Il commença par écrire des histoires sentimentales et touchantes, qu’on ne relit que pour y trouver le début de son talent.
Ses romans majeurs sont au nombre de 4 : Crime et chatiment à dominante psychologique ou comment vivre après avoir commis un crime quand on est une personne jeune et honnête, l’Idiot à dominante morale et mystique, Les Démons à dominante politique, les Frères Karamazov à dominante idéologique et où se retrouvent toutes les idées de l’auteur à travers les 4 frères. Ajoutons l’Adolescent, roman raté mais qui contient les fulgurances, l’exploration du cœur humain, la réflexion sur la religion et la morale intérieure, la méditation sur la Russie.
On lit les romans de Dostoïevski : il n’est pas fréquent de les relire. Lire Dostoïevski est une épreuve et même si au début on se trouve pris d’une fièvre qui nous fait avancer très vite à la quête des rebondissements, vers la fin, a du mal à finir le roman, on referme le livre toutes les 5 ou 6 pages, tellement l’histoire nous remue les tréfonds et qu’on a peur pour la fin du héros (pas pour sa vie mais pour savoir s’il ne va pas se salir dans une mauvaise action à laquelle tout le pousse par exemple…).La question est toujours une question d’honneur et de morale.
Il y a un autre trait lié au romancier russe : je veux parler du comique : il est méchant et drôle et se moque des personnages secondaires, qui doivent faire face à la bonté et à la générosité de cœur des héros de Dostoïevski. Il se moque toujours des gens qui ne sont pas aussi bons qu’ils le disent et se retrouvent toujours en face d’eux mêmes dans des situations impossibles qui leur rappellent qu’ils ne sont pas aussi bons qu’ils voudraient l’être. Par exemple, dans l’Idiot, les gens viennent consulter l’Idiot pour savoir si leurs petites intrigues vont réussir. Comme celui-ci ne peut s’empêcher de dire la vérité, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils viennent le voir, ils s’en prennent plein la figure car la vérité rejaillit sur leurs intentions cachées !
Toujours cette tendance de l’humour et de la bonté qui domine dans ses œuvres : on rit beaucoup et on a peur pour les héros dans les romans de Dostoïevski.
Dostoïevski avait beaucoup d’idées et on a souvent tendance à le lire à la lumière de ces idées, ce qui est une erreur. Dostoïevski penseur est moins intéressant que Dostoïevski artiste : ses idées se concrétisent toujours dans ses personnages qui ont des choix à faire dans une vraie vie, aussi c’est à travers leurs actes, bons ou mauvais, que toute l’histoire s’agence et c’est beaucoup plus précieux que les idées qui sont derrière. Les personnages et leur bonté sont beaucoup plus importantes : c’est là tout l’art de Dostoïevski, de les rendre si présents.
Les idées de Dostoïevski :
Ses premiers écrits sont plein d’attendrissement pour les pauvres gens, les humiliés et offensés. Après son arrestation, il confesse sa foi dans le tsar. La Russie doit son salut au tsar. En Russie les réformes doivent venir d’en haut à son avis. Au bagne, il adore le tsar : il ne fut pas déçu par Alexandre 2 qui abolit le servage, diffuse l’instruction, etc. Il est pour le tsar et des réformes.
Il s’inquiète du rôle grandissant de l’argent, de l’alcoolisme paysan. Il souhaite une meilleure communication entre le tsar et son peuple : il fait partie de ce qu’on appelle le courant slave. Il y aurait une voie russe vers le progrès différente de l’Occident.
Sa politique se déduit entièrement de son nationalisme, extrême et éperdu. Son nationalisme est très profond :
Il a passé 4 à 5 ans à l’étranger. Il l’a détesté. L’Europe est pour lui un cimetière, qui complote contre la Russie et le Christ, très liés pour lui. Le plus vexant, c’est que l’Europe ignore la Russie, ne s’y intéresse pas.
« Notre peuple est incomparablement plus noble, plus honnête, plus capable que les peuples d’Occident ». L’Europe n’est plus chrétienne, le catholicisme est une trahison. La vocation de la Russie est de révéler au monde le « Christ russe ». « Nous avons le génie de tous les peuples et en plus le génie russe : donc nous pouvons nous comprendre tandis que vous, vous ne pouvez pas nous comprendre ». « Nous avons l’idéal russe d’universalité, d’humanité ». Rien de moins !
Un peu fou direz vous mais avec un accent particulier. En effet au bagne, Dostoïevski a du se confronter aux criminels russes, qui se livraient à des scènes indescriptibles d’ivresse et de violence (Cf souvenirs de la maison des morts). Aussitôt Dostoïevski entra en crise et y resta quelque temps. Alors il fait une sorte de saut de la foi. Ces forçats étaient tout de même en bonté supérieurs à tous les Européens parce qu’ils étaient des Russes. Mieux : « Ces hommes étaient peut-être la partie la plus douée, la plus forte de notre peuple ». La plus pure parce que la moins touchée par l’Occident.
Les Russes sont supérieurs moralement et en bonté aux occidentaux car ils croient au christ russe (la nation russe est liée au christ, voir plus loin). Même, au sein des Russes, le peuple est le plus proche de la vérité russe que les nobles ou intellectuels, car le peuple ne réfléchit pas, il est moins proche des occidentaux : c’est par leur âme et leurs actes qu’ils se rapprochent du christ. De la même façon, Dostoïevski n’appréciera pas beaucoup la hiérarchie de l’Eglise, il préfère les ermites errants, les simples moines qui n’ont pas de richesse. Sonia la prostituée au grand cœur repentie qui aidera Raskolnikov à revenir dans le droit chemin après son crime (Crime et chatiment) est une figure qui a dominé plein d’autres romans et films ensuite…Une figure du peuple russe qui n’est pas sans rappeler Marie-Madeleine, la prostituée suivant le Christ qui lui avait pardonnée.
D’autres personnages apparaissent dans les romans de Dostoïevski suite à des incidents : en 1860, des militants révolutionnaires apparaissent qui fomenteront des complots jusqu’en 1917, date de la Révolution communiste. Dès 1860 et alors qu’il ne connaîtra pas la Révolution russe, Dostoïevski à partir de quelques étudiants agités a compris que quelque chose de neuf et d’infiniment dangereux était apparu en Russie et dans le monde.
C’est pourquoi ces étudiants apparaissent dans tous les romans. Dostoïevski leur oppose les figures russes de ses héros centraux ou personnages secondaires comme Sonia la prostituée, Maria la boiteuse, la petite fille violentée qui si leur vie est difficile ne perdent pas leur dignité. Dostoïevski a compris quel pourrait être le sort de la Russie et du monde à partir d’une minuscule conspiration d’étudiants : il écrit alors les Démons, indispensable roman pour comprendre le terrorisme et la folie du Xxème siècle.
Pourtant s’il les déteste, il les préfère secrètement au monde libéral bourgeois vers lequel la Russie pourrait se diriger à l’imitation de l’Europe. Dostoïevski est fasciné par ces jeunes gens parce qu’au moins ils sont Russes. En quoi ils sont tout de même préférables au libéral et à l’occidental (raison pour laquelle il détestera Tourgueniev, écrivain européanisé).
L’extrémisme dans le bien comme dans le mal est un trait de la Russie dont le romancier est fier. La violence dans le Mal que laisse prévoir une future Révolution est préférable malgré tout à l’Occident, de toute façon condamné à la consommation et à un esprit étroit matériel et non spirituel.
lundi 14 janvier 2008
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"Le bien suprême était là, dans le cercle des choses et de la nature humaine.
Je ne demande plus où il est : il fut dans le monde, il y peut revenir, il n'y est maintenant qu'un peu plus caché. Je ne demande plus ce qu'il est : je l'ai vu et je l'ai connu."
Hölderlin, Hyperion
"Dans tes faux-fuyants,
Les crimes ont été escamotés
Dans un endroit
Où ils peuvent oublier"
Portishead
"Je suis d'une morale douteuse : je doute de la morale des autres"
Marguerite Duras
Je suis bourré de condescendances
Pour mes faiblesses si dures à avaler
Ce qui fait que je flanche
Quand on essaie de m'apprécier
Miossec, le chien mouillé (en silence)
Je ne demande plus où il est : il fut dans le monde, il y peut revenir, il n'y est maintenant qu'un peu plus caché. Je ne demande plus ce qu'il est : je l'ai vu et je l'ai connu."
Hölderlin, Hyperion
"Dans tes faux-fuyants,
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