appartiennent qu'à l'intéressé et définissent sa méthode de travail.

La seconde partie de l'exposition est consacrée à la constellation de son cercle d'amis, de figures intellectuelles, puisque lui-même était uniquement consacré aux travaux de l'esprit. On y retrouve Hannah Arendt, Max Horkheimer, Adorno, tout le monde phislosophique de la seconde partie du Xxème siècle, dont certains peuvent s'enorgueillir d'avoir réellement et concrètement tenté d'aider Benjamin, lorsqu'il fut une première fois emprisonné en France et plus tard en lui obtenant un visa pour les Etats-Unis. Belle relation d'amitié dont l'exposition démontre qu'elle était aussi basée sur un fort rapport intellectuel, Benjamin se livrant peu sur sa vie privée !

Il manque une troisième partie à cette exposition qui aurait porté sur les principaux concepts ou idées de W.Benjamin sujet périlleux s'il en est il est vrai tellement l'auteur est parfois peu accessible ! Même si certaines idées sont abordées à travers l'exposition : la vision spatiale à travers les passages parisiens propres au XIX ème siècle, la question de la collection, la reproduction mécanique et l'art, etc.

En revanche, un grand bravo pour la qualité de la bibliographie qu'on peut trouver au niveau de la boutique : de nombreux ouvrages sur Benjamin, tels que je n'en ai jamais vu autant rassemblés en un seul endroit ! Quel plaisir ce fut de les consulter !

« une exigence constante chez Walter Benjamin : arracher à l’oubli une pensée en devenir et en organiser le sauvetage, qu’il s’agisse de sa propre pensée, de celle de ses proches ou de pans entiers de l’histoire négligés »
«Sa vie durant, Walter Benjamin a pris soin de confier ses textes, notes ou manuscrits à différents amis (dont Gershom Scholem et Gretel Karplus). À la diversité des matériaux s’ajoute donc le caractère fragmentaire de ces « dépôts ». Ainsi émerge une constellation mouvante d’archives dispersées qui vient former un paysage de pensée d’une rare intensité. Voulue et organisée, cette dispersion fut amplifiée par les aléas de l’histoire : l’exil en France de Walter Benjamin à partir de 1933, ses périodes de refuge aux Baléares ou au Danemark, la disparition de sa bibliothèque, puis la partition de l’Allemagne après-guerre »
« cette exposition révèle un mode de pensée et une vision du monde réfléchis dans chacun des actes de Walter Benjamin », à travers ses méthodes de travail et d'archives.

Le parcours de l'exposition

Aucun commentaire:

Mes thèmes préférés

Rokia Traore - Un cri d'amour pour l'Afrique

Irma vep

Irma vep
Maggie Cheung

Mes citations

"Le bien suprême était là, dans le cercle des choses et de la nature humaine.
Je ne demande plus où il est : il fut dans le monde, il y peut revenir, il n'y est maintenant qu'un peu plus caché. Je ne demande plus ce qu'il est : je l'ai vu et je l'ai connu."

Hölderlin, Hyperion



"Dans tes faux-fuyants,
Les crimes ont été escamotés
Dans un endroit
Où ils peuvent oublier"

Portishead



"Je suis d'une morale douteuse : je doute de la morale des autres"

Marguerite Duras



Je suis bourré de condescendances
Pour mes faiblesses si dures à avaler
Ce qui fait que je flanche
Quand on essaie de m'apprécier

Miossec, le chien mouillé (en silence)