samedi 12 avril 2008

Le Panthéisme

La pensée métaphysique contenue dans le mot « panthéisme » est certainement une des plus anciennes au monde, alors que le vocable, lui, est très récent et date de 1705 sous la plume du philosophe irlandais John Toland, un de élèves des cercles spinoziens de Leyde.
Les racines grecques « pan » et « theos » forment le concept suivant : Tout est dans Dieu, Dieu est dans tout. Nous sommes ici sur le plan exclusif d'un schéma d’immanence où l'univers est présenté comme le corps d'une grande unité aux mille facettes, qui n'a jamais commencé et ne finira jamais. Tout est sacré, rien n'est profane, l'homme est immergé dans le divin même s'il ne le voit pas. En tant que créature, il porte en lui, comme tout ce qui est vivant, du brin d'herbe à l'éléphant, une parcelle divine qui le relie au Grand Tout par fusion. Le panthéisme s'oppose fondamentalement à toutes les thèses créationistes. C'est une pensée moderne.
C'est pourquoi il est possible de dire que le panthéisme est une approche contemporaine du sacré qui garde pour autant toute sa saveur dans les paganismes antiques, dans l'anismisme qu'on retrouve en Afrique, mais aussi dans les trois branches d' Abraham, les religions juive, chrétienne et islamique.
En effet, chez les Chrétiens, Maître Eckart fut un panthéiste ou Giordano Bruno. Avicenne et Averroës furent des panthéistes de l'Islam.
Tous ces auteurs furent un jour ou l'autre condamnés par leurs autorités respectives au nom d'un dieu que l'on voulait imposer comme transcendant, c'est-à-dire séparé du monde mais y intervenant selon sa volonté et par révélations successives .
Ainsi, le panthéisme est une voie trans-culturelle et trans-religieuse. Il est toujours combattu par la pensée unique transcendante. D'où tient-il cette force puisqu'il se révèle avoir été une constante dans la pensée humaine particulièrement dans les courants libertaires néoplatoniciens depuis plus de deux mille ans ?
Le panthéisme tient sa force de la vie qui nous entoure. Tout étant sacré, tout étant le réceptacle du Divin - quelle que soit sa dénomination religieuse - la prise de conscience du monde et de la nature engendre la prise de conscience de la divinité qui l'anime (le mot étant pris dans son sens « anima », l'âme). Le panthéisme n'est pas doloriste, bien au contraire, il fait percevoir la nature comme un panthéon d'énergies avec lequel l'homme dialogue librement au rythme des saisons, des mois, des semaines, des jours.
L'homme qui régénéra cette métaphysique afin de la projeter dans notre modernité fut Baruch Spinoza au XVIIe siècle ; John Toland en fut un des propagateurs parmi d'autres comme Swedenborg, Goethe, Schiller, George Sand, Saint-John Perse, Jung, etc.
Un penseur comme Schopenhauer était également panthéiste.
Le panthéisme s'accordait bien dans les sociétés primitives avec les rituels de la nature qui impose ses rythmes à tous ; c'est une remise en place de l'homme au sein d'une nature respectée parce qu'entièrement sacrée et vivante. Les rites et les rituels n'étaient alors qu'une harmonisation, une danse joyeuse et sérieuse à la fois, un mariage analogique entre les deux natures du monde et les deux natures de l'homme, les dimensions matérielles et les dimensions spirituelles, dans une fusion des mondes au fond du creuset de l'immanence. Partant de là, le panthéisme faisait travailler les deux cerveaux de l'homme , le raisonnable et l'intuitif.
Par l'étude raisonnable de la nature, par l'expérimentation, par un regard d'entomologiste, pourquoi les arbres se battent-ils entre eux et comment perçoivent-ils la présence de l'autre, etc. Il y de l'intelligence dans tout cela.
Et le cerveau intuitif de prendre le relais dans un mode prophétique personnel.(sa relation à Dieu en tant que parcelle de l'être divin).
Chaque élément naturel est le support d'un petit dieu. S'immerger dans la nature, c'est aussi s'immerger dans soi-même, mais aussi dans une divinité immanente, simple, unique et multiple à la fois, et nous retrouvons là le plus vieux thème initiatique de l'humanité venant du bon vieux Socrate : « connais-toi toi-même et tu connaîtras la nature et les dieux ».
Quand le dieu est transcendant, il faut mourir pour aller le retrouver dans un Autre Monde après une longue marche doloriste et pénitencielle ; quand le dieu aux mille facettes est immanent, le dialogue avec les dieux devient constant ici et maintenant, parfois, c'est un banquet, parfois, c'est combat, mais il n'est nul besoin d'aller « ailleurs » pour s'immerger dans le sacré.
Il est toujours plus facile de retrouver des traces du panthéisme dans le monde rural qui est plus réceptif que la ville à ces réflexions. D'ailleurs, la contemplation de la nature procure souvent un sentiment d'harmonie, d'amplitude qui laisse effectivement croire que la vision panthéiste est fort plausible.
Ceci permet aussi de dire que, sur les plans traditionnels, métaphysiques et spirituels, le panthéisme provoque une vision écologiste en ce qui concerne le comportement humain puisque tout étant sacré, rien n'étant profane, tout ce que l'homme ponctionne dans la nature se fait sous le mode du sacrifice et de l'économie divine, et non pas sous le mode d'une délégation divine permettant à l'homme de faire ce qu'il veut d'un monde profane qu'il habite, le salut étant ailleurs.
L'essence même du panthéisme repose sur un dialogue avec la nature engendrant le respect qui lui est dû.
Quitte à choquer certains, introduisez un dogme, ou plus, dans la transmission du savoir divin et l'homme n'a plus qu'à croire ce qu'on lui permet de croire ; il n'est plus appelé à l'expérience, mais à l'obéissance. Cette castration mentale apporte toujours des systèmes impérialistes, doloristes et pénitentiaires.
Une vision panthéiste du monde ne peut par définition être dogmatique, car elle fait appel à l'expérience individuelle et collective
Je ne suis pas fondamentalement panthéiste (d'ailleurs Schopenhauer disait que le panthéisme n'était en fait qu'un athéisme courtois), mais je crois que le rapport du panthéisme à la Nature est le bon et je crois que la Nature a sa propre finalité, poursuivie par elle-même et que l'homme doit chercher à accomplir en ne pensant pas uniquement à sa propre fin.C'est je crois, laïcisée, la notion de Bien commun qui malheureusement sans connotation religieuse, perd rapidement sa force intellectuelle pour n'être plus qu'un bien commun au sens du marché, c'est à dire un bien avec des externalités positives. Or la notion du respect et des finalités de la Nature disparaît dans cette optique restrictive.

Article plus que redevable à http://www.carboneria.it/ritespan.htm


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