samedi 16 janvier 2010

For Ever Mozart de Godard

Parler de Jean-Luc Godard est si difficile : il est si difficile d'accès, à première vue.

L'ontologie, la vie même faite film, peut-être trop un slogan, pour évoquer son cinéma

Comme ici cette jeune fille qui n'arrivera à dire Oui, qu'en dehors des contraintes, une fois qu'elle retourne dans la vie.



Le travail sur l'écriture, les paroles, la voix et l'image : triturer chacun pour en ressortir quelque chose qui relève de l'essence.

Ainsi dans certains films, on se retrouve comme aveugle et le son prend une dimension assourdissante, ou tous nos propos se trouvent dans le vacarme du milieu ambiant, des bruits de bus, de marteau-piqueur, et la vie se joue là, pas en dehors, dans un décor factice, de « cinéma », mais au milieu de la rue, de la plage, d'où ces phrases « on va déjeuner » ou « ordure » qu'on entend tous dans notre vie de tous les jours ...

For Ever Mozart, aller jouer Mozart à Sarajevo. Refuser que ce soit les thèmes sombres qui l'emportent pour faire du combat de la vie, et que le cinéma soit la vie même faite film, donc ce combat de la liberté. Et du coup, il faut jouer Mozart qui est léger et non Bach qu'on entend du fond de la mer. Il faut être naïf et crédule mais aimer la vie.

D'où l'idée d'une pièce de théatre, de jeunes qui vont aller jouer on ne badine pas avec l'amour à Sarajevo, pour y jouer la vie, l'amour et non la fin de la vie, de l'amour, dans ces sommes de pièces tragiques. C'est l'affirmation de la vie, ou plutôt de ce que l'homme a de meilleur à donner face à l'absurdité de la guerre.

Il y montre les chairs, qui sont dénudées, meurtries, mais on enlève pas à un homme ce qui fait qu'il est un homme.

ON va s'y battre pour y jouer la vie.

Et pendant ce temps là un cinéaste essaie de faire un film contre la volonté d'un producteur qui veut lui dicter une scène finale désastreuse ! Son désabusement et en même temps sa quête d'absolu sont une recherche aussi de la liberté, de dire libre, même s'il est beaucoup moins courageux que ses jeunes congénères.

Et Godard d'y montrer la guerre dans sa plus grande bêtise qui est aussi sa redoutable efficacité, d'être là, d'enlever les hommes, elle rappelle qu'elle est là, brutale, pan ! Et le rappellera aux jeunes gens du théatre.

Il y montre aussi les gens de l'OnU, violés dupés moralement parce que eux trop naïfs là où ils n'auraient pas le droit de l'être

D'où la jeune femme en tailleur qu'un serbe fait mine en rigolant de violer et qui représente l'Europe, le monde civilisé et coupable de sa candeur, en train de se faire « tirer » par les Serbes

La défaite de l'intelligence, on peut dénuder les corps avec la brutalité des brigands, face au caractère prude des diplomates en costards, cachés derrière une croix rouge qui devient celle de la honte et de l'impuissance qui abaisse l'Europe.

La guerre c'est simple on y viole et on y tue, ont dit les Serbes aux Européens et ces derniers ont consommé la défaite de leur intelligence. Godard envoie alors en Serbie quelques jeunes jouer une pièce de théatre pour y parler de la vie de l'humanité de l'amour et non plus de cette intelligence délètère et compromise, qui fait nommer l'Onu par Godard les brigands internationaux comparés aux brigands locaux que sont les Serbes.

De belles mercedes mais avec des corps qui meurent juste à côté, l'image est poignante. Et pendant que les jeunes du théatre creusent la tombe où ils seront abattus.



Pendant ce temps Vitalis essaie de faire un film, de l'intranquillité, de sa peur, de ne pas arriver à être cinéaste, dans les conditions actuelles du cinéma. Il sait son chemin et où il veut aller et le nom même de Vitalis pour qui a connu Rémi en dit long (car Godard marche énormément par allusions et n'en saisir que la moitié n'empêche pas de comprendre le film, car il montre que les citations ont leur vie propre, leur signification, elles ne sont justement pas des « citations » mais la vie, présente en chacun de nous, exprimée)

Il dit l'échec du processus créatif face aux puissances de l'argent. On suit plus le chemin de Vitalis que celui de son film, et son rapport à la création, quand il dit, comme une formule godardienne :

C'est d'ailleurs ce que j'aime en général au cinéma ,une saturation de signes magnifiques qui baignent dans la lumière de leur absence d'explications.

On ne comprend pas le cinéma par l'intelligence mais par l'emphase, la compréhension immédiate, la vie même faite film qui nous parle dans un rapport autre que l'intelligence. Ce qui est à mon avis en désaccord avec Godard un peu faux car Godard fait appel à une des formes de l'intelligence pour comprendre tout ce qu'il nous donne : il nous donne le processus créatif en même temps que la création. Le personnage de Vitalis en est l'incarnation.

Extrait sur la saturation des signes :




Je trouve d'ailleurs que le Mépris, autre film de Godard répond bien à cette définition.

Et le jeune prodige qui dans un décor enchanteur de château à la française joue Mozart pour une rangée de privilégiés ne sait sans doute pas qu'il joue au delà pour la grandeur, la beauté des sentiments, ces pauvres personnes battues et tuées dans le monde, car Mozart ne se résigne pas et dit la vie : Mozart c'est léger et joyeux, n'en déplaise aux tyrans. Il faut jouer Mozart, surtout en Serbie.

Il était difficile de faire un film qui soit autant politique en l'étant si peu, en parlant d'un cinéaste, d'un jeune groupe téméraire de théatre, de Mozart et d'On ne badine pas avec l'amour de Musset. Mais Godard en faisant ce film en plein coeur des actualités de Srebrenica formule une critique virulente, acerbe de ce qui se passait là-bas sous nos yeux et sans qu'on en dise rien. Il montrait qu'on y laissait tuer la vie, et donc l'Europe se baissait les yeux fermés. Il y envoie ce que lui peut envoyer une jeune troupe de théâtre, tandis que Vitalis plus désabusé représente aussi à sa façon la vieille Europe, celle qui ne croit plus possible à son succès, à sa force, qui se contente de faire un film qui aura quelques moments de bravoure mais sera un raté, ce qu'il a déjà abdiqué.

J'aime For Ever Mozart, car il parle de la vie et depuis les années 60, à part quelques exceptions, il s'agit pour moi du film de Godard qui parle le plus de la vie, qui est le plus ontologique pour reprendre les formules préférées des cinéastes. La vie, la vie, la vie semble crier ce film en pleine guerre.

la critique lisible du film par telerama

la critique du génial bloggeur Shangols

dimanche 10 janvier 2010

Lhasa n'est plus


J'ai découvert cette chanteuse malheureusement lors de sa disparition et cette chanson m'a ému. Je suis d'accord avec ce commentaire de l'article lu : "Lhasa, c'était aussi une voix troublante et envoûtante".


Pleurant
Face au mur
La ville s'arrête.

Pleurant
Rien de plus
Je meurs peut-être
Ha! Où es-tu ?

Rêvant
Face au mur
La ville brûle

Rêvant
Sans respirer
Je t'aime amour
Je t'aime amour

Priant
Face au mur
La ville s'effondre

Priant
Sainte Marie
Sainte Marie...

Mourant...

Pour en savoir plus sur Lhasa

lundi 4 janvier 2010

Lucie Aubrac évoque la Résistance

Lucie Aubrac évoque sa difficulté d'historienne avoir avoir publié après guerre un ouvrage sur la Résistance en France :

Parce que l'on a une formation d'historienne, l'on se construit une vue rationnelle de la Résistance, vue très intellectuelle, que l'on complète beaucoup trop sentimentalement parce que l'on a pris part à certains des évènements. Et dans la peine qu'on a connue, dans les actes qu'on a vécus, dans les êtres qu'on a fréquentés, dans les résultats qu'on a obtenus, on se crée un ensemble de souvenirs et d'idées qui correspondent un peu trop à un sentiment personnel.
Ce n'est qu'à travers ces sentiments, que j'ai pu dégager un certain nombre d'idées et rappeler un certain nombre de souvenirs sur la Résistance, son développement et son organisation. Il faut bien dire que si l'ensemble est imparfait, il est encore plus incomplet, que tel qui vécut la Résistance ne s'y reconnaîtra pas du tout, tandis que tel autre aura l'impression d'y retrouver les siens.
Ce que je voudrais faire ressortir de cette étude, c'est l'extraordinaire vitalité de la clandestinité pendant l'occupation, la vie secrète de toute la France comme celle d'une femme qui aurait un amour caché lui prenant le plus beau de son temps et de son coeur. Vie parcellaire, vie de hasard, sans homogénéité, puisqu'elle animait des hommes et des femmes de classes différentes, de métiers et de traditions variés.


Et encore merci à celles et ceux qui m'ont offert ce cadeau passionnant !!!

Lucie Aubrac, le caractère d'une enseignante hors normes


Extrait de la biographie que lui a consacrée L.Douzou :

Son parcours d'enseignante avait toujours été celui d'une femme qui refusait d'être sous tutelle. Cela s'était manifesté de diverses façons. Et d'abord, par sa propension à s'absenter quand l'idée d'aller au lycée lui était insupportable. On peut lui faire crédit lorsqu'elle déclarait avoir eu « l'habitude – moi qui suis ponctuelle et manque rarement à mes devoirs- d'annuler un cours ou une obligation sur un coup de tête, juste par envie de liberté, pour voir le monde ».Ce penchant qu'elle qualifiait joliment de « pulsions de liberté » et qu'elle faisait remonter à sa petite enfance, fut constant chez elle. Certains proviseurs en conçurent des soupçons et de l'aigreur à son endroit, d'autres attribuèrent ces absences imprévisibles à un état de santé défaillant …
Le type d'enseignement qu'elle délivrait était une autre manière de marquer un territoire bien à elle et d'affirmer son indépendance. On a vu que, contrairement à ce qui arrive parfois, elle ne cherchait nullement à donner le change quand un inspecteur se présentait dans sa classe, mais traçait imperturbablement son petit bonhomme de chemin avec enthousiasme, verve, sans souci exagéré d'une précision qui devait lui paraître relever de la maniaquerie. C'était chez elle une attitude réfléchie. Les méthodes de pédagogie nouvelle qu'elle avait vues à l'oeuvre dans les toutes petites classes l'avaient impressionnée. Il se peut également que l'enseignement traditionnel qu'elle avait suivi et auquel elle s'était conformée, tant pour préparer l'école normale des Batignolles que pour arriver jusqu'à l'agrégation, ne lui ait pas laissé un impérissable souvenir. Les relations vivantes et personnelles, qu'elle entretenait volontiers avec ses élèves relevaient probablement d'une même volonté de casser les codes les plus établis et, sans rien renier de la hiérarchie maître-élèves, de leur laisser les coudées franches.
En somme elle adorait autant enseigner qu'elle abhorrait être sous un joug fût il léger ou débonnaire, et placer les enfants qu'on lui confiait sous le joug. Et Lucie enseigna comme elle militait, c'est à dire en lisière de ce qui se pratiquait communément, sans grand souci du qu'en dira t-on et même contre lui. Bien faire et laisser dire, en quelque sorte. Qu'on ne se méprenne pas : elle avait une vision nette et exigeante des obligations de sa charge de professeur dont elle se faisait une haute idée. Ce qu'elle supportait mal, c'était l'idée de se couler dans un moule. La preuve en est que, la retraite venue, loin de cesser d'enseigner, elle fit vraisemblablement plus d'heures devant des auditoires que pendant toute sa carrière officielle.

La conclusion de l'ouvrage :

S'il fallait in fine caractériser son parcours, c'est bien le refus de toute norme qui devrait être mis en exergue. Refus des normes sociales qui auraient dû lui interdire l'ascension fulgurante qu'elle connut. Refus des normes idéologiques et mentales que mit en place le régime de Vichy. Refus des normes de sécurité qui s'appliquaient aux actions résistantes. Refus des normes partisanes qui enserraient et encadraient l'action militante. Refus des normes sociales et politiques organisant et réglementant la vie des plus démunis. Refus des normes d'exactitude qui sont censées régir un récit de vie.

dimanche 3 janvier 2010

L'ennemi intime : un film sur la guerre d'Algérie



L'ennemi intime est un film qui me plaît car il aborde la guerre d'Algérie sur le ton qui convient. Il y démontre qu'on y perd ses repères, que l'approche gaucho-centrée tout comme celle de l'Algérie française s'envoyaient dans le mur. Les tortures et les souffrances sont les seules choses qui restent et dévastent les hommes et les femmes et les enfants qui sont amenés à les connaître. En ce sens le film de Siri est lucide.

Ensuite il y montre comment on y perd ses repères quand on est soldat, où se situe la juste frontière quand la stratégie de l'ennemi est une stratégie de faible au fort, d'exactions et qu'on y est soi même confronté. Cette guerre était avant tout une guerre psychologique et Siri l'a bien fait ressentir, à travers ses héros. Les mutilations étaient la marque qui devait affaiblir l'adversaire, d'où les « sourires arabes » ou les corvées de bois aériennes (non montrées dans le film) tout comme le FLN punissait collectivement les villages qui ne soumettaient pas à son emprise.

Même si certains procédés sont parfois plus efficaces que réalistes (ils ont tous fait la guerre de 40 et Monte Cassino dans ce film !), le film rappelle les évidences que tout se mêlait dans ce qui se voulait une guerre civile : au moins une guerre fratricide en tout cas. Les musulmans évoquaient les mêmes prières, qu'ils soient fellaghas ou supplétifs de l'armée française. Certains se combattaient alors qu'ils avaient fait ensemble la campagne d'Italie sous De Lattre...

La question du positionnement de cette guerre par rapport à celle de 1945 est en effet lourdement affirmée, comme elle le fut inconsciemment ou quelques fois explicitement chez les acteurs de l'époque … On en parlait peu mais certains fellaghas comme les usagers de la torture systématisée dans l'armée française avaient été des combattants contre le nazisme et pour la liberté, et se trouvaient confrontés à leur nouveau rôle de tortionnaire.

Cette guerre n'a pas de beau visage, elle salit et souille les âmes et l'esthétisme du film ne le fait pas oublier. Ceux qui dans le film ont déjà fait l'Indochine ont déjà abdiqué cet esprit critique, cet espoir de trouver un chemin qui préserve l'honneur. Eux seuls arrivent au final à tracer leurs routes.

La schyzophrénie évoquée dans certains commentaires s'applique en effet à ce film : aussi bien du côté des Algériens qui combattaient avec les Français que chez ces derniers.

La propagande coloniale des actualités françaises, les termes utilisés (bidons spéciaux, fells, sorties de bois, le guetteur du village dans lèvres ni nez …) sonnent juste : il était facile de ne pas se tromper mais il est tout de même bien de ne pas avoir commis de contresens sur ces points.

La beauté de la Kabylie sert aussi le film et l'intensité des sentiments qui se découvrent dans un tel décor. De si basses besognes dans un si grandiose décor.

Enfin si la remarque de certains critiques dénonce l'absence des fellaghas, cela me semble résulter de cette guerre d'embuscade : l'armée française y est à chaque fois surprise, quelques fois de façon désespérée. Ce n'est pas une guerre où on prend d'assaut mais une guerre de qui-vive, épuisante moralement et nerveusement, aux aguets. En ce sens la guerre d'Algérie évoque toutes les guerres modernes, comme en afghanistan aujourd'hui : emprise sur les populations, guerre de coups, d'usure ...

Au final, Siri a réussi un grand film en réussissant esthétiquement son film mais surtout en lui donnant l'intensité psychologique crédible et émotionnelle … la profondeur des sentiments humains n'y cède en rien à la beauté plastique du film. Avec un Dupontel tonitruant ! Siri a fait un vrai film de guerre en démontrant que ce qui prévalait ce sont les sentiments humains, l'intérieur de chacun d'entre nous face aux atrocités qu'on y assiste ou qu'on les commette

la-guerre-d-algerie-eclate-a-l-ecran : une critique du journal Le Monde

Une autre critique favorable

Les critiques presse sur Allociné

une guerre, non, une opération de maintien de l'ordre ...

Je précise que nombre de critiques sont défavorables et que ce film fut largement sous-estimé notamment par rapport à un film comme Indigènes, plus fédérateur et consensuel il me semble, alors que la guerre d'Algérie divise encore.

On reproche notamment à Siri d'avoir utilisé des ficelles et des raccourcis grossiers : je préfère mentionner qu'il a usé d'archétypes pour figer et faire ressentir des faces-à-faces essentiels : ce compromis me semble respectueux de l'esprit du film.

Enfin je concluerai en reprenant un commentaire de spectateur, qui parle de ce film "qui m'a fait remercier de vivre aujourd'hui". Avoir réussi à faire un grand film de guerre où on ne s'ennuie pas tout en ayant au final cette conclusion, au final salvatrice pour le genre humain, montre que ce film a atteint son objectif et dépassé la dimension esthétique ou uniquement valorisante (les valeureux bons et les très méchants). Il laisse KO comme tout guerre "réelle".

Les 2 "meilleurs" commentaires de spectateurs, trouvés sur internet :

1/On découvre des hommes qui essaient de survivre et tentent de préserver leur intégrité morale dans un univers larvé, dur, physique et extrêment violent.

L'interpénétration de la France et l'Algérie ressort à chaque instant par l'étude du passé de chaque personnage.

C'est un film où il n'y a pas de gentils d'un côté et de méchants de l'autre.

Il est comme le paysage, sauvage et beau.

C'est un choc, on l'attendait depuis longtemps.

ET

2/Voilà un film de guerre francais digne de ce nom, nous sommes devenus aussi forts que les américains avec un budget surement beaucoup moins important et en plus on a le point de vue de tous les protagonistes et non pas seulement d'un coté les bons et de l'autre les méchants !

L'ennemi intime se déroule pendant la guerre d'Algérie, et retrace l'histoire du lieutenant Terrien (Magimel) tres héros à l'américaine qui arrive avec ses principes et se retrouve face à la réalité de la guerre et la guerre c'est sale, c'est même vraiment moche, on torture, on fusille, on s'entretue, ce n'est pas comme dans les livres, et dans la réalité ca vous change un homme à tout jamais.

Face à lui, le sergent Dougnac : Dupontel qui est vraiment un tres bon acteur et qui lui a perdu ses illusions depuis bien longtemps.

On va donc suivre les missions de ces deux soldats, et l'évolution de leur caractère et il ne faut pas se fier aux apparences.

Un film dur car il retrace une période difficile de notre histoire, tout le monde est perdant dans cette guerre. Un film aussi qui vous prend aux tripes avec des séquences de bataille ou de torture assez réalistes. Heureusement entrecoupée par de beaux paysages, et quelques bons moments de relations humaines.

C'est un bon film historique qui m'a fait remercier de vivre aujourd'hui ou je n'ai pas eu besoin de faire de guerre. Rien que pour ca cela valait le coup mais en plus Dupontel est exceptionnel. Et en plus c'est un film francais, bravo.

samedi 2 janvier 2010

Estant le tems venu ...De Louise Labbé à Lucie Aubrac

Estant le tems venu, Mademoiselle, que les sévères lois des hommes n’empeschent plus les femmes de s’appliquer aux sciences et disciplines: il me semble que celles qui ont la commodité doivent employer cette honneste liberté, que notre sexe a autrefois tant désirée à icelles apprendre, et montrer aux hommes le tort qu’ils nous faisaient en nous privant du bien et de l’honneur qui nous en pouvoit tenir.
En 1555, il y a tout juste quatre cents ans, la Renaissance reconnaissant aux femmes l'âme et l'intelligence, que le Moyen-Âge leur avait toujours refusées, une jeune Lyonnaise, Louise Labbé, écrivait cette phrase en tête d'un recueil de poèmes, le premier qu'une femme faisait paraître.
Estant le tems venu … que le privilège d'apprendre, de savoir, de créer, n'appartient plus seulement aux hommes. Que le privilège d'aimer son pays et la paix, la liberté et la vérité, de se battre pour eux, de mourir pour qu'ils vivent, est une chère conquête de ces dernières années. Que le privilège d'enseigner, de guérir, de défendre, a féminisé les métiers de professeur, de médecin et d'avocat.
Estant le tems venu … que le privilège d'aller un dimanche matin voter pour la liste de son choix, de partager les travaux législatifs de souvent trop vieux messieurs, est un fait acquis, il nous semble, vous dit l'équipe de ce journal, que ceux et celles qui en ont la commodité doivent employer cette honneste liberté à utiliser le mieux du monde ce tems venu. « Privilèges de bas-bleus en mal de maris », diront quelques grognons pour qui le temps ne viendra jamais d'aimer la vie et ses aspects politiques, économiques et sociaux, de comprendre la beauté d'une robe, d'un film ou d'une pièce de théâtre !
Eh bien ! Voilà peut-être notre plus cher privilège, que nous dictait, il y a quelque quatre cent ans, Louise Labbé la Lyonnaise : « Outre la réputacion que notre sexe en recevra, nous aurons valu au public que les hommes mettront plus de peine et d'estude aux sciences vertueuses de peur qu'ils n'ayent honte de se voir précéder celles desquelles ils ont prétendu estre toujours supérieurs quasi en tout.
Estant le tems venu ... »

L'ambition du journal que lance à la Libération Lucie Aubrac est tout entier contenu dans cet éditorial puisant ses références à Louise Labbé d'où l'ancien français dans le texte. La ligne du journal est tracée et ambitieuse comme son écrivaine ...

Ce type de journal, intitulé « Privilèges de femmes », qui ne connaîtra pas le succès, est très éloigné de ce qui se fait aujourd'hui de Biba à Voici ou Marie-Claire ! Hebdomadaire à contre courant des normes en vigueur dans la presse féminine française d'alors selon le jugement sans appel de Laurent Douzou et des lectrices. On a envie d'ajouter : à contre-courant encore aujourd'hui !

Plus encore que féministe, son discours était pour Lucie Aubrac une ambition, une voie tracée : elle n'avait pas le temps d'être féministe, elle ouvrait de nouvelles perspectives, tel un chercheur sur un nouveau chantier ! Elle visait à l'excellence, au journal Le Monde version faite femmes pour se permettre un anachronisme : les articles de ses plus illustres amies et amis traitaient de la politique internationale, du théâtre de la musique des cinéma et littérature ...avec ardeur et ambition. "Privilèges" avait ici le sens connu au XVII ème siècle : "Avoir la puissance et la compétence de ..." , ce qu'elle comptait vaillamment démontrer !

De l'origine du mot "Résister"

Résister

Depuis plusieurs semaines il est un mot qui me revient constamment à l'esprit, c'est « Résister ! », ce vieux mot qui fut gravé sur le mur de la tour de Constance à Aigues-Mortes par une huguenote, l'indomptable Marie Durand.
Résister à ses mauvais penchants.
Résister à l'entraînement des obscures et sourdes tentations qui viennent si souvent vous assaillir.
Résister à ses passions, à sa lacheté naturelle, pour gagner la maîtrise de soi.
Résister à l'influence de son entourage même si ce milieu n'est pas mauvais ; ne suffit il pas qu'il soit seulement différent de la ligne de conduite tracée par sa conscience ?
Résister aux compromissions que le monde dans lequel on vit cherche inconsciemment à nous faire commettre.
Résister !

En ce moment même, ce mot n'est il pas un message pour les amis allemands subitement plongés dans une situation qui peut devenir tragique d'un moment à l'autre ? Mettons nous à leur place et interrogeons nous !

Avec l'aide de Dieu, ils sauront « résister » avec sérénité et foi, comme Marie Durand, en vrais disciples, en vrais quakers.
Une bataille se livre, la grande bataille de notre époque, la lutte à mort du matérialisme contre le spiritualisme, lutte plus vigoureuse et plus épouvantable que jamais ! L'un des deux vaincra l'autre.
Ecoutez l'appel !
Résistez !

Henry van Etten

Ce texte quaker écrit en 1933 est d'une lucidité prémonitoire alors qu'Hitler vient d'arriver au pouvoir.
Il fait aussi référence à un terme qui prendra en 1940 tout son sens chez quelques-unes et uns en France . L'origine du mot Résister est ici retracée, en référence à Marie Durand.

Pour en savoir plus sur Marie Durand

L'esprit quaker était ainsi violemment opposé à la montée de l'hitlérisme. Ce qui est aussi intéressant, c'est que ce texte a été lu par une jeune femme proche des communistes, étudiante dans les années 30, qui sera bientôt agrégée, et qui fréquente alors les milieux quakers pour leur ouverture d'esprit : Lucie Samuel bientôt connue sous le nom de Lucie Aubrac.

Lu dans le magnifique ouvrage de L.Douzou, Lucie Aubrac, même si contrairement à l'auteur, je ne crois pas au hasard et au risque d'effectuer un anachronisme d'une dizaine d'année, pour moi, il est parfois une série de coïncidences qui ne sont plus fortuites … Lucie Aubrac et les Quakers étaient d'une trempe qui ne se résignerait pas : qu'ils se soient rencontrés dans les années 30, dans leur quête de sociabilité, à la recherche d'un même idéal et d'une claire volonté d'engagement n'est pas un hasard : ils se sont cherchés et trouvés ceux là qui se retrouveraient dans le même camp en 1940. Car ils partageaient les mêmes idéaux, ils auraient bientôt un ennemi commun.

Pour en savoir plus sur Henry van Etten et le renouveau du quakérisme

Sophie Hunger à Chateaulin : et de 9 en 2009 !

Pour commencer la nouvelle année, quoi de tel que de se remémorer un très bon moment de l'année écoulée !

Et grâce à un cameraman hors pair, j'ai cité Jack - et en plus j'ai reçu en novembre en cadeau le même appareil photo que celui qu'il a utilisé pour filmer en HD - nous avons des extraits de ce concert intimiste de Sophie Hunger à Chateaulin à la mi novembre !

C'était pour moi et ma maman le lendemain de son concert à Rennes où elle avait déjà fait se soulever la salle !

A Chateaulin, ils seront même un peu trop polis et nous n'aurons en conséquence qu'un rappel. Mais comme les images le prouvent nous n'avons pas boudé notre plaisir !



Un merci que nous lui retournons bien volontiers :



Like a rolling stone !!





Les applaudissements nourris à la fin du concert !

Mes thèmes préférés

Rokia Traore - Un cri d'amour pour l'Afrique

Irma vep

Irma vep
Maggie Cheung

Mes citations

"Le bien suprême était là, dans le cercle des choses et de la nature humaine.
Je ne demande plus où il est : il fut dans le monde, il y peut revenir, il n'y est maintenant qu'un peu plus caché. Je ne demande plus ce qu'il est : je l'ai vu et je l'ai connu."

Hölderlin, Hyperion



"Dans tes faux-fuyants,
Les crimes ont été escamotés
Dans un endroit
Où ils peuvent oublier"

Portishead



"Je suis d'une morale douteuse : je doute de la morale des autres"

Marguerite Duras



Je suis bourré de condescendances
Pour mes faiblesses si dures à avaler
Ce qui fait que je flanche
Quand on essaie de m'apprécier

Miossec, le chien mouillé (en silence)