Quand on demande à un Russe quel est le plus grand écrivain de son pays, il répond en général Pouchkine. Posée à un Occidental, la réponse se détermine souvent pour Dostoïevski.
Il n’est pas de pays au XIXème siècle où la littérature soit prise plus au sérieux que dans la Russie. Elle apportait la preuve que la Russie était capable de civilisation, capable de tenir sa place en Europe. De plus l’écrivain se voyait chargé de la mission d’illustrer la place à part de la Russie en Europe. A lui de définir l’esprit russe, qui avec le tsar et la religion orthodoxe, est l’emblème de cet immense empire.
Il y avait donc en Russie un milieu littéraire riche, varié et influent. Il existait d’épaisses revues. Le public était assez cultivé, propre à s’enthousiasmer. La censure, féroce habituellement, était d’une exemplaire légèreté en ce qui concerne la littérature. Elle n’a empêché aucun écrivain de s’exprimer. Un écrivain connu vivait assez facilement de sa plume. Les directeurs de revue lui assuraient de généreuses avances et des droits d’auteurs importants.
Si Pouchkine, Tourgueniev, Tolstoï appartenaient à la bonne noblesse ancienne et relativement riche, Dostoïevski lui est né en 1821 dans la couche des fonctionnaires : son père dirigeait un hôpital. Le jeune Fédor fit ses études dans une école militaire. Il démissionna peu après avec le grade de lieutenant. Sa vocation d’écrivain était en effet irrésistible. Il écrivait déjà sans arrêt et il n’avait que 25 ans quand il remporta son 1er succès avec une nouvelle sentimentalo-sociale, « les pauvres gens », qui ne sert plus aujourd’hui qu’à voir combien ses romans ultérieurs sont nettement mieux réussis.
Le jeune Fédor lisait avec fureur : il admirait Racine ce qui est exceptionnel pour un étranger. Une autre sorte de littérature l’influença techniquement : les feuilletons très lus en Russie qui paraissaient périodiquement dans les épaisses revues. Cela obligea Dostoïevski pour être lu à maîtriser l’art du suspense, des coups de théâtre, des enchaînements passionnants, des intrigues compliquées, des rebondissements, des caractères extrêmes dans le bien et le mal, l’art aussi d’écrire vite et de tirer à la ligne.
A la considérer dans son ensemble la carrière de Dostoievski n’est en rien celle d’un écrivain maudit. Ses débuts furent heureux et à partir de 1866, avec Crime et Chatiment, il jouit de la réputation d’un écrivain célèbre. Cette gloire ne cessa de croître. L’empereur veut que ses fils soient présentés à l’illustre défenseur de la nation russe. Quand Dostoïevski meurt en 1881, à l’âge de 60 ans, ses obsèques furent quasiment nationales. Son cercueil fut suivi de 50 000 personnes, avec des rangées successives d’étudiants, d’artistes, d’écrivains et il eut droit sur sa tombe à de magnifiques discours.
Maintenant après ce premier plan glorieux, rentrons dans les coulisses, l’arrière plan, sa vie privée pour mieux apprécier son œuvre :
5 accidents de sa vie ont marqué son œuvre :
Le 1er est que son père, un homme devenu odieux, fut un beau jour castré et assassiné par ses serfs qui ne le supportaient plus.
Le 2nd est l’épilepsie qui ne lâcha pas l’auteur jusqu’à sa fin. Les crises étaient fréquentes et impressionnantes. Dostoïevski fut toute sa vie un malade, ce qui n’empêchait pas son petit corps malingre d’être doué dune vitalité prodigieuse et d’une puissance de travail exceptionnelle.
Le 3ème est la condamnation à mort transformée seulement au pied de l’échafaud comme l’exigeait le code pénal russe en une peine de bagne. C’est une histoire idiote qui l’a conduit là : Dostoïevski fréquentait un club vaguement socialiste, qui fut arrêté en 1849. Tout le monde se dénonça mutuellement et se repentit, sauf Dostoïevski qui n’avait rien à se reprocher car de tous, il était le plus favorable au tsar et n’était là que parce qu’il souhaitait des réformes ! Dostoïevski accepta sa peine. Il fut déporté à Omsk en Sibérie, dans un bagne. Il y cotoya des criminels russes qu’il finit par apprécier.
Le 4ème accident est une passion de quelques années pour une femme de fort tempérament, qui le promena en Europe et qui laissa sa trace sur les personnages féminins de ses romans, femmes peu commodes et « fières ».
Le 5ème lui tomba dessus à Wiesbaden en 1861 : il joua à la roulette et gagna ! Le démon du jeu s’était emparé de lui et le fit descendre très bas, jusqu’à frôler à plusieurs reprises l’abjection. Un beau jour en 1871, le 28 avril, à la suite d’une illumination intérieure, il se sentit guéri. Il ne joua plus jamais.
Sa grande chance quant à Elle, fut que Dostoïevski, veuf de sa première femme rencontrat et se maria à 40 ans avec une jeune fille excellente, Anna Grigorievna. Elle mit de l’ordre dans sa vie, trouvait des logements, tenait les comptes, négociait les contrats. Elle était si compréhensive qu’elle l’envoyait au casino quant il en avait trop envie et trouvait ensuite le moyen de réparer le désastre. Elle lui fit quatre enfants dont deux moururent et grâce à Elle il surmonta son deuil. Dans ses dernières années, Dostoïevski vécut à la campagne, près de St Pétersbourg, bon mari, bon père, au travail de dix heures du soir à cinq heures du matin et donnant à peu près dans les temps la formidable copie que lui arrachait impatiemment le directeur de revue.
lundi 14 janvier 2008
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"Le bien suprême était là, dans le cercle des choses et de la nature humaine.
Je ne demande plus où il est : il fut dans le monde, il y peut revenir, il n'y est maintenant qu'un peu plus caché. Je ne demande plus ce qu'il est : je l'ai vu et je l'ai connu."
Hölderlin, Hyperion
"Dans tes faux-fuyants,
Les crimes ont été escamotés
Dans un endroit
Où ils peuvent oublier"
Portishead
"Je suis d'une morale douteuse : je doute de la morale des autres"
Marguerite Duras
Je suis bourré de condescendances
Pour mes faiblesses si dures à avaler
Ce qui fait que je flanche
Quand on essaie de m'apprécier
Miossec, le chien mouillé (en silence)
Je ne demande plus où il est : il fut dans le monde, il y peut revenir, il n'y est maintenant qu'un peu plus caché. Je ne demande plus ce qu'il est : je l'ai vu et je l'ai connu."
Hölderlin, Hyperion
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