dimanche 28 septembre 2008

Récit de mon voyage en Russie (1)

31/8 – 1/9/08

Me voici en Russie. La journée ne fut pas toujours simple, mais j'y suis arrivé. Hier à une heure du matin, nous avons atterri à Helsinki, non sans avoir une pensée pour ma voiture. Vais je la retrouver à mon retour ? Une heure d'attente devant le lieu de délivrance des bagages : 3 vols arrivés en même temps et un personnel surement peu nombreux.

A deux heures du matin, j'ai eu la présence d'esprit d'interroger quand même une personne du bureau d'informations, car je n'avais pas acheté mon billet auprès de la compagnie Severstal pour Petrozavodsk le lendemain. Et cette personne m'informe que la compagnie n'est pas hébergée à l'aéroport, et me donne une adresse à Helsinki avec un numéro de téléphone, en me conseillant d'y être à 9 heures. Je quitte cet aéroport, illuminé, à bord d'un taxi qui m'emmène à l'hôtel proche, réservé. Le lendemain, je devrai donc me rendre à Helsinki, ce qui va me faire une nuit courte, mais heureusement que j'ai interrogé la personne. Dodo de 3 à 7 heures et après le petit-déjeuner, direction Helsinki en taxi. Je ne lésine pas sur les moyens (40 euros quand même), car de ce vol dépend tout le reste du voyage. Aussi je serai dès 9 heures à l'office de la compagnie.

J'emmène mes bagages, histoire de parer au cas où plus aucune place ne serait disponible et où je devrais me rendre à la gare routière. Or, à l'adresse indiquée, se situe une sonnette sur la façade d'un immeuble dont la porte d'entrée est condamnée. Fausse route et me voici à pied avec 30 kilos de bagages dans Helsinki, sans billet. Bientôt 10 heures pour un décollage prévu à 14 heures. Je compose le numéro de téléphone en priant pour que la personne parle anglais. Bien lui en prend, et la personne dans un anglais qui ne souffre pas contestation me dit de me présenter à l'aéroport, deux heures avant le départ, même pour acheter un billet. Retour à la cas départ, mais soulagé. Il ne me vient même pas à l'idée de gronder intérieurement la farceuse de la veille. Je compte au contraire profiter profiter un peu d'Helsinki ; j'étais d'ailleurs déposé dans une rue toute proche d'un lac ou de la mer. Ensuite je me promène en rejoignant la gare routière d'où part le bus pour l'aéroport (histoire de faire des économies cette fois-ci !). Je saisis à différentes occasions mon appareil photo. Il fait beau mais suffisamment frais pour que je ne sue pas malgré mon attirail. J'ai vu hier sur les prospectus et en venant dans le taxi une magnifique Eglise symbole de la ville. Or la voici qui se dresse maintenant à 500 mètres sur ma droite. Un détour avec mon harnachement, et me voici en train de faire de belles photos dans un matin ensoleillé. Les passants sont distraits ou alors pas stressés du tout, dans cette capitale. Comme à Stockholm me dis je. Les voitures peuvent chercher leur chemin sans être klaxonnées et les piétons passer leur chemin. Les enfants dans le parc ont tous des gilets jaunes fluo et j'ai récupéré quelques euros finlandais qui me feront un souvenir supplémentaire, à la sortie du taxi. Finalement une bonne idée ce passage obligé par le centre ville et ce lever potron minet. Sinon j'aurai dormi à l'hôtel et rejoint ensuite l'aéroport. Alors que là finalement j'aurai profité d'une vue d'Helsinki.

Retour à l'aéroport où, à 12 h 30, après avoir posté mes premières cartes postales au sujet d'une Eglise, et changé un peu d'argent pour avoir l'argent russe nécessaire à mon transport de l'aéroport à l'hôtel en Russie, je me présente à l'enregistrement, bureau 215 puisqu'on m'a confirmé qu'il n'y avait nul autre endroit pour acheter les billets. Une seconde dame se tient à côté de la personne chargée de l'enregistrement. Restant debout, elle me confirme que je peux lui acheter un billet, cash !! quand je lui tends ma carte bancaire et qu'elle va en attendant que je m'approvisionne au distributeur me confectionner un billet qu'elle commence à rédiger au stylo ! Je crois rêver et suis moyennement rassuré sur la compagnie. C'est aussi bien la Russie me dis je et si c'est le moyen pour la compagnie - pas low cost, au vu du tarif – d'assurer la liaison, pourquoi pas. Je suis contrarié car le plafond de ma carte bancaire est surtout limité en retrait, et je devrai retirer du liquide en quantité pour la deuxième semaine, qui se fera loin de la civilisation bancaire. L'enregistrement des bagages jusqu'au passeport contrôle se passe bien. Nous nous trouvons en salle d'attente et je me dis après le passeport contrôle qui nous a isolés des « Européens », que je commence à me dépayser, que les têtes qui m'entourent parlent toutes finlandais, russe ou indien. Je suis « seul-au-monde », mais la réalité vient me rattraper : départ pour Heathrow-embarquement, et 90 % de mes étrangers se lèvent. Ma diaspora était finalement très proche de moi et mon dépaysement en prend un coup. J'en souris : çà t'apprendra à te la jouer. Une fois le vol anglais en cours d'embarquement, ils sont peu nombreux les voyageurs vers la Russie : voilà qui donne une idée de la taille de l'avion, même si je m'en doutais déjà un peu et que notre hall d'embarquement ne me semble pas prévu pour l'arrimage d'une passerelle d'embarquement. Alors Russes ou Finlandais, mes acolytes ? Pas facile à repérer avant le bus où les langues se délient par affinité linguistique. Nous voilà partis en bus vers un Yak 40, c'est à dire un Yakovlev 40, datant de l'Union soviétique, que les grands avions de Finn Air doivent avoir du mal à distinguer ! On monte par un escalier qui s'ouvre à l'arrière de la carlingue et nous sommes accueillis par une ravissante hôtesse, j'aurai l'occasion de le remarquer par ailleurs ; au milieu de ma troupe entièrement masculine, je suis le seul âgé comme elle, ce qui va nouer une complicité, avec un si beau visage. Il me fallait bien cette présence rassurante en haut de l'escalier, car en bas j'avais jaugé les pneus fatigués et sous-gonflés. Tout de suite, à l'arrière du chétif appareil, je parie que les bagages vont nous suivre, faute de place suffisante pour une soute. S'il y a un passager retardataire, il lui faudra enjamber le monticule. J'aurai la réponse affirmative à ma supposition à la descente. Je me dis qu'il est robuste quand même, et souris en songeant à un vol similaire déjà effectué. Les tressaillements dans le ventre lors des mouvements d'appareil vont être bien plus marqués et brusques : nous allons faire corps avec l'appareil de vingt places. L'hôtesse est seule : une deuxième personne aurait généré de la claustrophobie. Elle a vite repéré mon accent étranger et me sourit adroitement, mais gêné au deuxième passage, je dis non aux cacahuètes. Je la courrouce gentiment. Promis, je ne refuserai plus rien ensuite. Je suis au premier rang côté hublot et je vais profiter, peut-être parce qu'un petit avion vole plus bas, dans la seconde partie du vol, du survol de régions magnifiques, par beau temps, qui effiloche les nuages. Terre et Mer se mêlent, avec les lacs qui parsèment, avec les rivières, la terre en ilôts, qui s'échappent eux-mêmes en constellations dans la mer. Saisissant et ces forêts de sapins et ces maisons la plupart en bois quand on les voit d'assez près, perdues sur une langue de terre entre lac et océan. Je m'apprête à voir surgir le monastère de Valaam que je sais ainsi recroquevillé sur des terres entourées d'eau, comme une forteresse. Magique, cette Carélie.

Tout comme l'aterrissage qui se passe bien. La piste est un damier de blocs de béton, que l'herbe et les flaques d'eau aspergent. Ma surprise de voir que notre avion est le seul avec un second pour tout l'aéroport, décrépi et digne d'un préfabriqué, même si l'intérieur sera moderne. Les équipements de secours et les véhicules venant chercher les bagages sont désuets : c'est donc toujours la Russie, perpétuation de l'Union soviétique. Bâtiments délabrés et véhicules à l'abandon au milieu des herbes. J'ai retrouvé cette Russie dont je croyais Petrozavodsk détachée, en raison de son dynamisme. Or ce n'est pas là encore l'aéroport d'une ville moderne. Quoique plus gentil gentil qu'à Moscou, le passage des douanes prend des formes multiples et le contrôle des bagages est systématique : je dois donc expliquer sur l'écran de contrôle à quoi correspondent mes bagages à une douanière parlant bien l'Anglais. Mieux que mon russe. Avec mes bagages, dehors, j'ai la déconvenue de voir que les bus attendus font défaut. Trois voitures au milieu de la campagne, appartenant au personnel de l'aéroport. Et le temps s'est couvert, menaçant de passer à la pluie. L'homme qui est passé devant moi à la douane s'engouffre dans une Volga surchargée venue l'attendre. Je l'avais repéré car sur son bagage figurait un autocollant de l'aéroport de Dubaï. Mais que vient faire ce globe-trotter à Pétrozavodsk, ce petit aéroport perdu loin de tout, et dont les billets sont fabriqués manuellement. En attendant, seul, je me lance après des hésitations, en profitant d'une éclaircie, sur la route en espérant rencontrer une route plus fréquentée, quand, après 300 mètres une voiture passe que je hèle. Le conducteur m'informe qu'un bus va passer d'ici 10 minutes à l'aéroport même. Je suis doublement content car la route s'enfonçait dans la campagne et j'ai réussi à me faire comprendre et à comprendre mon interlocuteur. Retournant à l'aéroport, je prononce à voix basse en souriant : OTTYDA ... De là-bas ... Lorsque les douanières s'apprêtent à quitter l'aéroport, une puis une deuxième s'enquièrent de moi et me commandent un taxi, car disent-elles, le bus en question « is only for the workers », et les raccompagne chez eux. Elles sont plein de sollicitude, y compris une troisième, qui n'est autre que ma douanière tatillonne. Mais j'ai déjà mon taxi de commandé. L'hospitalité russe et le souci de montrer de l'aide au seul touriste de la région , source de devises, s'impose.

Après que le bus fût passé, que je n'ai pas pris en photo, par respect de ces personnes qui m'avaient aidé, mais qui ressemblait aux installations. Il sortait d'ailleurs d'un hangar de l'aéroport, une chevrolet noire comme annoncé me prend à vitesse grand V et pilonne le circuit retour au maximum de la vitesse permise par l'état de la chaussée. Une fois en ville ou double par la droite avant de doubler la suivante par la gauche. Je ne m'en offusque plus et garde même un sourire heureux au coin des lèvres de retrouver ainsi ma Russie. Le jeune à côté de moi s'occupe de sa musique. Dans un rond-point, la discipline européenne est mise à mal, on se fait couper au milieu du rond-point par une insertion sur la droite, à laquelle on fait de suite une queue de poisson pour prendre la sortie suivante. On se parle enfin dans Petrozavodsk. Il m'arnaque bien au niveau tarif, mais au vu de la journée et de l'absence de solutions alternatives, j'avais déjà accepté la situation en montant dans son taxi, d'autant que son arnaque au triple du prix ne me coutait que 5 à 6 euros. Dans l'hôtel, l'accueil est comme les tapis et les couloirs tout en longueur, froid limite glacial. J'y laisse mon passeport pour être enregistré auprès du ministère de l'intérieur, prend une heure pour me ressourcer dans ma chambre, bien trop chère, mais qui comprend un frigo. La particularité d'un immeuble stalinien : qu'on puisse y torturer quelqu'un sans gêner ceux d'à côté, feutré mais aux coloris passéistes.

Dehors définitivement il pleut, mais j'y retrouve ma Russie et je suis heureux. Les flaques d'eau et la chaussée inégale interdisent aux passants de se mettre au bord du trottoir, tandis que la traversée de ladite chaussée doit être une course bien négociée. Dire que le matin, à moins de 800 kms, j'étais chez des Finlandais très soucieux de maîtrise de soi. Les voitures sont souvent crasseuses, les jeunes courent la rue de cette ville estudiantine. J'y retrouve ma Russie sauvage et désordonnée, brouillonne, les pieds dans la boue, car comment supprimer la boue dans cette immensité de terre, et la poussière qui va avec. Mais la tête dans les étoiles. Un peuple au final éduqué, qui a donc conscience de sa déchéance, mais en même temps de sa fierté. Je ne suis pas sûr que les Russes soient un jour civilisés au sens où l'entendent les Occidentaux. Alors qu'ils ont eux-mêmes une culture et des moeurs. En attendant, je marche sous la pluie et rejoins un lac Onega. Il est plus tard que prévu car j'ai pris une seconde heure de décalage avec le second vol, ce que j'avais oublié. Ce mauvais temps rend la promenade devant la jetée de ce lac immense, à perte de vue, romantique. Et les Russes font comme moi, beaucoup s'y promènent sous la pluie, vers une fête foraine en mal de succès avec cette soirée arrosée. Je me rends vers les bateaux que je prendrai demain. Après une longue marche, j'arriverai à l'autre bout de la ville, ayant croisé jeunes et vodka ou bière allègrement. N'importe quel bâtiment est superbe sous la pluie car les Russes ont l'art de l'architecture et de disposer les couleurs pastels, avec les liserés blancs. Je finis dans le supermarché conseillé par mon guide et ne peut empêcher la caissière de sourire de façon très prononcée : elle a vu mon guide à la main avant que je ne le range dans mon sac, et fait exprès de me lancer un drassvouitye en attendant ma réponse susurrée. Je suis mauvais rien qu'à l'idée de devoir le prononcer correctement. C'est au contraire quand je le prononce n'importe comment que je suis crédible. Il faut prononcer ce mot à la manière dont vous souhaiteriez prononcer quelque mot imprononçable. Gagnante, je lui laisse la victoire à chacune de ses multiples interrogations qu'elle affecte avec gourmandise : voulez vous un sac ? Jusqu'à son au revoir final composée d'une périphrase interminable dite avec un grand sourire moqueur. Désolé mais à 21 h 30, j'avais baissé le rideau Mlle. Il faut dire que l'achat de mon cahier d'écolier avec des ours blancs en couverture avait accentué plus qu'il ne fallait le romantisme exacerbé prêté au touriste occidental que j'étais. Après ces oeillades moqueuses, je me retrouve dehors dans la nuit tombée et rentre à travers ces rues animées de jeunes. Tiens, quatre jeunes filles dont chacune a sa vodka aromatisée dans la main. Le tout est bon enfant et l'hôtel, qui porte bien son nom, servernaya, se présente devant moi. Il me reste à manger et à me confier à mon tout nouveau cahier d'écolier.













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