lundi 10 mars 2008

Hölderlin : un astre

Hölderlin lorsque parut en 1797 le premier volume de son roman grec Hypérion est presque totalement inconnu.

Né en 1770, mille essais poétiques l'avaient occupé dès l'enfance.

Hypérion est le seul livre de Hölderlin qui ait paru avant 1806, c'est à dire avant que le poète ne sombre dans la folie.

Après qu'il ait du quitter la maison de Francfort où précepteur il avait connu avec celle qu'il nomma Diotima dans Hypérion quelques mois de bonheur, Hölderlin se retrouva plus seul que jamais, soutenu par sa mère et de très rares amis, et dans une obscurité croissante.

Et en 1806, à trente six ans, Hölderlin entra dans la seconde moitié de sa vie : il ne fut plus dès lors, dans la maison du menuisier Zimmer, qu'un fantôme d'abord violent, puis de plus en plus absent, jusqu'à sa mort survenue en 1843.

Hors quelques esprits clairvoyants et passionnés, personne en Allemagne ne mesura de son vivant la vraie dimension de Hölderlin.

Une voix isolée s'élève alors en plein XIXème siècle pour louer une oeuvre que nul ne lit : celle de Nietzsche, à 17 ans : « Tu ne connais pas non plus Hypérion, qui par le mouvement harmonieux de sa prose, la noblesse et la beauté de ses héros, me fait une impression analogue à celle de la houle. Cette prose est en effet musique, sonorités tendres coupées de dissonances douloureuses... »

A Francfort, en janvier 1796, il avait vu pour la première fois Suzette Gontard, la jeune mère des enfants dont il allait être deux ans le précepteur. Il aima cette femme et il fut aimé d'Elle. Hölderlin fut contraint de quitter la maison Gontard fin septembre 1798 ; il devait continuer à voir Diotima, rarement et secrètement, jusqu'en mai 1800.

Que la séparation ait été vécue comme cruelle, il suffit, pour s'en assurer, de relire la lettre que Hölderlin écrivit à Suzette Gontard, en novembre 1799, en lui envoyant Hypérion :

« Voici notre Hypérion, très chère ! Ce fruit de nos bienheureux jours t'apportera malgré tout un peu de joie. Pardonne moi d'y faire mourir Diotima. Tu te souviens qu'autrefois nous n'étions pas tout à fait d'accord sur ce point. Mais j'ai pensé que la disposition générale du livre l'exigeait. Bien-aimée ! Tout ce qui est dit ici et là d'elle et de nous, la vie de notre vie, accepte le en guise de remerciement, d'autant plus sincère qu'il s'exprime parfois avec maladresse. Si j'avais pu à tes pieds en toute tranquillité et liberté faire de moi peu à peu un artiste – oui je crois que j'aurais atteint rapidement ce vers quoi j'aspire en rêve dans la détresse de mon coeur et qui souvent le remplit en plein jour d'un muet désespoir. Être privé de la joie que nous pouvons nous donner – cela justifie bien toutes les larmes que nous avons versées depuis des années, mais ce qui est révoltant, c'est l'idée que nous allons peut-être périr en pleine force parce que l'un manque à l'autre ... »

Suzette Gontard perdue, c'était aussi Diotima perdue, toute chance de bonheur humain et donc la plus haute lumière perdue.

Aussi faut il comprendre Hypérion, dans son épaisseur, comme une plainte sur toute séparation et une tentative pour la surmonter, comme l'oeuvre de quelqu'un qui est déchiré et qui cherche en même temps une solution, une harmonie profonde.

En décembre 1801, il écrit : «  A présent, je crains de subir à la fin le sort de Tantale qui reçut des dieux plus qu'il n'en put digérer. »

En juillet 1802, après avoir erré, il arriva chez sa mère méconnaissable, « frappé par Apollon » comme il l'écrira lui-même ; et pour apprendre par une lettre de Sinclair, son plus grand ami, la mort toute récente de Suzette Gontard. Après une phase d'extrême violence, sa folie se calma. En septembre, Sinclair l'emmena en voyage.

Il entre en clinique en août 1806 ne pouvant plus être gardé comme bibliothécaire et est confié en 1807 au menuisier Zimmer.

Hölderlin a voulu raconter au moment où il l'a vécu l'histoire d'amour qu'il vivait : cela rejoint une phrase de Duras selon laquelle toute histoire d'amour se terminera par un livre : elle a elle-même écrit « L'Amant » des années après l'avoir vécue.


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"Le bien suprême était là, dans le cercle des choses et de la nature humaine.
Je ne demande plus où il est : il fut dans le monde, il y peut revenir, il n'y est maintenant qu'un peu plus caché. Je ne demande plus ce qu'il est : je l'ai vu et je l'ai connu."

Hölderlin, Hyperion



"Dans tes faux-fuyants,
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Dans un endroit
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Je suis bourré de condescendances
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Ce qui fait que je flanche
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