vendredi 28 août 2009

Clap Hands !

Budam :



Beck :



Découvrez ici Budam , notamment son interprétation gigantesque de Baltasar and angel

samedi 22 août 2009

Les Serments indiscrets

Comédie en cinq actes et en prose écrite par Marivaux, représentée pour la première en 1732.

Comme leurs parents désirent beaucoup cette union, Damis et Lucile consentent à se voir, mais uniquement afin de convenir d’un prétexte pour ne pas se marier. Arrivé dans cette pensée au château où demeure Lucile, Damis demande, à peine descendu, à la voir. Mais celle-ci avait déjà pris la précaution de lui écrire une lettre où elle lui expliquait les motifs qui lui faisaient désirer de ne pas devenir sa femme avant de se retirer dans un cabinet voisin et de charger Lisette, sa servante, de recevoir son futur. Damis exprime sa répugnance pour le mariage en général, et ne doute pas que Lucile ne la partage. — Prenez garde, lui dit Lisette car Lucile est tout de même fort jolie. — Belle ou laide, Damis est bien sûr de ne pas se laisser séduire par elle : il répond de son cœur. — Et moi du mien, dit Lucile, dont la vanité a été blessée, et qui sort de sa cachette.

Damis est quelque peu interloqué, car finalement Lucile est charmante et spirituelle, et dans la conversation qui s’engage, ils sont prêts à changer complètement de sentiment. Mais Lisette, fidèle à sa première mission, les a malheureusement pris au mot et sur le coup, leur a fait jurer qu’ils ne se marieront pas. À peine le serment est-il prononcé qu’ils se repentent. L’orgueil les empêche de revenir sur leur serment, et ils passent leur temps à lutter toutes leurs forces contre leur cœur pour ne pas se démentir.

Pour sauver les apparences, Lucile a engagé Damis à faire la cour à sa sœur Phénice. Damis obéit, et Phénice prendrait cette cour au sérieux, si un valet ne l’avertissait à temps, et ne lui faisait remarquer que Damis et Lucile s’adorent, et ne sont séparés que par un sot amour-propre.

Quant aux parents, ils sont tout disposés à unir Phénice et Damis, puisqu’ils paraissent se convenir.

Mais alors Lucile se met en travers ; elle cherche à persuader sa sœur qu’elle ne sera pas heureuse avec Damis, et celle-ci, qui en veut un peu à Lucile de l’avoir exposée à s’éprendre du jeune homme, s’amuse à la tourmenter.

Lucile demande alors à Lisette de faire les entremetteuses pour essayer de faire tomber sa fierté à Damis et de l'amener à reconnaître l'amour qu'il lui porte :

Lucile : Je vous charge donc d'aller trouver Damis comme de vous-même, entendez-vous ? Car ce n'est pas moi qui vous y envoie, c'est vous qui y allez.

Lisette : Que lui dirai-je ?

Lucile : Est ce que vous ne le devinez pas ? Apparemment que vous n'y allez pas pour lui dire que je le hais : mais vous avez plus de malice que d'ignorance.

Lisette : Je lui ferai donc entendre que vous l'aimez ?

Lucile : Oui Mademoiselle, oui, que je l'aime. [...] vous êtes fille d'esprit, vous pénétrez les mouvements des autres ; vous lisez dans les coeurs ; l'art de les persuader ne vous manquera pas, et je vous prie de m'épargner une instruction plus ample. Il y a certaine tournure, certaine industrie que vous pouvez employer : vous aurez remarqué mes discours, vous m'aurez vue inquiète, j'aurai soupiré si vous le voulez. Je ne vous prescris rien. Le peu que je vous en dis me révolte et je gâterais tout si je m'en mêlais. Ménagez moi le plus qu'il sera possible. Cependant persuadez Damis ; dites lui qu'il vienne ; qu'il avoue hardiment qu'il m'aime ; que vous sentez que je le souhaite ; que les paroles qu'il m'a données ne sont rien ; comme en effet ce ne sont que des bagatelles ; que je les traiterai de même ; et le reste. Allez, hâtez vous ; il n'y a point de temps à perdre. Mais que vois je ? Le voici qui vient. Oubliez tout ce que je vous ai dit".

À la fin, elle conduit Damis près de Lucile, elle lui ordonne de fléchir le genou devant sa sœur, et les force de convenir qu’ils s’aiment.

Le sujet des Serments indiscrets a été rapproché de celui des deux Surprises de l’amour, mais Marivaux l’a réfuté écrivant : Dans les deux Surprises de l'amour, « il s’agit d’amants qui s’aiment sans s’en douter, et qui ne reconnaissent leur amour qu’au moment où ils se l’avouent. Dans les Serments indiscrets, au contraire, les personnages savent fort bien qu’ils s’aiment ; mais ils ont juré de ne pas se le dire, et ils cherchent comment ils pourront s’expliquer sans se donner un démenti. »

Lorsque les Serments indiscrets furent représentés à la Comédie-Française, il faisait chaud, le public s’impatienta, et la cabale aidant peut-être, le cinquième acte fut à peine écouté. Cependant, aux représentations suivantes, la pièce fut écoutée avec faveur. Elle valut également à son auteur nombre d’épigrammes. Cette pièce bien conduite, où l’action ne languit pas un moment, était une de celles que Marivaux aimait le mieux. Lors d’une reprise qui eut lieu plus tard, il refusa, bien qu’il eût corrigé volontiers d’autres pièces, d’y apporter aucune modification, mais il se le tint pour dit et ne fit plus de pièce en cinq actes.

J'aime Marivaux car c'est à la fois profond, humoristique et gai ! Ca doit être le seul vrai auteur qui arrive à parler du bonheur, du sentiment aussi bien que du désordre amoureux tout en amusant tout le monde. Kundera lui arrive un tout petit à la cheville comme dans la valse aux adieux mais on touche moins au bonheur. Marivaux est un des seuls grand auteurs qui arrive à parler du bonheur.

Des auteurs tragiques peuvent être très drôles comme DostoÏevski mais le fond de la pensée reste pessimiste : on rit beaucoup en lisant l'Idiot qui est une oeuvre profondément triste. Seul Marivaux a un fond de pensée optimiste sans tomber dans le vaudeville mais en parlant de choses profondes et actuelles : le bonheur et l'amour, d'une façon légère et profonde à la fois !! Mozart est l'équivalent de Marivaux pour la musique.

D'ailleurs il faut remercier très chaleureusement A.Kechiche pour son film l'Esquive qui montre la brulante actualité de Marivaux en faisant jouer Le jeu de l'amour et du hasard dans une classe d'une cité, où la scène de théâtre n'est que le reflet des sentiments des jeunes de la banlieue à travers leurs déchirements et leurs amours, leurs fiertés ... magnifique oeuvre là aussi, qui surtout montre l'actualité et la grandeur de Marivaux !! Un vrai coup de génie !!

Deux videos et une interview magnifique de Kechiche (c'est la première fois que je le vois : il y avait déjà rym et sur mon blog - j'aime beaucoup ce cinéaste) et de S.Forestier.








J'avoue il y a eu beaucoup de jubilation à écrire cet article !!

Du nouveau dans la musique de JF ...



Finistériens ... Moi aussi, profondément.

Des routes qui semblent destinées à se croiser, des chemins de traverse qui finissent par se rejoindre.

Deux parcours bien singuliers, qui ont fini par déboucher sur une étape partagée.

Des brumes sonores tissées par Yann Tiersen, à la fois drues et aériennes.

Un mec bien quoi !

Des citations du nouveau site et un nouvel album pour Miossec : la suite c'est ici : www.christophemiossec.com

Un Miossec aérien grâce à Tiersen, un beau produit fini. Ils ont commencé par A Montparnasse qui me semble en effet une des plus belles chansons de l'auteur

Un titre qui leur va bien ! Je sais, je sais, pas très gai, mais c'est ... finistérien, comme moi ! Brest, quoi !

Portishead :deux bonnes nouvelles :

Geoff Barrow a créé un nouveau groupe Beak, à suivre : de la bonne musique mais comme il n'y a pas de voix digne de nom sur cet album cela reste très ... instrumental ! Il lui faudrait trouver une autre voix que celle de Beth Gibbons s'il veut recréer un autre univers, le sien.

geoff-barrow's-new-band

Et surtout, la musique du film l'Annulaire, paru en 2005, et qui était passé inaperçu à mes yeux : or Beth Gibbons a composé la musique et c'est une vraie belle réussite, proche de Portishead. Merci à l'internaute, qui a retrouvé ces bandes sonores dans les arcanes du net : Beth Gibbons

Ecoutez notamment les passages Beth Gibbons-L'annulaire et le morceau n°1

Du coup, j'ai cherché la bande annonce du film, qui a de bonnes critiques et que je vais chercher à voir, d'autant que les films dérivés de romans japonais ou asiatiques (comme la forêt de Mogari) par exemple, s'ils sont étranges, me plaisent beaucoup.

Et là voilà :



Avec de bonnes critiques : critiques de presse

Et les bonnes critiques des spectateurs :
critique du public

Vivement que je le voie : si les yeux sont aussi envoutés que la musique ne me transporte, çà doit être superbe ! J'ai déjà envie de l'aimer ce film !

Enfin j'ai découvert le microblog tumblr ilovestvincentqui permet de mettre avec un minimum de commentaires des images et videos d'un artiste : très minimaliste comme épure, mais cela va très bien pour faire ressortir la beauté de Saint-Vincent !Elle est très à son avantage sur ce blog avec beaucoup de photos et de videos inedites ! çà se feuillette comme un album ! Un vrai plaisir...allez trois photos pour vous concaincre d'y faire un tour :



lundi 17 août 2009

Saint-Vincent à la Route du Rock


Saint-Vincent est venue à la Route du Rock : 2ème concert de l'année en France !

45 minutes filant comme l'étoile filante dans le ciel !

St__Vincent_en_direct_de_la_Route_du_Rock

On peut me voir avec un talent certain pour l'observation microscopique sur la video. Indice je porte un haut exactement de la même couleur qu'Annie Clark (!!!) et suis situé devant à gauche en regardant la scène.

J'ai passé le reste du temps et des concerts insipides qui lui ont succédé, à attendre une dédicace pour laquelle elle ne se présentera pas !

Mais qu'importe j'ai eu l'occasion de la revoir et je n'aspire qu'à une chose : son troisième concert, chose rare et précieuse.

Qui plus est, elle a délivré en ce temps minimal quelques unes de ces splendides chansons (Marrow pour finir mais aussi Black Rainbow, The Party en commençant par Jesus saves, I spend ...); il manquait juste ma chanson préférée, Paris is Burning.

Quelques accords agressifs pour le live par rapport à l'intimité de l'album, prestation classique de sa part.

J'aime cette vidéo car on sent la fragilité de la chanteuse, son authenticité ! Et les gros plans montrent particulièrement la belle expression de son visage.

PS : Saint-Vincent, Mai ou Sophie Hunger débutent toujours les concerts, abonnées aux premières parties. Mais je persiste et signe pour les trois : leur talent est indéniable et leur musique continuera de m'accompagner.

Les contradictions et l'histoire

Suite du voyage avec Giuseppe Rensi :

Si tu adoptes leur point de vue, si, susceptible de revivre en toi, jusque dans sa source et dans son motif essentiel, une autre vie et une autre pensée telles qu'elles sont (c'est-à-dire sans les transfigurer dans les tiennes, comme ont l'habitude de le faire des penseurs très en vue parmi nous), tu te laisses aller à la sympathie envers ce penchant de pensée auquel tu te présentes ; si tu agis ainsi, ne sens-tu pas que toutes ces intuitions contraires s'ordonnent parfaitement, et que tous ces philosophes qui s'opposent ont, de fait, tous également raison ? Que signifie le fait que non seulement chaque système philosophique propre incarne une intuition différente, mais de plus, que nous, humains, pour ce qui constitue notre vie profonde et véritable, en art comme en morale, en religion comme en politique, nous pensons différemment, nous avons des points de vue antithétiques, nous possédons en propre un univers spirituel exclusif, et d'autant plus spécifique et distinct que la civilisation progresse, de sorte que, désormais, si sur tel élément nous pouvons nous accorder avec un tel et sur tel autre élément avec tel autre, dans son ensemble indissociable, nous ne sommes plus d'accord avec personne ? Plus encore, que signifie le fait que non seulement nous ne sommes pas d'accord entre nous, mais encore que nous ne sommes pas d'accord en nous- mêmes ; que, comme on dit, la pensée évolue, et que nous ne pensons plus aujourd'hui ce que nous pensions hier, nous ne considérions plus comme vrai ce qui nous semblait tel hier ; que chacun de nous se contredit lui-même à mesure que le temps passe ? Que signifie, par ailleurs, le fait que chacun de nous se contredit non seulement à mesure que le temps passe, mais sur le moment même ; que non seulement l'homme du commun conserve dans sa conscience l'un à côté de l'autre, parce qu'il ne les analyse pas, des éléments contradictoires, des opinions religieuses qui jurent entre elles ou avec ses convictions scientifiques, ou pratiques, des opinions politiques qui s'affrontent l'une l'autre ou entrent en confit avec les convictions morales ou économiques, et que même celui qui fait profession de penser et de coordonner en un tout systématique les pensées, le philosophe, s'il est un penseur riche et vivant, se contredit lui aussi ? Car il n'est de grand philosophe, et pas même de philosophe de quelque importance, qui n'ait fait preuve d'indéniables contradictions ; et celui en qui les autres n'ont pu les découvrir ou qui ne s'en est pas préoccupé, se rend compte aussi, en parcourant d'un seul coup d'œil, et avec la parfaite connaissance intérieure de sa propre facture, son système, qu'il y a placé (s'i1 a pensé avec passion et sincérité et en ne se préoccupant que de vivre sa pensée) des éléments contradictoires qu'il pourrait, certes, supprimer, mais seulement au prix de supprimer aussi ce qu'il perçoit comme vérité, et qu'il ne veut donc pas éliminer parce qu'il sent que tous, pour contradictoires qu'ils sont, correspondent à des vérités, et que, s'il sacrifiait l'un ou l'autre, il sacrifierait des vérités. On peut même dire que le fait qu'il y ait ou non des contradictions chez un penseur fait la différence entre celui qui pense par besoin de penser et celui qui pense pour faire des livres. Ce dernier, qui ne se sent responsable que vis-à-vis de son système, évite les contradictions, comme il est bien aisé de le faire, c'est-à-dire en taisant ou supprimant tous les développements de sa pensée, bien réels pourtant, qui se profilent bel et bien aussi dans son esprit, mais ne sont pas entièrement compatibles avec l'idée qu'il a voulu placer au centre de son système. Mais le premier se préoccupe uniquement de faire de sa pensée un baromètre sensible qui varie selon la pression tout aussi variable et multiforme de la réalité, ou en d'autres termes, de faire en sorte que sa pensée forme et voie librement surgir en lui, selon le mouvement incessant de son flot, une Image de la réalité. Et donc se contredit.

Je me contredis ? Pour sûr.
Pourquoi t'en étonner?
Ne sommes-nous point nés
du doute et du parjure ?

Ne sais-t'u pas (ô doux mystère !)
que la contradiction
c'est l'âme, la raison,
la vie du monde tout entière ?

Etre unique et multiple à la fois,
incohérent et harmonieux,
consiste à recréer en soi
un univers des plus glorieux.

A.Graf, Mi Contradicco ? In Rime della Selva

l'histoire est elle-même uniquement formée par une synthèse sélective, pour laquelle certains faits présents sont préférés à d'autres, sont investis de valeur et s'enchaînent en un ensemble constitué lui aussi par l'intermédiaire d'un jugement de valeur et d'une référence à des valeurs, alors que dans la réalité historique demeurent d'autres faits et enchaînements de faits en nombre infini qui étant donné une différente attribution de valeur, deviennent l'histoire, eux plutôt que ces autres , de même tout système n'est que la sélection d'une ligne de pensées s'enchaînant entre elles, d'une ligne de pensées articulées entre elles parmi de très nombreuses autres lignes différentes, toutes existantes et présentes dans le royaume mental génèral, tout comme celle qui a été choisie. Comme une mélodie qui se déroule logiquement à partir d'un motif initial choisi, et étant donné ce choix, parallèlement à d autres mélodies possibles, étant donné le choix d un motif initial, différentes et présentes et existantes dans le champ musical général.

De sorte que tous les systèmes philosophiques sont vrais n'y comme sont vraies toutes les mélodies différentes, et tous ces différents développements de thèses. Et le même individu peut donc légitimement construire les systèmes philosophiques les plus opposés, tout comme le même musicien peut couvrir de notes les thèmes musicaux les plus disparates.

Mais que signifie, alors, l'existence des contradictions ? Et que signifie cet autre fait selon lequel il y a une histoire, c'est à-dire un processus, un progrès, un changement ? Que l'on y prenne garde : ces deux faits se réduisent au fond à un seul. Qu'est-ce que l'histoire, en effet, sinon la contradiction, la série des contradictions ? L'histoire n'existe que parce que chaque jour est différent de la veille et chaque lendemain différent de chaque jour, donc que chaque jour contredit chaque veille et chaque lendemain contredit chaque jour. L'éternellement différent de ce qui, à chaque moment, est, c'est-à-dire l'éternel changement et contradiction de ce qui est : voilà le principe de l'histoire. Il y a histoire parce que les hommes se contredisent, pensent différemment, sont en désaccord et continuent de réaliser dans les faits des opinions différentes de celles réalisées peu auparavant ; parce que chaque opinion qui se réalise dans les faits projette, face à soi, un désaccord qui veut à son tour se réaliser à la place de l'autre, et il y parvient tout en donnant naissance pourtant à un nouveau désaccord qui, à son tour, veut se traduire en fait, et ce faisant, engendre et accroît et fortifie une nouvelle opinion différente qui par la suite deviendra un fait ; et ainsi jusqu'à l'infini. Contradictions et histoire sont unum et idem (une seule et même chose) .
Quelle est donc la signification des contradictions et de l'histoire ? la signification que nous en donnons, disais-je, est celle qui, à propos de chaque autre chose, révèle ce que nous sommes.

Il ne peut plus donc s'agir simplement, selon moi, de démontrer, parce que rien ne se démontre dans le domaine de cette intuition individuelle de la vie qu'est la philosophie (laquelle, de fait, devrait une bonne fois pour toutes déposer le masque de la science, et se reconnaître comme la poésie des concepts), mais de chercher à faire percevoir avec cette même perspicace vivacité qui est en moi cette signification dont, dans la lumière crue où je me suis toujours davantage immergé, je vois ces deux faits des contradictions et de l'histoire qui donnent véritablement accès à ce que l'on nommerait interiora rerum (l'intérieur des choses).

Rensi ou la philosophie de l'absurde

La philosophie de l'absurde est le titre d'un livre que Rensi réédita en 1937, corrigé et augmenté et qui avait paru pour la première fois en 1924 sous le titre plus autobiographique de Interiora Rerum.

Si J'aime ce livre, c'est que Rensi a une vraie réflexion sur les sentiments humains, l'histoire en partant des contraditions qu'il assume au lieu de les relativiser comme les deux faces d'une même médaille. C'est aussi un penseur libre qui s'est abstrait des systèmes philosophiques en vigueur pour “penser par lui-même”. Et si son pessimisme est évident, j'ai envie de dire qu'il n'est pas l'essentiel. Condamné à n'être qu'une théorie minoritaire – ne recherche-t-il pas d'ailleurs autre chose que ses semblables à travers la parution de ses ouvrages – il ne se départit jamais de son humour (cf. Plus bas la phrase lors de son arrestation) à l'image des romans de Dostoïesvki où on ne rit jamais autant que lorsque cela est tragique. Surtout je crois à sa thèse, notamment à la conception de l'histoire (qui rejoint celle de l'histoire-chaos développée par Walter Benjamin au moment de 1940. Quelle gageure d'avoir fait de l'absurde le principe de connaissance philosophique et de réhabiliter les vaincus de l'histoire ...dont la thèse n'était pas plus faible du fait qu'ils ont été vaincus. Gageure réussie brillamment. Un vrai plaisir intellectuel à le lire...

Voici quelques extraits épars pour vous aider à mieux le comprendre ...

Rensi s'appuie comme les sceptiques de l'antiquité sur l'argument tiré des contradictions humaines et dans tous ses livres dresse l'une contre l'autre des thèses également soutenues par des esprits de bonne foi. Il le fait avec une érudition qui rend ses oeuvres touffues, avec une vivacité de polémique qui rappelle sa carrière d'avocat et de journaliste. Le plaisir qu'on prend à leur lecture a pour contre-partie la peine qu'on a à les résumer. Et même l'on peut craindre que cette prétention ne les défigure. Quoi qu'il en soit, et pour faire bref, on peut dire que Rensi soutient contre Hegel et les néo-hêgéliens que tout ce qui est réel est irrationnel et que les causes perdues avaient autant le droit de leur côté que les causes gagnées.

La justesse du point de vue développée ici ne peut être perçue par les vainqueurs. Ce n'est pas aux vainqueurs mais aux vaincus, aux seuls adeptes de toute idée au moment même où elle est vaincue que la justesse de la conception que je veux illustrer peut se dévoiler. C'est lorsque l'homme voit que son idée s'effondre et que triomphe l'idée contraire à ses plus profondes convictions (l'absurde donc), que le voile de Maya se déchire et met à nu l'irrationnalité du monde. Ce n'est pas lorsque les Hébreux tenaient tête aux légions de Titus depuis les hauteurs du temple de Jérusalem, sûrs que Yaveh leur donnerait la victoire, mais lorsqu'ils virent les flammes qui dévoraient le temple qu'ils purent voir la vérité.

S'élever au niveau de compréhension de tel ou tel des systèmes qui font rage de nos jours, dans lesquels tout est expliqué et ordonné de manière satisfaisante, comme le sait pertinemment celui qui a atteint un tel niveau. Quoi qu'il en soit, il est bien évident qu'il suffit de peu de temps pour qu'un évènement succédant à l'autre, porteur d'une expérience plus enrichissante et plus mûrie, ouvre finalement les yeux de celui qui juge aujourd'hui, comme soudainement éclairé : mais regarde un peu ! qui l'eût crû ? [...] C'est le processus par lequel nous passons tous …

Une philosophie négative ne devient jamais officielle, ne fait jamais autorité, ne s'intègre jamais dans le cadre ou dans les séries des doctrines acceptées, celles dont la parole a du poids, exerçant aussi son influence dans les domaines littéraire, politique et social, suscitant des disciples, des commentateurs, des représentants, des praticiens ? Ne sais jepas que cette moisson ne profite qu aux philosophies du oui qui justifient (au moins en dernier recours) les choses, le monde, la vie ? Ne sais-je pas que le seul fait qu'une philosophie contienne telle ou telle justification des choses, donne aux hommes le courage de l'enseigner, tandis que nier une telle justification confère à telle autre un caractère de reproche ou d'impossibilité ? Ne sais-je pas encore, qu'appuyant sa réputation sur une coutume aveugle d'admiration passant aveuglément d'une génération à l'autre, seul celui qui a été suffisamment malin pour s'assurer les applaudissements de ses contemporains peut, selon toute probabilité, compter sur ceux de la postérité, tandis qu'au contraire, celui qui a provoqué le mécontentement, l'antipathie, la colère violente et tonitruante des intrigants, des arrogants, des influents de son siècle, peut être assuré que leurs dénigrements tapageurs joueront en sa défaveur et entacheront d'ombre jusqu'à son nom pour l'avenir? Bref, que la justice de l'histoire n'est qu'illusion

Je ne veux pas cacher, toutefois, qu'il se pourrait que d'autres expériences qu'il m'a été donné de vivre dans le domaine de la pensée politique et sociale aient contribué à former en moi cette conception non rationaliste et pessimiste. Comme tout le monde ou presque, j'ai changé d'idées mais à la seule différence, significative, que la plupart ont changé de façon à se trouver du côté de la cause triomphante et que, pour ma part, j'ai changé au prix même de me trouver du côté de la cause toujours vaincue ; ainsi se trouve-t-il que dans ce domaine j'ai toujours vu triompher l'absurde (en tant qu'il est ce qui contrarie nos idées).

Pour m'excuser de présenter un livre qui pour ne contenir ni déclamations ni dithyrambes, ni lyrisme, pour n'être ni joyeux, ni bruyant, ni drôle est ainsi unzeitgemass (intempestif), je voudrais formuler à mon tour mon petit “et pourtant il tourne”. Je ne tire aucun plaisir du déplaisir causé à mes semblables, aucun plaisir à les heurter, les importuner ou les mécontenter ; je voudrais pouvoir énoncer des vérités qui pussent les rendre heureux et sereins et qui convinssent à leur esprit. Mais hélas les choses sont elles que je les décris.

En réalité un petit nombre de personnes sensées le percevront comme la véritable réflexion philosophique de l'époque, comme notre époque même transcrite directement en langage philosophique. Et lorsqu'on considérera que les pensées contenues dans ce livre furent énoncées par moi dès 1924 dans un volume intitulé Interiora Rerum, et combien d'affirmations philosophiques, de pessimisme et d'irrationalité notre époque a suscitées dans les autres pays depuis, on conviendra peut-être que j'ai été en cela un précurseur, un des premiers qui ait su se faire la voix philosophique de l'époque, et il s'en faut de peu pour que je dise, en voyant à quel point, depuis lors, les faits m'ont donné raison et continuent de me donner raison que je suis quasiment un prophète.

Je considère l'impression de mes pensées – la publication de mes livres – uniquement comme leur belle copie, dans laquelle j'ai plaisir à les voir transcrites. Je suis satisfait qu'elles me satisfassent, parce qu'elles sont l'expression de ce que je pense, et heureux même si au delà de tout ce que je peux attendre, elles suscitent tout au plus un simple signe amical en quelque esprit rare, proche ou lointain, qui se trouve être dans la même tonalité que moi.

En 1930, Rensi fut lui aussi arrêté avec sa femme. Convaincu qu'il ne réchapperait pas de son incarcération, il écrivit à sa fille que son pessimisme n'avait rien donc d'excessif mais n'était que le signe amer de la grande justesse de ses prédictions”. Il ne dut sa libération qu'à la publication, par ses filles et quelques uns de ses amis d'un faux faire part de décès dont la presse étrangère se fit largement l'écho. Mussolini, jouissant encore à cette époque d'une bonne réputation internationale, préfèra faire libérer ce prisonnier par trop voyant. Rensi fut alors définitivement interdit d'enseignement et vécut comme un exilé dans son propre pays jusqu'à sa mort en 1941.
Ernesto Rossi, autre opposant libéral au régime déclarera en 1938, après huit années passées en prison que la philosophie de Rensi était la seule capable de “comprendre l'absurde et horrible condition historique”.

Vous réentendrez parler de Rensi sur ce blog, pour détailler sa démarche notamment sur la contradiction et l'histoire.

vendredi 14 août 2009

Edvard Munch











J'ai eu la chance après l'exposition consacrée à Munch à la fondation Beyeler à Bâle en 2007 de visiter le musée Munch à Oslo début juin 2009 pour ma seule demi-journée de présence dans la capitale norvégienne. Je suis marqué par ce peintre, si différent des autres.




Sa mère meurt de tuberculose alors qu'Edvard n'a que cinq ans. Celui-ci est aussi de faible constitution, mais c'est sa sœur aînée Sophie qui est la victime suivante de la phtisie (une des formes de la tuberculose). Une plus jeune sœur est rapidement diagnostiquée comme souffrant de « mélancolie » (aujourd'hui dépression). Des cinq enfants seul son frère Andréas se marie, mais il meurt quelques mois après son mariage

En 1885, Munch effectue un court séjour à Paris. Cette même année il commence son travail sur un tableau décisif l'Enfant malade. Là il rompt radicalement avec un réalisme que l'on voit comme un motif en lui avec Christian Krohg. Pour Munch, il s'agit de sa sœur Sophie. Il travaille longtemps sur ce tableau, à la recherche d'une première impression et d'une expression picturale satisfaisante pour transcrire une expérience personnelle douloureuse. Il renonce à l'espace et à la forme plastique et opte pour une composition rappelant une icône. La surface du tableau montre les signes d'un processus créatif difficile. La critique est très négative :









La plus belle galerie video de ses oeuvres sur fond musical :


Un autre fan dont je vous conseille très vivement le site, très important et très réussi, car il reprend les différentes versions de Munch sur un même tableau comme l'Enfant malade ou la séparation ...C'est fondamental pour l'oeuvre de Munch car ce n'est pas toujours la même version qui vous émeut le plus... Par exemple sur la séparation, j'aime mieux le tableau où les cheveux de la femme restent emmêlés sur le corps sombre de l'homme. Et vous pouvez vous essayer à la variation du même sentiment au fur et à mesure des oeuvres.






Quelqu'un qui a bien compris Munch :



La plupart des analyses sur Munch même si elles sont brillantes ne choisissent pas les bons angles d'attaque et font de Munch un symboliste universel sans faire comprendre en quoi Munch est universel car autobiographique : et à force d'insister sur la mort et l'abstraction, ils oublient de préciser que la jeunesse de Munch n'a pas été que malheureuse, la passion amoureuse a aussi fortement dominé toute son oeuvre, bien autant et même plus que le désespoir. Je trouve que la plupart du temps, les analystes indiquent un désespoir métaphorique et non pas en rapport avec sa vie (cf. les tableaux sur la jalousie, le portrait de l'enfant malade et sa soeur …), à tort.

Je suis par exemple bien plus en accord avec cette définition de son oeuvre et de ses inspirations : "Né d'une famille de la petite bourgeoisie décimée par la maladie (il faillit lui-même mourir dans son enfance), Munch est un garçon solitaire, qui va vite fuir les valeurs moralisatrices de sa famille et de sa Norvège natale pour celles bien plus émancipées d'un cercle d'intellectuels menés par Hans Jaeger. Là, il rencontre Mme Heiberg, une femme mariée avec laquelle il vivra une histoire passionnée. Avec une délicatesse et une sensualité qu'on ne lui connaissait pas, Watkins fait de cette liaison, ainsi que des deux morts qui frappèrent l'enfance de Munch - celles de sa mère et de sa sœur - des leitmotivs psychiques hantant l'imaginaire du peintre."





Autre critère essentiel quand on appréhende Munch : ne pas seulement retenir un ou deux tableaux, trop souvent résumés au seul « Cri » : 10 à 15 oeuvres de lui restent pour moi des chefs d'oeuvre universels où il fait passer des sentiments que tout le monde pourra comprendre et qui font appel à la sensibilité. Vous trouvez ici ceux qui m'ont le plus touché : on y parle amour, jalousie, solitude, vivre ensemble, fraternité envers sa soeur malade. C'est pour cela qu'il est universel et aussi contemporain, le seul Norvégien à avoir exercé une influence mondiale car son langage est universel.






Sinon :

Le site en anglais consacré à l'artiste avec de nombreuses galeries de photos (un peu petites, il est vrai) : site anglais consacré au peintre

Une autre galerie pas mal du tout avec une musique de Rachmaninov particulièrement bien choisie : seconde galerie video

Mes thèmes préférés

Rokia Traore - Un cri d'amour pour l'Afrique

Irma vep

Irma vep
Maggie Cheung

Mes citations

"Le bien suprême était là, dans le cercle des choses et de la nature humaine.
Je ne demande plus où il est : il fut dans le monde, il y peut revenir, il n'y est maintenant qu'un peu plus caché. Je ne demande plus ce qu'il est : je l'ai vu et je l'ai connu."

Hölderlin, Hyperion



"Dans tes faux-fuyants,
Les crimes ont été escamotés
Dans un endroit
Où ils peuvent oublier"

Portishead



"Je suis d'une morale douteuse : je doute de la morale des autres"

Marguerite Duras



Je suis bourré de condescendances
Pour mes faiblesses si dures à avaler
Ce qui fait que je flanche
Quand on essaie de m'apprécier

Miossec, le chien mouillé (en silence)