lundi 28 avril 2008

Portishead - Nylon Smile

Un nouveau bijou de Portishead

http://fr.youtube.com/watch?v=rrkYC_g0GHs

Nylon Smile : la voix de Beth est à contretemps jusqu'au refrain.

Un album expérimental. Je plane.

Il faut écouter plusieurs fois et je plonge de plus en plus profond.

Portishead n'a pas voulu faire comme avant et faire quelque chose d'unique dans la musique actuelle.

Réussi et la signature sonore rappelle Portishead : nombreux sont les fans qui vont suivre le nouveau chemin imprimé par le groupe de Bristol, après l'avoir écouté plusieurs fois. La cohérence est nouvelle.

Voir la très bonne critique de France 3 (comme quoi) sur l'album dans mes liens préférés

Condamné à appuyer sur la touche repeat de mon lecteur pour de nombreux jours

Les paroles rappellent la chanson rappelle "Nobody loves me". Les pessimistes ont encore de beaux jours devant eux, avec une telle maestria de noirceur

La voix de Beth est toujours aussi .... Envie de l'embrasser à l'entendre cette voix qui en même temps fusille de douleur!! De la folie pure !

Eux seuls le font ! Apnée ! Plongée

Vivement les concerts de Paris et Bruxelles : je commence à être fiévreux. Je sais qu'on va être en transe. Les 6 et 8 mai vont être terribles.


dimanche 27 avril 2008

Deux citations dans l'oeuvre de Tarkovski

Oute la citation issue de Stalker, que j'ai déjà mentionnée, dans le commentaire du film, j'insère dans ce message deux autres références à des oeuvres russes dans l'oeuvre du cinéaste : une citation de Pouchkine et une autre d'Arseni Tarkovski, son père, qui était un poète renommé :

Citation de Pouchkine dans son film "Le Miroir" (Zerkalo) :

« La séparation des églises nous coupa de l'Europe. Nous n'eûmes part à aucun des grands évènements qui la bouleversèrent par la suite. Mais nous possédions notre vocation singulière. La Russie et ses immenses espaces absorba l'invasion tartaro-mongole. Les Tartares n'osèrent pas poursuivre au-delà de nos frontières occidentales. Ils se retirèrent dans leurs déserts, la civilisation chrétienne fut sauvée. Mais pour remplir cette mission, nous devions mener une existence spécifique qui, tout en nous préservant en tant que chrétiens, fit de nous des étrangers au monde de la chrétienté.

Pour ce qui est de notre insignifiance historique, je ne saurais être d'accord avec vous. Vraiment, vous ne voyez rien de considérable dans la situation actuelle de la Russie, susceptible de frapper l'historien de demain ? Bien qu'attaché de coeur au souverain, je suis loin d'être enthousiasmé par tout ce que je vois autour de moi. En tant que littérateur, je m'irrite, je suis offensé, mais, parole d'honneur, pour rien au monde je ne voudrais changer de patrie ou avoir une autre histoire que celle de nos ancêtres, telle que le seigneur nous l'a donnée ».

Lettre de Pouchkine à Tchaadaiev, le 19 octobre 1836.

Dans le Miroir, Tarkovski cite cet extrait de Pouchkine à travers la bouche de l'enfant, héros principal du film : il cite Pouchkine pour montrer les liens avec l'Europe et la définition particulière de la place de la Russie dans le monde, sa voie singulière, qui fait qu'elle est et se pense différente.

Il cite à ce titre le plus glorieux des écrivains russes, le plus apprécié en Russie, admiration et reconnaissance qui touchent toute la population russe, dans toutes ses composantes ou presque (communistes excepté). Avec cette façon de jouer de l'histoire comme d'un événement d'avenir, sous forme interrogative, (vous ne voyez rien de considérable dans la situation actuelle de la Russie, susceptible de frapper l'historien de demain ?)qui est très peu fréquente. Et cette mission particulière de la nation russe, reliée à la religion orthodoxe.

Récit d'un poème d'Arseni Tarkovski dans Stalker :


Voici que l'été est passé
Autant dire un mirage
Au soleil il fait bon
Mais on en voudrait davantage

Tout ce qui devait arriver
Comme une feuille échancrée
Est tombé sur ma page,
Mais j'en voudrais davantage

Ni le mal, ni le bien,
Rien ne s'est perdu en vain,
Tout à fait flamme claire et sage,
Mais j'en voudrais davantage.

La vie m'a accueilli sous son aile,
Pour me garder et me sauver.
Et c'est vrai que j'ai évité le naufrage,
Mais j'en voudrais davantage.

Pas de feuilles brûlées,
Pas de branches brisées,
Un jour propre comme le vitrage,
Mais j'en voudrais davantage.

Fils du poète Arseni Tarkovski, Andréi Tarkovski cite un poème de son père dans Stalker : la diction russe est très importante pour apprécier l'oeuvre et mélodieuse : la seule façon d'avoir un rendu parfait est de visualiser Stalker. Je n'ai malheureusement pas retrouvé l'extrait concerné sur You Tube.


samedi 19 avril 2008

Les films que j'ai vus récemment :

Ces 4 films ne sont pas mis dans la liste des films préférés car je les ai vus ultérieurement : deux sont en passe de rejoindre cette liste quand je vais l'actualiser :

la graine et le mulet :

Attention cet extrait raconte trop précisément à mon goût l'histoire pour être un teasing :



Un film plein d'humanité sur la solidarité d'une famille arabe. Kechiche établit ce film en mémoire de son père. Kechiche n'est cepandant pas complaisant envers cette famille. Il montre les points positifs mais aussi la solidarité qui s'exerce à l'encontre d'autres personnes, quand bien meme celles-ci sont en droit de réclamer la justice envers l'un des leurs. Mais cette unité de la famile arabe va même s'étendre par amour pour le personnsage principal Slimane (dont c'est le premier rôle au cinéma en tant qu'acteur !) jusqu'à unir deux familles rivales dans le même souhait de voir s'exaucer le rêve de ce dernier d'ouvrir un restaurant. Grand film : on peut faire un film à suspense de plus de deux heures autour d'une graine de couscous ! Pas besoin de faire un film américain violent pour ce faire !

http://www.pathedistribution.com/accueil/filmavenir.php?IDFilm=614

http://www.rue89.com/2007/12/11/la-graine-et-le-mulet-kechiche-signe-un-formidable-couscous

Extrait de Wikipédia :
La « graine » du titre est celle du couscous
Le « mulet » est un des poissons qui peut agrémenter le couscous dans la cuisine tunisienne.
Le film a été principalement tourné sur le port de Sète.
La très grande majorité des acteurs est constituée de non-professionnels. Dans une interview pour Les Cahiers du cinéma, Abdellatif Kechiche explique que ce parti-pris n'est pas un manque d'exigence : « Même ceux qui ne font pas ce métier je les ai choisis parce qu'ils avaient un don »
Le vol de la mobylette est une citation assumée du Voleur de bicyclette de Vittorio de Sica.
Le film est un hommage à la génération immigrée des « pères », qui sont venus en France pour travailler et qui se sont sacrifiés pour leurs enfants.

Hafsia Herzi a reçu le César du meilleur espoir féminin ;
Le film fut honoré des Césars des meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario original !! ainsi que lePrix spécial du jury (ex-æquo) lors de la 64e Mostra de Venise (2007).
Autrement dit ceux qui par le plus grand des hasards ne l'auraient pas vu savent ce qu'il leur reste à faire ...

L'enfance d'Ivan, film de 1962 de Tarkovski

Initialement, j'ai tout de suite pensé au début du film à Ivan le Terrible dont on allait surement nous raconter l'enfance. Le film en noir et blanc et le début guerrier m'y incitaient mais j'ai compris que la période était plus contemporaine ...

Ce film m'a enthousiasmé :il s'agit d'un jeune enfant russe dont par les rêves sur son enfance heureuse, nous allons pourtant deviner que ses parents ont été tués par les nazis. Le film fait des allers retours entre ces rêves merveilleux de beauté filmique : merci à Tarkovski pour cette façon de filmer le bonheur d'un enfant – et les passages de la vie réelle, où celui-ci, entêté et décidé à venger la mort de ses parents, part en éclaireur derrière les lignes ennemies allemandes.
La grandeur du gamin, la précocité de son âge adulte en raison de son expérience, le rêve de la petite fille qui a été son tout premier amour, tout cela fait naviguer entre un songe et le retour à un réel héroïque et douloureux, où seul son caractère têtu nous aide à sourire.
Film le plus accessible de Tarkovski et sans doute aussi le plus primé avec raison (lion d'or à Venise en 1962) : un film de l'histoire du cinéma. C'est un film qu'il a du reprendre en raison du renoncement du réalisateur à qui avait été confié l'oeuvre et alors que la moitité du budget avait disparu : il a su faire de ce minimalisme une force. C'était aussi son premier film : quelle maîtrise exceptionnelle déjà !
On distingue aussi la Russie de la boue, du dégel, de la raspoutitsa comme disent les Russes je crois et que ne connaissent pas les Occidentaux.

http://archive.filmdeculte.com/video/video.php?id=221
http://www.cineclubdecaen.com/realisat/tarkovski/enfancedivan.htm
http://cinemasansfrontieres.free.fr/spip/article.php3?id_article=41

Les deux films suivants sont disons plus intellectuels et toucheront moins le coeur: les qualités sont pourtant grandes :je les cite dans mon ordre de préférence :

Ran d'Akira Kurosawa

J'avoue que j'ai une petite faiblesse pour Kurosawa depuis Kagemusha (l'ombre du guerrier) et le film moins abordable Rêves qui est un film dont la narration lui tient à coeur. Ou aussi Madadayo, qui me fait sourire tellement la leçon de vie est formidable (un ancien professeur a pris le rituel à chacun de ses anniversaires que fêtent avec lui ses anciens élèves de dire à la mort tout haut : Pas encore prêt !!! Madadayo). Certaines scènes sont comiques à un point : notamment quand le professeur explique à ces élèves comment sa maison ne peut être cambriolée : et les élèves apprentis cambrioleurs pour la bonne cause de se moquer de leur maître vont tenter l'expérience et avoir une surprise disons à faire pouffer de rire un cambrioleur qui doit pourtant rester silencieux !!

Mais revenons à Ran qui se rapproche de Kagemusha ou des Sept samouraïs par le thème guerrier.

Un scène est pour moi magistrale dans Ran : quand le père et ancien chef du clan, abandonné de ses fils qui l'ont spolié, se réfugie dans les ruines d'un château qu'il avait fait bruler, dévastant une famille plusieurs années auparavant, et le sort amène à ce moment là en recueillement la fille de cette famille et son frère rendu aveugle de cette famille exterminée alors. Le fils n'avait eu la vie sauve que parce ses yeux avaient été brûlés par le chef du clan. La vue de cette fille et de son frère aveugle par sa volonté ont alors sur la fragile constitution du vieillard sénile que la trahison de ses fils confine à la folie un effet incantatoire : il se met enfin à reconnaître ses ruines et se croit rendu en enfer en voyant devant lui ses victimes ! Grand dans l'évocation de la douleur ! Il se met à fuir comme un fou, persuadé que l'enfer l'a accueilli.

Pas seulement un film sur la guerre mais sur le repentir, la folie, la faiblesse et la trop grande force, il s'agit en fait de l'adaptation du roi Lear de Shakespeare par Kurosawa.
http://www.tevader.com/forum/phpBB2/viewtopic.php?t=2699
http://www.utc.fr/~macret/cine/realisateurs/kurosawa/ran.htm
http://arcadiafalls.skyrock.com/

Pour la fiche complète du film :

http://www.abc-lefrance.com/fiches/ran.pdf

Enfin le dernier film approfondit ma connaissance de Tarkovski : j'ose à peine évoquer ce film qui va me faire passer pour l'intello de service : je me cache pour regarder ce genre de film où apparemment seul le réalisateur se comprend ! Mais j'avoue que j'ai apprécié ! A une heure où personne ne peut venir me dire : qu'est ce que tu regardes !

Stalker est une idée ébouriffante et intéressante, la façon de créer du suspense et de la science-fiction, plutôt du fantastique (qui s'insère dans le réel) et qui s'achève avec Tarkovski par une réflexion sur la destinée humaine. Il emmène des gens dans la Zone, lieu qui engloutit les humains et hautement protégé par la police.Le Stalker est un passeur clandestin pour cette zone auxquels des aventuriers, des scientifiques font appel pour se rendre là d'où on ne revient pas. Comment se comporter avec la Nature, quelle est notre rapport avec Elle, qu'avons nous fait et appris de tous nos échecs, bref, une large méditation philosophique, un rapport à l'eau et des images qui demandent l'apaisement avec la Nature, qui nous laissent sans voix (Tarkovski a une capacité filmique qui rejoint Kurosawa et les plus grands). Avec de longs passages méditatifs et d'autres où le réalisateur se reprend au jeu de l'attente devant l'inconnu (le passage dans le tunnel sombre où l'on peut mourir). Le personnage de Stalker (qui veut dire le passeur dans l'autre monde) est superbe : il doit beaucoup respecter la vie pour que la zone ne l'engloutisse pas et le tolère : il porte des valeurs humaines où seul l'échec prend une place primordiale : une vraie réflexion sur le malheur et le moyen de donner du sens à toute cette vie humaine. Quand épaulé par sa femme au retour, celle-ci l'allonge dans son lit pour qu'il se repose alors qu'il ulcère contre les gens qu'il fait passer et qui ne savent qu'être avidité, soif de curiosité malsaine. Surtout Tarkovski a le plan génial et affectif de clôre le film en faisant parler cette femme, la femme du passeur qui vit à côté de lui toute sa vie et qu'on aurait pu oublier dans tout autre film qui n'aurait pas su s'intéresser aux sentiments humains comme sait le faire Tarkovski : ce dernier a pensé à faire parler cette femme, soutien si discret de son homme.J'espère avoir su rendre à ce film son humanité, malgré ses quelques longueurs qui aident à nous plonger dans son monde ...
La présentation soft :
http://www.films-sans-frontieres.fr/detail.asp?idfilm=202
Une fiche où je me demande si on a vu le même film quant à l'interprétation :
http://www.cineclubdecaen.com/realisat/tarkovski/stalker.htm
Très intéressante analyse pour le rapport à l'eau qu'il faudrait creuser :
http://www.objectif-cinema.com/analyses/200.php
Au moins un avis qui a le mérite de l'humilité et de s'essayer réellement à une interprétation (quand la plupart des critiques ne comprennent pas mais veulent faire croire qu'ils sont au top, on a souvent droit à de la bouffonnerie creuse) :
http://lecinedeneil.over-blog.com/article-4224509.html
Un qui avait bien débuté son analyse mais qui a du finir par fumer un joint : entre les deux, une analyse sur la forme quand il sent qu'il va avoir du mal à dire quelque chose d'intelligent sur le fond : http://www.cof.ens.fr/cineclub/archives/1993-1994/stalker.pdf
Un très bon site de cinéma par un vrai cinéphile : shangols : je suis sûr qu'il a réussi avant même de lire sa critique :
http://shangols.canalblog.com/archives/2008/03/17/6274298.html
J'avais raison ! En plus il dit la même chose que moi sur les bouffons !

Bref, « film inclassable, imprévisible, poétique, mystérieux, lent. À voir ».
Pour le « A voir », je ne prendrai pas le risque de vous y forcer !

Je vous laisse avec cette réflexion iconoclaste de Tarkovski par rapport à notre société :

« Qu'ils deviennent aussi impuissants que des enfants
Car la faiblesse est grande
Et la force, insignifiante

Quand l'homme naît, il est faible et souple
Quand il meurt, il est fort et sec
Quand un arbre pousse, il est tendre et souple
Et quand il est sec et dur, il se meurt
La dureté et la force sont les compagnons de la mort
La souplesse et la faiblesse expriment la fraicheur de la vie
C'est pourquoi ce qui a durçi ne peut pas vaincre"

Je ferai un article sur les citations de Tarkovski car elles sont profondes qu'elles émanent de lui, de poèmes de son père ou de citations de Pouchkine, dans le "Miroir".


L'Ecole et la République : quels liens ?

Une armature conceptuelle très cohérente des liens entre l'Ecole et la République existe, qu'il faut remettre à jour pour mieux comprendre les enjeux d'aujourd'hui Pas pour prendre position mais pour savoir au moins d'où l'on part, ce qui facilitera les prises de position des uns et des autres. Même si vous verrez que la synthèse républicaine induit des choix, des pistes par rapport aux problèmes rencontrés actuellement. Mais les contextes sont également différents, il est vrai, par rapport à 1792 – 1793 !

Donc ce texte ne se veut pas la solution à tous les problèmes de l'Ecole et de la République, mais une « connaissance indispensable »,un bagage, (savoir d'où l'on vient) pour éclairer les soucis actuels.

C'est à cet effort méritoire que s'est engagé Charles Coutel dans son article «  La République et l'école : principes, problèmes, illusions ». C'est à cette merveilleuse défense d'une synthèse républicaine qu'il s'est attelé, à nous la rappeler. Et je le remercie de cet effort pour une si noble cause, de prime abord très lointaine pour nous tous ! Et puis je trouve qu'il l'a faite avec brio sinon je ne me serai pas amusé à réécrire son article !

La République et l'Ecole :

Trois courtes citations vont nous permettre d'engager une présentation :

« Il ne faut pas que l'instituteur soit dans la commune le représentant du gouvernement, il convient qu'il soit le représentant de l'humanité ». C.Péguy « De Jean Coste ».

« On enseigne dans les écoles primaires ce qui est nécessaire à chaque individu pour se conduire lui-même et jouir de la plénitude de ses droits » Condorcet « Rapport de 1792 »

« C'est dans le gouvernement républicain que l'on a besoin de toute les puissance de l'éducation » Montesquieu « Esprit des lois »

Une tradition unit ces trois citations : la Philosophie des Lumières (Montesquieu) lègue à la Révolution (Condorcet) puis à la Troisième République (Péguy) des principes et des valeurs. Des principes et valeurs dont l'importance explique l'attachement de la France à son Ecole publique. L'école ne saurait être une institution comme une autre : le sort de la République s'y joue.

a) une question préalable : comment assurer la liberté dans une démocratie ?

En 1789, avec la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, la Révolution fit le formidable pari que le peuple pouvait être son propre maître. En 1792, la proclamation de la République fit un pas de plus : le peuple peut quand il le souhaite réviser la Constitution et les lois. Mais comment être sûr que ces révisions seront des améliorations et non des régressions : c'est alors que le problème de l'Ecole (on disait alors l'instruction publique) prit toute sa valeur. Le philososphe Condorcet dès 1790 rappela que la démocratie sans la raison pouvait perdre le peuple : « sous une Constitution libre, un peuple ignorant est esclave ». Il situa même cette question sur le plan éthique : « Epuisez toutes les combinaisons possibles pour assurer la liberté ; si elles n'embrassent pas un moyen d'éclairer la masse des citoyens, tous vos efforts seront vains ». L'Ecole est donc un organe de la République : les enfants, futurs citoyens, quand ils s'instruisent, travaillent à l'amélioration future des lois : « éclairer les hommes pour en faire des citoyens » (Condorcet). En 1872, le philosophe J.Barni parlera de « république enseignante, institutrice de peuple ».

Ces formules inspireront l'oeuvre de J.Ferry.

b) Les principes et les valeurs de l'Ecole publique française

Par deux fois, avec la Première et la Troisième République, l'Ecole devint une réalité institutionnelle conséquente, organisée autour de principes régulateurs que la puissance publique tenta vraiment d'appliquer en suivant des plans précis. De ces élaborations, l'Ecole profite encore largement dans son organisation quotidienne, mais aussi dans les finalités qu'elle s'assigne.

Examinons ces principes :

L'Ecole républicaine s'adresse à tous les enfants et si l'obligation scolaire ne date, sur le plan juridique que de la Troisième République, on la trouve comme affirmation philosophique chez les révolutionnaires de 1792 : c'est le principe d'égalité scolaire.

L'institution scolaire, inspirée par l'égalité, sera gratuite : on lit dans le Rapport sur l'Instruction publique de Condorcet : « la gratuité de l'instruction doit être considérée surtout ans son rapport avec l'égalité sociale ». C'est le principe de gratuité.

L'Ecole républicaine reçoit donc tous les enfants mais elle n'a pas à accueillir les opinions religieuses des parents ou les idéologies dominantes de la société civile ; elle se doit d'enseigner les savoirs élémentaires : c'est le principe de laïcité. Du principe précédent découlera évidemment le principe de mixité.

A l'abri des enthousiasmes politiques et religieux, l'instruction s'adresse à la raison de chacun et le maître doit rendre compte de ce qu'il enseigne ; quand la raison s'applique aux savoirs, elle suit le principe l'élémentarité ; quand la réflexion s'applique à l'art d'enseigner, elle suit le principe d'exigence didactique : chaque maître devant être capable d'expliquer ce qu'il fait faire à ses élèves ; ce qui pose la question de la compétence scientifique des professeurs.

Par l'instruction, la raison de chacun s'éduque elle-même et il peut se constituer une opinion publique éclairée capable d'animer une vie politique. L'Ecole républicaine forme des citoyens mais elle ne veut pas embrigader ; elle souhaite appliquer l'esprit critique aux institutions publiques elles-mêmes : c'est le principe de citoyenneté éclairée ; on pourrait en trouver une confirmation dans la remarque suivante de Condorcet dans le premier mémoire sur l'instruction publique de 1791 : « Le but de l'instruction n'est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l'apprécier et de la corriger ».

Ce principe s'élargit lui-même et devient amour – et nous croisons de nouveau Montesquieu – de l'Humanité toute entière : c'est le principe d'Humanité, vers lequel faisait signe Charles Péguy. Ce dernier principe explique pourquoi l'Ecole républicaine se tiendra à bonne distance des idéologies de la société civile : cette ouverture à l'universalité de l'Humanité implique une relation critique avec les conditionnements socio-culturels subis, le plus souvent par l'enfant.

Tous ces principes formes une unité théorique et l'oubli d'un principe déstabiliserait le tout : ainsi remettre tant soit peu en cause la gratuité contredirait la laïcité, l'oubli de l'élémentarité rendrait vaine l'affirmation de l'égalité de tous les enfants postulée par l'obligation scolaire. Ces principes sont essentiels pour assurer le progrès des sciences et des techniques, et préparer chacun à son futur métier ; mais ils permettent aussi la perpétuation raisonnée du régime républicain et l'extension des Droits de l'Homme.

Des principes aux problèmes sous-jacents

Les principes constitutifs et fondateurs d'une théorie et d'une institution peuvent connaître deux destins : soit ils deviennent des slogans qui les coupent de leur contexte historique, politique et éthique, soit ils sont sans cesse reliés aux problèmes inauguraux qui les justifient et les expliquent.

Le rappel des principes à la lumière des problèmes à résoudre nécessite un effort critique permanent qui est difficile car il invite à se souvenir et à ne pas renoncer à soi ; or cette volonté de refonder sans cesse la République et l'Ecole peut cycliquement manquer.

Il convient en effet d'opérer un double geste que les philosophes des Lumières avaient envisagé et que les Révolutionnaires de 1789, et notamment Condorcet, ont effectivement réalisé : fonder conjointement la République et l'Instruction publique tout en garantissant leur autonomie et leur action réciproque. Ainsi la République se laissera critiquer par elle-même (les élèves futurs citoyens verront nos défauts et nos carences institutionnelles) mais à son tour l'Ecole s'inscrira dans un espace public et laïc qui en fera un organe de la République : indépendantes l'une de l'autre, la République et l'Ecole s'articulent et se présupposent l'une l'autre.

La République et l'Ecole : des problèmes inauguraux à résoudre sans cesse

L'héritage philosophique des Lumières

La philosophie des Lumières donne en héritage à la Révolution de 1789 un certain nombre de principes ordonnés dans des théories philosophiques argumentées : une partie des révolutionnaires va y puiser le courage et la cohérence requise pour réfléchir et instituer la République et l'Ecole.

Cinq grands principes émanaient des penseurs de la philosophie des Lumières ; ces principes pourraient se résumer autour de quelques affirmations qui unifiées allaient proposer une nouvelle perspective.

Le premier grand principe philosophique émancipateur fut celui de la perfectibilité dont l'origine est rousseauiste : les hommes font leur destin et rien n'est inscrit d'avance ; la raison humaine se développe et, contre tous les fatalismes et les providentialismes, l'avenir est ouvert.

Le second principe est celui de collégialité, éclair affirmant que la recherche de la vérité n'est pas l'affaire de quelques-uns : ce principe s'incarne dans l'entreprise encyclopédique, les sociétés savantes et les académies.

La rationalité est le troisième principe : la raison en chaque homme doit s'exercer librement et le libre examen est une revendication légitime. Cett perspective est d'origine cartésienne.

L'exigence de rationalité, la diffusion des savoirs, le refus intellectuel de l'arbitraire expliquent le principe suivant de laïcité. La puissance publique ne devrait être la propriété d'aucun groupe de pression ni le jouet d'une opinion partisane. Le rôle d'Helvétius, d'Holbach ou de Diderot est ici évident.

De ces divers principes la philosophie des Lumières avait déduit le principe d'humanité dont l'application se retrouvera dans l'affirmation de la fraternité humaine. Le rôle de Voltaire dans l'affirmation de cet idéal est indéniable.

Ces principes vont être repris mais aussi appliqués et développés par la Révolution de 1789, notamment par Condorcet : grâce à ces principes, l'oeuvre condorcétienne est à la fois théoriquement cohérente et trouve une mise en oeuvre pratique. Les Révolutionnaires de 1789 – 1792 ont appliqué les principes de la philosophie des Lumières en précisant les problèmes qu'il s'agissait de résoudre : la République et l'Ecole, et l'oeuvre de Condorcet est le lieu privilégié de ce travail.

Condorcet en effet se saisit des principes émancipateurs du XVIIIème siècle et les applique à la définition du pouvoir politique (la République à créer) et à la définition de l'Instruction Publique, comme organe de la République.

Ce travail fut salué en 1794 par Lakanal, en 1870 par J.Ferry, en 1900 par Jaurès ou en 1947 par Alain. On trouve chez Condorcet une théorie de la République et une théorie de l'Ecole républicaine mais aussi une thérorie de leur action réciproque.

Un tableau de la synthèse condorcétienne

Principes des Lumières Théorie de la République Théorie de l'Instruction Publique

Perfectibilité Révisabilité des lois Exigence didactique

Collégialité éclairée Souveraineté du peuple Egalité

Rationalité Formation raison commune Elementarité

Principe de laïcité Laïcité de l'Etat Laïcité scolaire

Principe d'humanité Citoyenneté et humanité Universalité éclairée et humaniste

La lecture horizontale indique la cohérence des divers principes dans leur application à partir des principes généraux de la philosophie des Lumières, mais il ne faut pas oublier aussi l'action réciproque entre la République et l'Instruction publique : l'une est à chaque fois la condition de l'autre et inversement. A cette unité des principes correspond une solidarité des problèmes ! Quand l'Ecole est en crise sur la République ou inversement !

Les principes de la théorie de la République

Ils ne peuvent donc être vus sans aborder déjà en partie les principes valables pour l'Ecole :

Le principe de perfectibilité appliqué au bien public affirme la révisabilité des lois, des constitutions voires des déclarations des droits de l'Homme. Dans une République, les lois et constitutions doivent être révisées régulièrement en profitant du progrès général, notion chère aux Lumières. Mais pour cela il faut parvenir à rendre les citoyens compétents tout en respectant la liberté et la diversité des avis et des talents, ce qui présuppose un lien avec l'Ecole.

Le second principe est la souveraineté du peuple, application du principe général de collégialité. Certes le peuple s'il est instruit est en mesure d'exercer cette collégialité éclairée. Mais comment affirmer cette égalité politique entre les citoyens si la société est inégalitaire, particulièrement dans l'accès aux Lumières et aux connaissances. On voit rapidement le rôle éthique et politique de l'égalité scolaire au sein d'une démocratie.

Autre question : de quel savoir tout citoyen doit-il être armé pour être libre et intervenir dans le débat public ? Le troisième principe, application de l'exigence de rationalité, est le principe de formation d'une raison commune capable de fonder un choix majoritaire argumenté. Dans une démocratie, l'avis majoritaire est une figure provisoire du vrai. Mais comment former cette raison commune ? A oublier cette question, nous courons le risque de confondre l'accord des esprits fondé sur un débat argumenté et un consensus mou, accord sans arguments.

Anticipons un peu sur la théorie de l'Instruction publique en affirmant avec les républicains d'alors le principe suivant : je peux comprendre un savoir élémentaire en même temps que toi et demeurer libre sans être d'accord : nous nous comprenons car nous sommes instruits tous les deux :l'élémentarité devient un précurseur de la fraternité. Une crise de l'élémentarité dans l'Ecole fragilise la République toute entière : les citoyens se comprennent de moins en moins.

Le quatrième principe est celui de la laïcité de la République : il applique l'exigence de laïcité au pouvoir politique et à l'Etat. Mais cette conscience laïque soyons en bien conscients suppose d'apprendre aux citoyens à se méfier de l'opinion en tant que telle et à en saisir la genèse.

Enfin la référence aux Droits de l'Homme et à l'amour de l'Humanité suppose résolu le problème suivant : comment aider les futurs citoyens à ne pas oublier l'Humanité à travers l'amour de la patrie ou de la nation ? Développer l'implication dans la cité, la nation sans oublier les droits de l'Homme.

On voit qu'au delà de la simple proclamations des principes, il y a à chaque fois des défis.

Les principes de la théorie de l'Instruction Publique :

Le principe d'exigence didactique, écho du principe de perfectibilité, fait obligation au maître d'école de pouvoir justifier, à ses propres yeux, ce qu'il enseigne !

Comment faire comprendre les mêmes savoirs enseignés au même moment à des individus différents : le principe d'égalité s'attaque aux questions suivantes : comment réduire l'écart entre l'égalité politique proclamée des citoyens et l'inégalité persistante entre les conditions économiques des hommes ? Comment promouvoir aussi l'égalité sans nuire à la diversité des talents ? Comment mettre cette diversité elle-même au service de l'Egalité ? Plus de questions que de réponses pour ce principe d'égalité scolaire aujourd'hui !!

Le principe d'élémentarité applique au domaine scolaire le principe de rationalité : de nature didactique (ou comment enseigner), il a également des visées politiques : comment former une opinion publique éclairée dans une République ? Et en fait pour réaliser cela, la vraie question sous-jacente de l'élémentarité est la suivante : comment transposer les savoirs savants en savoirs enseignables à tous jusqu'à un certain point ?

La formation d'une raison commune suppose un peuple instruit réussissant à se comprendre, ce à quoi l'élémentarité doit répondre pour permettre cette raison commune à partir des raisons de chacun.

De plus l'élémentarité permet d'accéder à la complexité des savoirs savants : la différence est de degré et pas de nature : il doit y avoir une continuité entre le savoir élémentaire et le savoir savant. Notamment pour déterminer les savoirs élémentaires, la première République s'est tournée vers les plus savants que Condorcet en 1792 souhaitait regrouper au sein d'une Société Nationale des Sciences et des Arts, sorte d'Académie indépendante du pouvoir exécutif, chargée de réviser les programmes scolaires.

Le principe de laïcité scolaire applique à l'Ecole l'exigence générale de laïcité ce qui est particulièrement important au moment de la formation de l'esprit critique : c'est le moment où il est particullièrement nécessaire de neutraliser toutes les opinions partisanes au sein de l'instruction publique.

L'exigence d'universalité humaniste et éclairée vise à ce que l'instruction publique ne se replie pas sur elle-même, en oubliant ce devoir essentiel qui est le sien d'ouvrir sur le monde.

Les Conditons nécessaires à l'essor de l'Ecole républicaine

L'Instruction publique ainsi décrite dans ses principes n'est possible que si l'indépendance de l'Ecole républicaine face au gouvernement et au pouvoir politique est assurée (Cf. la citation inaugurale de Ch.Péguy).

L'instruction a une portée didactique (permettre le progrès en instruisant le plus grand nombre), une portée civique (construire une opinion démocratique éclairée) mais aussi éthique (rendre chacun autonome et tourné vers l'amour de l'humanité). Ces responsabilités de l'Ecole doivent échapper au pouvoir exécutif : les gouvernants devraient donc refuser de régenter l'organisation pédagogique et a fortiori de décider les contenus des savoirs à enseigner. Concorcet y revient plusieurs fois dans son oeuvre : on lit dans le rapport sur l'instruction Publique d'avril 1792 : « Aucun pouvoir public ne doit avoir l'autorité, ni même le crédit d'empêcher le développement des vérités nouvelles, l'enseignement des théories contraires à sa politique particulière ou à ses intérêts momentanés ». En janvier 1793, il confirme : « le gouvernement ne doit avoir aucune influence sur les choses qui sont enseignées ».

L'indépendance de l'Ecole sera même souhaitée par la République : l'Ecole à l'abri des pressions aura ainsi tout le loisir de développer la raison commune et aura ainsi une République d'avance. Ainsi en effet, l'Ecole républicaine assure la perpétuation raisonnée de la République en instruisant les enfants des connaissances élémentaires, de même la République laïque est la conditions de la perpétuation de l'Ecole Républicaine.

Cependant Condorcet lance un avertissement en signifiant d'autres conditions indispensables à l'essor de l'Ecole républicaine : « Que les institutions publiques s'unissent à l'instruction, aux lois pour former un système fortement lié [...]. Ce système suppose, à la vérité, la destruction des préjugés généraux et celle des inégalités sociales ».

L'analyse de Condorcet de la République et de l'Ecole suppose donc d'autres conditions de possibilité : le régime républicain repose bien sûr sur l'Ecole de la République, sur les Droits de l'Homme mais aussi sur une économie réellement soucieuse de solidarité et de justice, mais aussi sur un privilège de l'écrit.

En effet, une économie jsute rend l'Ecole plus crédible en solennisant l'égalité qui doit y régner.. Le privilège de l'imprimé de l'écrit rend l'Ecole plus indispensable dans sa mission d'instruction.

Qu'un déséquilibre apparaisse : la République se porte moins bien si l'Ecole instruit moins bien, l'Ecole est remise en cause dans ses principes d'esprit critique si la République n'en garantit plus l'indépendance et tolère l'intrusion de forces politiques ou cléricales en son sein. De même une économie fondée sur l'injustice et l'égoïsme désespèrerait les exclus qui seraient fondés à douter de la puissance émancipatrice de l'instruction voire des droits de l'homme. De même une marginalisation de l'écrit nuit à la formation indispensable d'une opinion publique éclairée et citoyenne. Enfin une crise durable de l'idée d'Humanité faute d'être enseignée remet en cause au sein de la société l'éminence des droits de l'homme et des devoirs correspondants face à d'autres valeurs, économiques notamment.

D'où la nécessaire vigilance et la nécessité de redécouvrir régulièrement cette synthèse de l'Ecole et de la République

Quels dangers est il possible de repérer au jourd'hui ?

Le modèle républicain repose sur un équilibre : pêle-mêle, ne pas décider la révision régulière de la Constitution, ne pas écouter les plaintes des citoyens ou ne plus privilégier le livre. De même ne plus assurer la gratuité scolaire a des effets sur l'égalité tout court. Ne plus écouter les conseils des plus savants pour organiser l'instruction publique aurait des effets sur la qualité des débats et des décisions politiques à long terme. Ces hypothèses sont autant de dangers pour la République.

Parallèlement, il ne faut pas confondre les principes avec leur application partielle quand on critique l'Ecole républicaine : l'absence d'institution comparable à la Société Nationale des Sciences et des Arts dans la pensée de Jules Ferry explique les défauts de l'école de la Troisième République. De même si l'opinion publique ne songe plus à s'éclairer, l'idée de raison commune est fragilisée.

Si on examine l'ensemble républicain combinant un régime politique (la République), une conception de l'école (l'instruction publique), des rapports économiques et sociaux fondés sur la liberté et une communication respectant l'écrit, on peut identifier plusieurs illusions où chaque instance se prend pour sa propre fin et oublie les autres composantes :

l'illusion économiste correspond à une survalorisation des rapports socio-économiques au sein de la société : l'instruction publique ou l'Etat ne se définissent plus que comme des conséquences des contraintes économiques et au service de la société marchande. Dès lors l'Etat n'est plus qu'une instance régulatrice dans les conflits socio-économiques et l'instruction publique ne « forme » plus qu'à une profession au lieu d'instruire et d'éclairer. L'économisme ignore profondément la construction républicaine, son humanisme éclairé et laique. L'économie sort de son cadre et impose sa logique à toute la société. L'économisme ouvre volontiers l'instruction publique aux intérêts à court terme de la société civile présente.

l'illusion étatiste correspond à une survalorisation de l'Etat qui devient sa propre fin et n'est plus une médiation vers les droits de l'homme et l'humanité. D'où l'importance pour Condorcet de l'indépendance de l'instruction publique en se tournant vers les plus savants : l'autorité des sciences éclaire et limite le pouvoir politique. La République n'est pas l'Etat et la citoyenneté n'est pas non plus réductible à la nation et s'ouvre sur l'humanité. Dès 1786, Condorcet place dans la « Vie de Turgot » les droits de l'homme au dessus de la République. D'où la critique d'un Etat qui décide des réformes scolaires en ne tenant pas compte de l'avis des plus savants.

l'illusion médiatique déclare que le moyen de communication dominant une société doit par là-même être hégémonique dans l'instruction publique.

l'illusion pédagogique : l'Ecole devrait assurer des tâches qui relèvent en fait de la puissance publique voire des parents, au détriment de l'instruction publique qui se trouve retardée ou entravée. D'où le concept d'Education nationale régulièrement préféré à celui de l'Instruction publique et l'éloignement à l'égard du principe d'élémentarité des savoirs. On préfère accompagner qu'instruire.

En conclusion, dès 1792/1793, les révolutionnaires nous avertissaient que cette institution l'Ecole devait s'intégrer dans une synthèse plus large où chaque républicain était appelé à se soucier de l'instruction des enfants mais aussi du respect des droits et des devoirs, de la justice économique et sociale, et de l'amour de l'humanité.

Et aussi, mieux connaître pour mieux perpétuer, peut-être cela est il utile !


Un article fondateur sur la Résistance de zone Sud

Article issu du colloque et de l'ouvrage « Mémoire et Histoire : la Résistance », « la Résistance des mouvements ; ses débuts dans la région lyonnaise (1940 – 1942) par Laurent Douzou et Dominique Veillon

Tout d'abord ne pas minorer le champ d'application de l'article : s'il évoque les débuts, phase particulièrement décisive et riche, l'article traite de pratiquement toute la résistance civile (distinction ici entre mouvement, et les réseaux à vocation de renseignement militaire - même si la division est poreuse à la base, des agents de mouvements travaillant pour des réseaux et inversement !) de zone Sud, à l'exception très notable de la résistance communiste.

Comme l'article l'effectue, nous ne dirons pas non plus ce qui s'est passé par la suite, ni ne mentionnerons le devenir de certaines personnes (PH Teitgen par exemple) pour laisser et replacer les débuts dans leur contexte : ca peut compliquer car beaucoup de noms se sont succédés, des premières démarches des noyaux aux noms des mouvements notamment.

Cet article fondateur pour la compréhension de la Résistance et de son développement est un bon approfondissement et developpement de l'article « Enseigner la Résistance », que vous trouvez sur ce blog (http://www.paris.fr/portail/Culture/Portal.lut?page_id=7559&document_type_id=5&document_id=25789&portlet_id=17508, puisqu'on voit en effet que la Résistance ne se constuit pas en majesté avec des organigrammes !

Article fin : beaucoup d'allusions importantes dans la formulation des phrases : l'historien que je suis un peu vous le dit !



Prendre pour objet d'étude les débuts de la Résistance dans la région lyonnaise, c'est marquer que la phase initiale de l'activité résistante peut être reconsidérée et réinterprétée. Notre démarche n'est pas de parler des débuts de la résistance lyonnaise en tant que telle mais bien plutôt de mettre l'accent sur le processus qui vit de petits groupes donner naissance à des mouvements dont les centres s'installèrent à Lyon. A partir de quand, dans quelles conditions et avec quels résultats, les noyaux qui devinrent des mouvements se développèrent ils ?

Cette étude se situe dans un laps de temps court, de 1940 au début de l'année 1942, Eté – automne 1940, parce qu'il faut à ces opposants quelques mois pour émerger du chaos de la débâcle. La défaite, les conditions dans lesquelles elle est intervenue, les premières mesures discriminatoires à l'encontre des Républicains, le statut des juifs, la poignée de main de Montoire et son corollaire, la collaboration, marquent souvent le début d'une révolte purement individuelle. Fin 1941-début 1942, parce que c'est le moment où cette gestation aboutit à la naissance de journaux clandestins et de mouvements, le moment aussi des premiers échanges entre résistants de l'intérieur et représentants de la France libre.

La période que nous souhaitons privilégier est, par conséquent, celle de la naissance et du développement d'une résistance intérieure privée de tout contact suivi avec la résistance extérieure. Cette préhistoire, nous voulons la revisiter

Cette période peut schématiquement se décomposer en trois temps :

La première phase est celle des individualités. Le deuxième temps, celui des noyaux, vise à saisir dans leur immédiateté, et sans anticiper sur la suite, les petits cercles issus de la rencontre de quelques individualités. Avec, à la clé, trois questions : quand et pourquoi passe t on à cette deuxième étape ? Quelle(s) activité(s) ces noyaux impulsent-ils ? Avec quels résultats ? Troisième époque : celle des « groupements constitués en France en vue de la libération du territoire national ». Quand s'achève l'année 1941, des groupes relativement solides et peu nombreux sont en passe de devenir des mouvements. Les trois L, Liberté, Libération et Libération Nationale auxquels vient s'adjoindre Franc-Tireur, dominent le paysage résistant de la zone Sud.

L'émergence des individualités

Outre l'effondrement militaire, la défaite de 1940 entraîne un bouleversement des consciences qui libère « toute une chaîne de réactions imprévisibles ». Une majorité fait confiance au maréchal Pétain pour conduire les destinées du pays. Seule une poignée d'hommes et de femmes, qui s'essaient à être plus lucides, n'acceptent pas l'armistice. Parmi eux, quelques-uns refusent de déléguer au maréchal le soin de leur dicter leur conduite. On le sent bien à travers les notes qu'Emmanuel d'Astier, alors à Paris, jette sur son agenda et qui traduisent son état d'esprit à la jonction du printemps et de l'été 1940 – quand s'amorce le tournant de la demande d'armistice :

Lundi 10 juin 1940 – 12 juin : « Décision honteuse de ne pas défendre Paris. Comment avoir confiance dans les vieillards même glorieux ? »
Lundi 17 juin : « Discours de Pétain. Demande d'armistice. Mauvais discours ».
Mercredi 19 juin : « De Gaulle a raison. Pétain et Weygand ont tort. La demande est ignominieuse. »
Mardi 2 juillet : « Reste l'espoir que l'histoire nous venge et replace dans l'ombre qu'ils méritent les vieillards militaires assis au sommet des ruines et qui ont eu le coeur de douter d'une cause qui n'était pas perdue. »

Ceux qui ne sont pas d'accord avec le maréchal ressentent douloureusement leur solitude au sein d'une population anesthésiée. « Je songe à l'isolement qui nous accable, à l'impossibilité où nous sommes de rien faire d'utile. Il faudrait pourtant se voir, parler, comparer nos pensées », relève, fin octobre 1940, Auguste Pinton, conseiller municipal de Lyon. D'où une quête aussi éffrénée que décevante d'interlocuteurs réfractaires au conformisme omniprésent. Elle anime Antoine Avinin lorsqu'il discute à Lyon avec ses amis de la Jeune République. Lyonnais encore, le petit cercle antipétainiste constitué par Noël Clavier, Jean-Jacques Soudeille et André Gayet autour des amis du « nouvel âge » de Georges Valois. Quant à Elie Péju, il est en contact permanent avec Jean-Jacques Soudeille et Antoine Avinin.

De son côté, l'officier d'active Henri Frenay, réfugié à Marseille en juillet 1940, décide de prospecter ses relations. Lui aussi refuse l'armistice et souhaite agir rapidement. Pour recruter il bluffe et fait croire à ceux qu'il rencontre à l'existance d'un embryon de groupe.

Mais ces premiers contacts n'aboutissent que rarement. Après avoir tenté à Marseille, d'approcher des militaires en congé d'armistice, Emmanuel d'Astier déchante bien vite devant leur attitude de résignation. La ville de Clermont-Ferrand, où il se rend fréquemment à partir de l'automne, offre davantage de possibilités : il y a là un vivier de réfractaires potentiels, des réfugiés alsaciens aux étudiants et professeurs de l'université de Strasbourg en passant par les syndicalistes. Il rencontre, en novembre 1940, à la Brasserie de Strasbourg, place de Jaude, des gens qui pensent comme lui. Lucie Aubrac, une jeune agrégée d'histoire, Jean Cavaillès, un universitaire de grande réputation, Georges Zérapha, banquier et militant de longue date de la LICA (ligue contre l'antisémitisme) sont déterminés à « faire quelque chose », pour reprendre une formulation vague qui dit bien la difficulté de commencer à agir. Pourtant, dès ce moment, un noyau s'est formé, point de fixation encore virtuel de forces plus larges. La Dernière Colonne est née.

On assite à un phénomène semblable chez Auguste Pinton et ses amis, ainsi que chez Antoine Avinin, Noël Clavier, Elie Péju et Jean-Jacques Soudeille. Chacun de ces hommes est au coeur d'un petit cercle d'amis et sent la nécessité d'une union. La rencontre décisive a lieu au Café du Moulin Joli, place des Terreaux, le 4 novembre 1940. « Ce soir-là, rapporte Pinton dans ses notes prises sur le vif, nous ne nous sommes pas bornés à discourir, mais nous avons arrêté les dispositions à prendre et surtout décidé que nous nous reverrions d'une façon régulière. » Au cours d'une réunion, le 20 novembre, chez Noël Clavier, 145 rue Vendôme, il est décidé que « le groupe en formation » essaiera de mettre en commun ses informations. Il faut du temps avant que tout ceci aboutisse à une propagande élaborée. C'est au début de l'année 1941 qu'un Strasbourgeois d'origine juive, Jean-Pierre Lévy, s'intègre au groupe, dont il ne tarde pas à devenir la figure de proue.

En novembre 1940, Henri Frenay, affecté à l'état-major de l'armée à Vichy, prend la décision de publier un bulletin d'informations ronéotées, « dont la source se trouve presque exclusivement dans les renseignements fournis par la section allemande et dans l'écoute des radios étrangères ».

Le degré de maturité et d'expérience politiques des premiers opposants varie. Les individualités qui se coalisent à France-Liberté ou dans la Dernière Colonne sont politiquement formées et conçoivent d'emblée de situer leur action sur ce terrain-là. Les syndicalistes ne sont pas en reste. C'est dans cette mouvance qu'Yvon Morandat, arrivant de Londres, puisera, en novembre 1941, pour constituer ses premiers relais.

Ces premiers résistants sont des gens dont la moyenne d'âge se situe autour de la trentaine, et même un peu plus. Si l'âge n'est pas nécessairement un critère déterminant, les cercles initiaux comptent des gens plutôt jeunes mais qui peuvent se prévaloir d'une expérience.

Les réfugiés strasbourgeois et mosellans, nombreux à s'être installés à Lyon, constituent un foyer d'opposants non négligeables. Le bouche à oreille est leur préoccupation première, ne serait-ce que pour rétablir la vérité sur le tragique de leur situation.

Toutes ces individualités prennent des initiatives qui vont graduellement les amener à se servir de leur vie professionnelle (tel Henri Frenay), de leurs attaches familiales (comme Emmanuel d'Astier) ou de leur environnement politique (c'est le cas du groupe Avinin – Pinton) pour concrétiser cette opposition. Jean-Pierre Lévy utilisera sa position de représentant de commerce pour sortir de Lyon et étendre l'influence de France-Liberté.

Leur premier geste est de manifester leur désaccord individuellement par une série de protestations qui, peuvent aujourd'hui, sembler dérisoires. Antoine Avinin, combattant émérite de 1914-1918, motive son refus de s'intégrer à la Légion française des Combattants, par une boutade d'un humour féroce : « Je ne sais pas si j'ai suffisamment combattu pour y avoir droit ».

Puis vient le temps du verbe. Des inscriptions sont furtivement jetées sur les murs, puis de petits papillons collés sur les édifices publics. Signalés dès l'automne 1940 par les autorités administratives, ces « graffitis » entraînent une série de réactions positives. Comme l'affirme, en janvier 1941, une note de synthèse émanant des services secrets de la France libre, fruit de renseignements recueillis auprès d'un habitant de la zone non occupée, « ces petits papillons sont un moyen de lutter victorieusement contre la grande affiche. Ils restent plus longtemps que l'affiche ».On ne saurait trop insister sur l'importance des papillons bien adaptés aux moyens déficients de noyaux financièrement pauvres et numériquement faibles. Leur existence est attestée à plusieurs reprises dans des rapports sur l'état d'esprit de la population, comme celui du préfet du Rhône de décembre 1940 : « Quelques papillons de propagande gaulliste ont été collés ces jours derniers. Un petit foyer de propagande dans le milieu des réfugiés mosellans a été découvert. »Auguste Pinton, de son côté signale que l'un des premiers essais de « littérature clandestine de France-Liberté » a été un papillon popularisant la manifestation de résistance collective organisée par la radio de Londres le 1er janvier 1941.

Germanophobes, tel Henri Frenay, ces opposants dénoncent l'armistice comme une honte pour le pays. Le maréchalisme ambiant dans lequel ils baignent agit pour certains comme un repoussoir. C'est Emmanuel d'Astier que ses amis ne dissuadent qu'à grand-peine de faire de Pétain la cible des papillons qu'il projette de rédiger et de coller fin 1940 – début 1941. Un état d'esprit comparable prévaut dans les rangs du groupe Avinin – Pinton – Soudeille. Il n'en va pas de même du Mouvement de Libération Nationale créé par Henri Frenay. Le manifeste, rédigé en novembre 1940 pour élargir le recrutement du groupe naissant, souhaite explicitement bouter les Allemands hors de France, en même temps qu'il fait preuve d'une bienveillante indulgence envers le maréchal : «  A l'oeuvre du maréchal Pétain, nous sommes passionnément attachés. Nous souscrivons à l'ensemble de grandes réformes qui ont été entreprises [...]. Puisse le maréchal Pétain avoir une vie suffisamment longue pour nous soutenir alors de sa haute autorité et de son incomparable prestige. »

Ce foisonnement d'actes désordonnés et esseulés se retrouve à Lyon et dans sa région. Très tôt, cependant, Lyon devient le point central non seulement de la région, mais plus encore de toute la zone Sud. Côté face, la ville – dont une foule d'anciens combattants, d'enfants des écoles et d'habitants venus en masse, a salué la visite de Pétain en novembre 1940 - , est maréchaliste. Côté pile, elle attire les individualités puis les noyaux qui entreprennent de résister. La configuration du réseau ferré, une dimension de métropole, une longue tradition de révolte qui plonge ses racines jusque dans le XIX ème siècle, la densité des artisans du livre et de leurs ouvriers, l'inclination qu'on prête volontiers à ses habitants de cultiver la discrétion, sont autant d'hypothèses pour expliquer que la ville agisse comme un aimant, sans omettre les possibilités qu'offre une cité de grande taille et d'une architecture tourmentée. Les cafés, lieu de sociabilité par excellence, sont à la source de rencontres banales et décisives à la fois. Si ces hypothèses n'épuisent pas la question, le fait demeure : c'est Lyon qui joue le rôle de pôle fédérateur au détriment de Clermont-Ferrand, par exemple, apparemment bien lotie pour ce faire, ou encore de Marseille où avaient pourtant commencé quelques-uns des itinéraires les plus denses des pionniers de la Résistance.

Le temps des initiateurs

A la lueur de l'histoire des groupes France-Liberté, la Dernière Colonne, Liberté et Libération Nationale, c'est dans le premier semestre 1941 que des noyaux, solides, s'ils sont de taille modeste, apparaissent. Leur préoccupation longtemps exclusive est la propagande.

Sur les noyaux, résultats des discussions menées pendant des semaines par des individualités déterminées mais désorientées, les données n'abondent pas. Là réside la principale difficulté et, il faut le dire, la raison majeure pour laquelle les noyaux initiaux ont été si rapidement évoqués, pour ne pas dire délaissés, dans la plupart des études consacrées à la Résistance. Comment ces noyaux se définissaient-ils eux-mêmes ? Quels buts s'assignaient-ils ? Autant de questions aussi évidentes que difficiles à débrouiller. Par chance, a été préservé le texte qu'adressait, en février 1941, un de ces noyaux en gestation, pas tout à fait noyau encore mais déjà plus collection d'individualités, à la BBC à Londres. Accompagnant un manifeste intitulé « Appel aux esprits libres », ce texte permet de saisir sur le vif la pensée de ses auteurs, qui ne sont autres que les pères fondateurs de France-Liberté, c'est à dire du noyau qui donnera naissance, avant la fin de cette même année, à Franc-Tireur. Ressentant la nécessité de se présenter et de se définir auprès de ceux à qui ils adressent leur message, ces animateurs jettent sur eux-mêmes un regard qui ne manque ni d'intérêt ni de lucidité : « Qui sommes nous ? [...] Une dizaine de Lyonnais ! » Ces dimensions modestes disent bien les limites et la nature des noyaux initiaux. Les auteurs de la missive ont beau proclamer que les idées qu'esprime leur appel « sont celles de milliers et de milliers de nos compatriotes », leur isolement n'en est pas moins patent. Car, c'est un autre trait frappant de cette bouteille jetée à la mer que le sentiment d'isolement qui, d'un bout à l'autre, la caractérise. Et subséquemment, bien sûr, la difficulté de rompre cet isolement. S' « il existe à Lyon même des dizaines et des dizaines de groupes comme le nôtre, se réunissant régulièrement pour échanger des idées, des nouvelles, des projets même », « ces groupes demeurent isolés et sans contact ». Et si la radio française de Londres est leur point de communion, c'est « d'une communion qui s'ignore »qu'il s'agit. D'où la lettre envoyée à la BBC tant le noyau ressent « l'incroyable difficulté de réaliser cette fédération de toutes les forces françaises actuellement dispersées ». Incapable de nouer des liens avec ses semblables, misant sur la capacité de la radio à établir une passerelle entre des initiatives de même essence que la sienne, le noyau en passe de devenir France-Liberté définit assez bien le caractère de l'action balbutiante d'alors.

Les membres du minuscule groupe répondent parfaitement à notre définition de la seconde étape du processus d'émergence d'une résistance. Que ce cercle-là soit engagé dans la transition qui mène des individualités aux noyaux est prouvé par l'absence de dénomination qui le caractérise. Ainsi signent-ils leur lettre d'une façon significative : « Des corps esclaves, des esprits libres ! »

C'est, au fond, le même mécanisme qui est à l'oeuvre pour l'action initiée par Henry Frenay. En mai 1943, réfléchissant au « développement organique de la résistance », celui qui est entre temps devenu le numéro 1 du mouvement Combat note : « Au début de 1941, le Mouvement de Libération Nationale naît, en zone non occupée, de l'activité d'un groupe d'amis dirigé par Henri Frenay. » Les dénominations peuvent bien varier ; tantôt « groupe », tantôt »groupe d'amis », la réunion d'individualités en un cercle qui les dépasse chacune est un fait de la plus haute importance.

A travers les rares pièces contemporaines de ce phénomène, apparaissent en filigrane les éléments qui caractérisent un noyau.

En premier lieu, il se dénomme. C'est là le double signe d'une prise de conscience de son identité d'une part, d'une définition des buts qu'il s'assigne d'autre part. Résultant de longues discussions informelles, le choix d'un nom marque une étape. La Dernière Colonne, Libération Nationale, Liberté, dès l'automne 1940, France Liberté, dans le premier semestre 1941, portent, par leurs noms mêmes, trace d'une réflexion qui chemine.

En second lieu, il se structure. Une hiérarchie s'esquisse qui découle de la première phase. Cette hiérarchie ne fait pas l'objet de discussions. Une personnalité s'impose dans chaque noyau, sans qu'il soit possible de déterminer précisément les raisons de l'ascendant qu'elle prend sur ses pairs. Sauf à observer que, pour deux des trois chefs des principaux mouvements de zone Sud – Emmanuel d'Astier et Henri Frenay – l'antériorité constitue un titre de poids à conduire l'action du groupe.

Enfin, il s'ouvre vers l'extérieur. En tentant de recruter dans un premier temps, en nouant des contacts avec ses homologues ensuite. Si le schéma qui mène des individualités aux groupes en passant par les noyaux peut s'appliquer à tous les exemples connus de nous, cet itinéraire se façonne selon un rythme et une chronologie qui diffèrent sensiblement d'un cas à un autre. Au moment où la Dernière Colonne s'évertue à faire paraître le premier numéro du journal Libération, au moment où Les petites ailes doivent suspendre leur parution, Liberté qui fait paraître régulièrement une feuille, parle haut et net dans son numéro 6 daté du 30 mai 1941, donnant des consignes d'action et énonçant comme «  premier but à atteindre » de « former dans toutes les localités un peu importantes des groupes « Liberté », un responsable par région, par département, par ville, par quartier ou milieu professionnel, une action personnelle de propagande menée de proche en proche. La diffusion de Liberté, autant que possible, de la main à la main. » La définition d'un pareil but, en mai 1941, ne laisse guère de place au doute : les dirigeants de Liberté, François de Menthon, Alfred Coste-Floret, Pierre-Henri Teitgen, sont en avance d'une bonne longueur sur leurs homologues des autres noyaux. Ces individualités, qui se connaissaient fort bien dès l'avant-guerre et partageaient des options philosophiques et religieuses fortes, ont tôt fait de dépasser la première phase du processus de reconquête des esprits. Et le noyau qu'ils ont formé a tout aussitôt donné naissance à un groupe doté d'une feuille influente.

Au même moment, France-Liberté qui avait commencé très tôt son examen de conscience sort assez régulièrement des tracts tirés à un petit nombre d'exemplaires. C'est Jean-Pierre Lévy qui a trouvé les relations permettant de réaliser cette gageure. Mais le noyau a eu les pires difficultés à trouver le contact qui lui aurait permis de faire sortir un vrai journal. Il en résulte que Franc-Tireur, pourtant l'un des tout premiers noyaux de zone Sud, fait paradoxalement figure de nouveau venu parmi les groupes qui comptent à la fin de 1941, lorsque paraît son numéro 1.

Mais évoquer les journaux, c'est déjà entrer dans le troisième étape, celle qui voit des groupes se substituer aux premiers noyaux.

La période des groupes

Existe-t-il vraiment une différenc notable entre un noyau et un groupe ? Pour pousser plus avant l'analyse, empruntons au regard rétrospectif jeté, en avril 1943, par Henri Frenay sur l'histoire de Combat : « Pendant dix-huit mois, c'est à dire jusqu'au mois de janvier 1942, nous nous sommes développés seuls, sans aucun appui extérieur, sans liaisons avec Londres. Comme les autres mouvements, nous fûmes un mouvement spontané de révolte contre « l'inévitable », nous n'étions inféodés à personne. [...] Ce fut l'époque héroïque pendant laquelle des liens très solides d'amitié et de confiance se nouèrent entre mes camarades et moi-même, liens qui, tout autant que l'idéal que nous défendions, nous unissaient les uns aux autres. »

A sa façon, ce texte résout la question de savoir comment la phase du noyau s'articule avec celle du groupe étendu. Loin de disparaître, le noyau impulse l'action d'un organisme plus vaste. Les deux structures coexistent, le noyau changeant de statut et acquérant une importance nouvelle. A partir du deuxième semestre de 1941, on assiste à une transformation profonde du noyau devenu à la fois point d'aboutissement et source de renouvellement.

Quant au facteur clé qui entraîne un changement de fond dans le type d'action menée, il réside dans l'apparition d'une feuille clandestine. Elle induit immédiatement, en effet, une modification radicale d'échelle qui pousse le noyau à s'aventurer hors de son territoire exigu. Tout ceci ne va pas sans un mode de fonctionnement différent, car la confection d'un journal demande des moyens techniques, mais aussi de l'argent.

La création du journal est un événement fondamental, et même fondateur. Son rôle dans l'émergence d'un groupe vite appelé à devenir un mouvement en tant qu'entité clairement identifiée et incarnée, puis dans son extension, est décisif. Support majeur de l'organisation quand l'association en forme est illicite et entravée, le journal remplit une fonction de tout premier plan.

D'avril à juin 1941, la Dernière Colonne consacre toutes ses forces à concevoir, puis à faire imprimer un journal qui aura pour titre Libération. De la même manière, « il devient vite évident », pour les créateurs de France-Liberté, « que le seul moyen d'arriver à une activité pleinement organisée, c'est de posséder une feuille clandestine qui paraîtrait régulièrement donnant ainsi plus de consistance au mouvement embryonnaire. »Henri Michel et Marie Granet soulignent, il est vrai, à propos de Combat : « que le journal a été créé après le Mouvement, qu'il n'a été créé que pour aider à sa propagande et à son action, mais n'a pas été l'activité initiale ; il a été un instrument – excellent – et non pas un but. » L'importance du journal est telle, même pour le Mouvement Libération française créé par Frenay, que son nom original tombe rapidement en désuétude au profit de celui de Combat, titre du journal, ce qui infirme ou nuance l'analyse des historiens de Combat.

En juillet 1941 : le premier numéro de Libération voit le jour. En décembre de la même année, paraissent Combat et le Franc Tireur. Juillet et Décembre, les deux mois qui encadrent la parution de trois feuilles promises à un bel avenir, esquissent une périodisation : l'action souterraine des tout débuts attend le second semestre de l'année 1941 pour déboucher sur des résultats tangibles et virtuellement – mais virtuellement seulement – prometteurs. Ce que dit, à sa manière, la chronologie de la naissance des feuilles clandestines, c'est l'importance de l'année 1941 dans l'évolution des groupes de résistance.

Si la création de feuilles clandestines aux larges visées marque un tournant dans l'histoire de la Résistance clandestine non communiste de zone Sud, il convient de ne pas en exagérer la portée immédiate. Le premier numéro de Libération est tiré à 10 000 exemplaires tout au plus. Le Franc-Tireur sort pour son premier numéro à 6 000 exemplaires. Quant à Combat, le tirage de son premier numéro, qui s'élève à 20 000 exemplaires, est considéré par ses pairs comme un « tour de force ». Mais on ne peut manquer d'être frappé par la disproportion des forces en présence dans la lutte qui s'engage sur le plan de la propagande : les trois organisations les plus solides – ou les moins inconsistantes, c'est selon – de zone Sud sortent, fin 1941, à elles trois, 30 000 exemplaires par mois de journaux de quatre pages. C'est un début modeste.

La montée en puissance des tirages de ces feuilles est cependant rapide sous la poussée de deux phénomènes distincts quoique convergents.

L'arrivée de représentants mandatés de la France libre – Yvon Morandat, d'abord ; Jean Moulin, ensuite – apporte une manne sans laquelle la continuation d'une action prometteuse eût été impossible tant les fonds réunis à grand-peine étaient bas et la situation financière alarmante.

Le succès des feuilles clandestines pousse, par ailleurs, les animateurs des groupes à développer prioritairement ce volet de leur action alors même qu'il n'avait pas toujours été au départ conçu comme essentiel.

La parution de journaux clandestins entraîne un autre effet qu'il faut prendre en compte. Elle institue une ligne de partage nette entre les groupes qui se dotent d'un journal et de toute l'organisation afférente, et les autres. Car, l'activité résistante de zone Sud ne se limite, ni à ses débuts, ni par la suite, à trois organisations. Mais il se trouve que seules celles qui développent une propagande suivie et intense accèdent à ce qu'on appellera, faute de mieux, la notoriété clandestine. De là vient la prééminence des trois grands de zone Sud, Franc-Tireur, Combat et Libération. De là vient également que les « nombreux groupes locaux autonomes [...] sont assez vite absorbés par les principaux mouvements, lorsque ceux-ci les rencontrent au cours de leur extension ».

Quant aux quelques groupes qui parviennent plus tardivement à faire paraître une feuille clandestine, tel « L'Insurgé » qui a son centre à Lyon et dont le premier numéro voit le jour en mars 1942, ils sont financièrement dépendants de leurs aînés. Reste le cas de foyers qui jouent un rôle influent sans accéder au rang de groupe et de mouvement. Stanislas Fumet, Emmanuel Mounier, ou encore une partie de la rédaction du Progrès de Lyon ont ce statut assez particulier. On ne saurait inférer de leur position singulière qu'ils n'exercèrent pas une influence importante. La Résistance, la résistance purement lyonnaise comme celle des « centres » des grands mouvements, leur doit beaucoup.

Que retenir de notre exploration, survol nécessairement rapide d'une phase aussi courte que riche en mutations ? Peut-être la nécessité de scruter avec précaution un phénomène compliqué, tout en ayant conscience que la condition première de son intelligibilité est de prendre l'exacte mesure de sa complexité. C'est qu'à la manière de ces réactions fulgurantes qui caractérisent la vie cellulaire à son stade embryonnaire, la phase initiale de la Résistance se dérobe motu proprio à l'analyse. La description qui vaut pour tel moment n'est déjà plus tout à fait pertinente pour celui qui le suit. Mais, après tout, faire ce constat, de prime abord contrariant, c'est déjà s'autoriser à entendre une réalité vivante, et à l'interpréter dans toute sa complexité. La multiplicité et la diversité – chronologique et formelle – du processus résistant en marche, cette série d'avatars qui débouche, en dépits d'incertitudes et d'aléas, sur des organisations mûries et plus sûres d'elles-mêmes, voilà qui mérite à nos yeux d'être souligné et, dans la mesure du possible, éclairé.

Laurent Douzou
Dominique Veillon


jeudi 17 avril 2008

Mes marathons

Lyon 2002 :

592. Temps officiel 03:46:11

1er marathon caniculaire : je n'ai plus retrouvé trace sur internet de cette hécatombe mais pour mon premier marathon je fus servi.sauf cette rapide allusion :

http://courirlemonde.org/article.php?onglet=2&sid=1479

Le départ du marathon a été avancé d'une heure, à 8 heures et on avait déjà très chaud : 30 °.

Le parc de la tête d'or voyait nos têtes dodeliner durant l'effort. J'ai bien cru que je ne sortirai jamais de ce parc d'ailleurs : interminable et à la sortie, uniquement le 32ème km : encore 10 kms !

Je m'aspergeai complètement avec les éponges plongées dans les seaux d'eau en s'arrêtant de courir pour l'occasion : des cuisses à la tête, de nombreuses fois consécutivement !

Je crois que j'aurais bien aimé me transformer en éponge pour conserver toute cette eau !

Assez fier d'avoir fini dans un temps réel avoisinant les 3 h 45 min.

L'objectif était de finir et en moins de 4 h si possible : avec toute l'appréhension qui était la mienne quand on s'engage pour la première fois sur cette distance !

Et la difficulté fut telle que la seconde fois à Paris me semblera presque relever du plaisir ! Beaucoup moins marqué !

Paris 2003 :

5931 Se H Temps officiel 03:26:10 mais en raison du nombre de participants à Paris, mon temps réel est de 3 h 22 min 23 !! soit 4 minutes pour franchir la ligne de départ !

Temps gris, presque humide : conditions parfaites pour le marathonien que je suis.

A l'arrivée, je me suis demandé si j'avais tout donné ou si je me faisais des idées. Pas une souffrance aussi déchirante, et je ne m'étais pas arrêté en cours !

En revanche, le froid lors du retour à l'hôtel, dans les bouches de métro !

Et je me sentais beaucoup plus faible que durant l'épreuve !

Lisbonne 2003 :


209 Sen M Temps officiel 3:19:10

Mon temps réel est de 3 h 18 min et 10 sec mais l'organisation lisboète fut telle que seul mon chronomètre me l'a indiqué !

Changement de lieu de départ le matin même du marathon : apparemment le ministre des sports portugais était assez peu compréhensif avec le marathon, discipline qui oblige à arrêter la circulation en pleine ville, quelle hérésie pour une capitale !

Bref, je crois qu'on est parti quand les coureurs l'ont décidé car les organisateurs furent mis devant le fait accompli et plusieurs dont moi étions à 200 mètres de la ligne de départ à ce moment là. Epique !

Le temps sur Lisbonne était idyllique pour décembre : le charme de la vie lisboète n'est pas un mensonge, avec ses ruelles, ses vues sur le tage, le château Saint-Georges, l'alfama et le tout en chemises manches courtes !

Les funiculaires ans les calçada (petite rue escarpée) et les miradouro (points de vue) : Lisbonne m'a fait rêver !

Mais le temps le jour du marathon était plus gris, limite de pleuvoir.

Fait nouveau : nous courions avec les semi-marathoniens partis 800 mètres devant. Et ça change tout : rythme éffréné vers les 15/16 km car la plupart vont finir ! Et je me suis laissé emballer ! Ah si j'avais pu avoir mon temps au semi ! Pari que c'était mon départ le plus rapide de marathon ! Et on se rend compte quand les semi-marathoniens prennent une boucle et vous vous continuez d'un coup tout seul, esseulé, avec encore 20 kms : d'un coup on se rend compte de l'erreur !

Je vois mon frère et lui glisse : je suis parti trop vite ! Mais à ce moment là j'avais encore la pêche !

Démarre alors une longue course sur un périphérique : celui qui mène à Belem : 10 km d'autoroute urbaine non loin de la mer, puis demi tour et vous revenez au point de départ ! Pas fabuleux comme lieu de promenade ! En tramway, 10 minutes, je sais je l'avais fait la veille pour aller à Cascais, superbe plage près de Lisbonne !

La phase retour sur l'autoroute urbaine fut une calamité : j'ai marché, en dérive sur l'autoroute : et une autoroute ça n'offre pas beaucoup de repères bienveillants, pas un brin d'humanité. Et avec 800 participants, on est vite tout seul sur l'autoroute. Un gars cent mètres devant et un autre derrière à bonne distance !

En même temps je savais que mon temps était peut-être le meilleur que je pourrais faire !

Et les autres en face, sur la voie aller, plus en déshérence que nous-mêmes ! Et alors que je marche au 37 ème, maudissant cette course, deux Portugaises me croisent qui doivent être au 23 ème : l'une d'elles m'interpelle véhémentement en portugais ! J'ai compris qu'elle m'engueulait et voulait que je redémarre : j'ai fait le sourire que j'ai pu et suis reparti tout doucement en les remerciant ! C'est vrai que pour elles ce serait encore plus dur et c'est ce qu'elle m'a dit à ce moment là je crois.

J'ai fini les deux derniers kms sous la grêle ! Et suis tombé à l'arrivée dans les bras du concurrent suivant, qui avait l'âge d'être mon père et ne parlait ni anglais ni français.

J'avais quand même battu mon record en marchant !

Un dernier souvenir de Lisbonne : j'étais l'après-midi suivant le marathon frigorifié dans la chambre d'hotel, tout habillé sous les couvertures : l'hôtel faisait des économies de chauffage en décembre sous prétexte qu'il avait fait beau les jours précédents ! je me réchauffais en buvant des thés chauds !

Saint-Petersbourg 2004 :

Une organisation folklorique, mais uniquement sur le parcours : le départ fut parfait devant l'Ermitage s'il vous plaît -et Dieu sait que cette place est merveilleusement belle, face à l'Amirauté (à Saint-Petersbourg, les uniformes, ce sont les marins russes) – mais ensuite, on courait avec les participants du 10 km, qui la plupart étaient des Russes, qui d'ailleurs, malgré les interjections des policiers, ont pour la plupart continué le marathon, sans en avoir acquitté les droits ! J'ai vu un gamin courir le marathon vers le 17-18 ème km, torse nu, qui avait maximum 13 ans ! Et au bout d'un moment, à de multiples reprises, la circulation avait été rouverte aux véhicules sur le parcours !

La chaleur était forte et m'a décimé ainsi que la fin à nouveau situé sur une autoroute urbaine ! Bref, 3 h 37 mais la joie d'avoir participé à ce marathon et d'avoir fait un temps honorable sous la chaleur !

Avec ma médaille autour du cou ! Et mes deux maillots de finishers à Saint-Petersbourg dont Jérôme aurait bien voulu me piquer un exemplaire pour la frime ! Non je les garde (l'Ermitage figure sur le maillot) ainsi que mon coupe vent de Lisbonne qui tient dans la main !

Stockholm 2005 :

395 Sen M Temps officiel 3:04:53

Mon meilleur résultat : et çà tombe bien c'est aussi le mieux organisé, qui a été en mesure de fournir les résultats précis de ma progression tous les 5 kms !

http://www.stockholmmarathon.se/resultat2005/chiptider_en.cfm?startnr=16135&Lan_ID=3

Le parcours avec son dénivelé :

http://www.stockholmmarathon.se/race/bilder/uploaded/MARATHON_KARTA_2D_08EN1.gif

!http://www.stockholmmarathon.se/race/bilder/uploaded/Marathonbaneprofil.jpg


La côté au 12 km se retrouve, normal pour une boucle, au 33- 34ème kilomètre : il s'agit en fait d'un pont qui loin d'être plat s'élève jusqu'en son milieu (eh, oui !).

Quand j'y suis passé la première fois, je m'étais dit que cette difficulté ferait mal lors du 2nd passage !

Et j'ai eu la grande joie que mon 30/35 ème km a été avec les 5 premiers kms les plus rapides de mon marathon, excepté les ...2 derniers kms où j'ai sprinté avec ce qui me restait de réserves !

On voit que mon effort a été fourni à partir du 25 ème km et sans référence chronométrique car je ne m'étais jamais aventuré à courir sur les bases de 3 heures !

Mon record était à l'époque de 3 h 18 à Lisbonne !

J'ai participé au marathon de Stockholm le plus rapide de son histoire !

C'est aussi la première fois que je finis dans les 10 % de tête du marathon (toujours dans le premier tiers en revanche) et à moins d'une heure du premier !

Et c'est aussi seulement le 2nd marathon après Paris où je n'ai pas marché. Il faut dire que le temps à la limite du froid malgré le mois de juin était idéal pour ma course à pied !

Et après ce petit exploit, çà fait trois ans que je n'ai plus fait de marathon


Football gaélique (2)

Attention : je ne traite ici que du championnat irlandais, pas de l'alliance NFL qui se dispute plus tôt dans la saison !

Il y a d'abord les championnats provinciaux : en 2007, les quatre champions provinciaux furent :

- Sligo (Connacht)
- Dublin (Leinster)
- Kerry (Munster
- Tyrone (Ulster)

Ces quatre comtés sont qualifiés pour les quarts de finale Nationaux.

Peuvent encore espérer y accéder huit autres comtés, qui seront réduits à quatre après les matchs de barrage suivants:

Cork vs Louth
Galway vs Meath
Laois vs Derry
Monaghan vs Donegal

Mon équipe Galway (qui joue en couleur bordeau) est tombée à ce stade snif snif !!
Après les matchs de barrage ci-dessus, les quatre gagnants devront affronter les champions Provinciaux en quarts de finale Nationaux.

Après deux mois de championnats et les champions provinciaux désignés,12 comtés sur 32 peuvent garder l'espoir. C'est ainsi que la GAA insuffle à tous ces joueurs amateurs le désir d'aller jusqu'au bout ... pour la gloire. Cela lui permet aussi d'engranger de bien belles recettes, mais tout est pour la bonne cause!

Mi-août les demi-finales furent :

Cork vs Meath
Dublin vs Kerry

Le Paradoxe, c'est que chacun des comtés de la 1ère demi-finale a été battu, lors du Championnat de sa propre Province par un représentant de l'autre demi-finale ! - le Cork par le Kerry (Munster), et le Meath par le Dublin (Leinster).

La finale fut 100 % Munster avec Kerry-Cork, soit les retrouvailles du championnat provincial. Et Kerry a confirmé sa suprématie

Le classement des titres du championnat après la finale 2007 :

Kerry 33 titres (+ 18 fois finaliste perdant)
Dublin 22 titres (+ 13 fois perdant)
Galway 9 titres (+ 13 fois perdant)
Meath 7 titres (+ 9 fois perdant)
Cork 6 titres (+ 14 fois perdant)

Attention : 4 provinces, 32 comptés mais pas 8 comtés par province : plutôt 5+12+6+9 !

- Province de Connacht : 5 comtés (Galway, Leitrim, Mayo, Roscommon, Sligo)
- Province du Leinster : 12 comtés (Carlow, Dublin, Kildare, Kilkenny, Laois, Longford, Louth, Meath, Offaly, Westmeath, Wexford, Wicklow)
- Province du Munster : 6 comtés (Clare, Cork, Kerry, Limerick, Tipperary, Waterford)
- Province de l'Ulster : 9 comtés (dont trois en République d'Irlande, et 6 en Irlande du Nord) (Cavan, Donegal, Monaghan + Antrim, Armagh, Derry, Down, Fermanagh, Tyrone)

Quelques réflexions que m'inspire une partie de football gaélique :

Il peut sembler à première vue assez fastidieux de voir les ballons s'élever dans les airs pour passer entre les poteaux, sans que le gardien puisse rien faire.
Mais pour le tireur se pose toujours le choix de tenter les 3 points ou d'assurer un passage entre les poteaux (pas toujours évident d'ailleurs)
Surtout, c'est n'évaluer que la fin de l'action : il faut le plus souvent avoir étouffé l'équipe adverse par son pressing : l'exemple du match Kerry-Mayo est exemplaire : Mayo n'arrivait pas à approcher des buts adverses et Kerry a enchainé les points pendant tout le début du match, qu'il s'agisse de buts ou d'envolées entre les poteaux.
Un autre point souvent insuffisamment souligné quand on ne pratique pas le football gaélique : la qualité des passes longues est déterminante pour créer une occasion, et son corollaire, la capacité à s'élever et récupérer la balle en l'air. Souvent on ne fait attention qu'à la fin de l'action, située immédiatement devant le but.
Surtout le tireur sait tous les efforts fournis pour la remontée de balle en termes de course et d'engagement de part de ses collègues, et lui préferera rapporter un point que de ne rien scorer en ayant tenté un but aléatoire.
Le choix des 1 ou 3 points dépend aussi de l'évolution du score pour son équipe : remonter un retard ou conserver une avance, ou alors même si on est en retard, scorer pour quand même assurer un point et rester dans la partie a minima.
Le choix dépend aussi de la situation précise dans laquelle on se retrouve face aux buts : plein axe, quelle distance, présence des adversaires, excentré ou non.
Pour moi, le football gaélique demande plus d'engagement physique et de course que le foot et le hand, mais moins que le rugby notamment dans la rudesse des contacts. Je trouve que c'est un bon compromis. Il oblige aussi à défendre tout un terrain en activant un pressing de tous les instants. En ceci il se rapproche du foot ou du marquage de zone de certains sports collectifs comme le hand. Je trouve le jeu sans ballon assez intéressant dans ce sport.


mercredi 16 avril 2008

Football gaélique (1)

Commençons par l'ambiance : bienvenue en Irlande, précisément à Croke Park pour assister à la finale d'un sport amateur !

Mais pas n'importe quel seul sport entièrement amateur : celui qui peut réunir plus de 80 000 spectateurs dans un stade, dans les quartiers populaires de Dublin.

De quoi je parle : de football gaélique bien sûr ! PREMIER sport en Irlande devant le ...Hurling !! Le rugby suit derrière !

Voir des jeunes s'entrainer un matin à Galway sous la pluie à faire des tours de terrain et à se passer la balle et à différents exercices est un souvenir impérissable ...Et contrairement aux idées associant ce sport aux troisièmes mi-temps, je vous assure que ces jeunes ne riaient pas, même sous cape et se donnaient à fond sous l'oeil sévère d'un entraineur exigeant.

Sport très physique car très dépendant du pressing exercé sur l'adversaire, seule véritable forme de défense dans un sport privilégiant l'attaque.

Nul doute que je ferai ce sport si je le pouvais !

D'abord explicitons les termes :

Croke Park se situe de l'autre côté de la Liffey par rapport à l'autre stade emblématique de Dublin, Lansdowne Road : Lansdowne Road est au sud de la Liffey - qui coupe la ville de Dublin en deux . Croke Park, par contre, se trouve au nord, dans les petites rues populaires autour de Jones Road.On dit que traverser la Liffey (puisque   Lansdowne Road est fermé pour cause de travaux, il faut bien aller jusqu'à Croke Park)    désoriente totalement les 'nouveaux riches' Irlandais car on peut comparer le Sud de Dublin à notre Neuilly à nous, dixit Michael Cannon à qui je suis redevable de ces informations et dont je vais amplement reparler plus avant dans ce message.

Le football gaélique (Peil, Peil Ghaelach ou Caid en irlandais) est le sport le plus populaire d'Irlande. Si le jeu ressemble à un mélange de rugby et de football, il est moins violent que ces derniers, puisque le plaquage et le tacle sont interdits. Les règles sont simples et offrent plus de liberté à l'équipe qui attaque. C'est un sport totalement amateur, et chaque joueur ne pouvait jouer que pour une seule équipe dans toute sa vie, celle du comté d'où il était originaire. Il ressemble aussi au handball puisqu'on porte le ballon à la main, qu'on peut marcher avec la balle dans certaines limites, marquer de la main et que le pressing adverse est la principale gêne.

Le football gaélique est un des quatre sports gaéliques dirigés par le GAA (Association athlétique gaélique) qui est la plus grande association en Irlande tant par le nombre de ses membres que par son influence. Ce sport est basé sur de strictes règles d’amateurisme. Le sommet sportif est la finale du championnat inter-comtés (le All-Ireland Senior Football Championship). Ce sport descend d’une ancienne forme de football pratiquée en Irlande.Le football gaélique a toujours été organisé à l’échelle de l’Irlande et ce malgré la partition de l’île d’Irlande en deux états en 1920.

Un article sur le football gaélique en Irlande :
http://www.terresceltes.net/Football-gaelique.html

Mais pour mieux comprendre ce qu'est le football gaélique à l'Irlande, rien de tel que quelques articles empruntés à Michael Cannon :

La rencontre de football gaélique entre le Galway et le Leitrim (Championnat provinciale du Connacht) vous ont peut-être fait sourire. Rappel, le Leitrim est la Lozère de l'Irlande: population 28000 âmes. Ce match s'est déroulé dans la préfecture de Carrick-on-Shannon, qui en compte 2000, devant une assistance de 9000 spectateurs (pour un stade de 15000 places). C'est cela la force du GAA (Gaelic Athletic Association), qui régit des sports pratiqués uniquement par des amateurs - y compris à Croke Park - et réinvestit les recettes, parfois énormes, dans l'amélioration des infrastructures »

Ou encore :

La population de la ville de Roscommon est d'environ 5000 âmes, mais son stade peut en recevoir 25000 (cinq fois plus!). Idem pour Thurles - 10000/plus de 50000. Telle - mais je vous l'ai déjà dit - est la force du rapport entre la GAA, les Irlandais, et les sports indigènes. La page 'Wikipedia' consacrée aux stades de la GAA en énumère 35 (TRENTE-CINQ!) pouvant recevoir 10000 spectateurs au minimum

On croit rêver !

Porter les couleurs de son comté natal (pas de transferts, dans ces disciplines pratiquées par des AMATEURS), et surtout "Mouiller le maillot" ... "pour la gloire".

Les règles :

Le football gaélique se joue par équipes de 15 joueurs, sur un terrain rectangulaire avec des buts en forme de H mêlant les buts de rugby pour leur forme élevée et ceux de football pour la partie basse

Le ballon est de forme sphérique. Son enveloppe est constituée de bandes rectangulaires plutot que des hexagones ou des pentagones utilisés sur les ballons de football, ce qui lui donne des allures de ballon de volley ball. Le ballon peut être frappé du pied ou de la main

Les buts et le décompte des points

Il existe deux façons de marquer au football gaélique :

Si la balle passe entre les poteaux et au-dessus de la barre transversale, on marque 1 point.
Si la balle entre dans le but sous la barre transversale, on marque un but soit 3 points.
Ces points doivent être validés par un assesseur présent près des buts. Pour ce faire, il lève un drapeau blanc ou vert.

Les points sont comptabilisés de cette façon :

Equipe A : 0-15
Equipe B : 1-11
Ce qui signifie :
Equipe A : 0 but et 15 points
Equipe B : 1 but et 11 points, soit 14 points.

L’équipe A est victorieuse

Le jeu

Le porteur du ballon n’a pas le droit de faire plus de quatre pas en portant le ballon. Pour continuer son action et progresser sur le terrain, le joueur doit effectuer un dribble (comme au basket-ball) ou un toe-tap c'est-à-dire lâcher le ballon sur son pied et le renvoyer dans ses mains. Il peut alors repartir pour quatre pas.

Pour visualiser les gestes techniques :

http://footballgaelique.usliffre.org/index.php?option=com_content&task=view&id=19&Itemid=31

Le joueur n’a pas le droit de ramasser le ballon au sol avec les mains. Il faut soulever le ballon avec le pied, faire un petit jongle pour se l’amener dans les mains (un pick-up).

La passe à la main est autorisée, mais le jet de ballon est interdit. La passe se fait en boxant le ballon avec le plat du poing. Il faut propulser le ballon de telle façon qu’au moment de la frappe les deux mains soient en contact avec celui-ci. La manchette de type volley-ball est interdite.

Si les contacts épaule contre épaule sont autorisés, les placages comme ceux que l’on retrouve au rugby sont interdits

A ce stade, vous en savez assez et le mieux est encore de voir une video :


Un match nul d'anthologie (uniquement les meilleures actions) :


Une autre video précisant les contacts autorisés et interdits lors d'une rencontre de football gaélique ainsi que le rappel des rencontres qui se jouent entre l'Australie et l'Irlande car l'Australie a un jeu similaire, le football australien :

Seulement les Irlandais ont décidé de ne pas se rendre en Australie en 2007 en raison du jeu plus violent de ces derniers. On peut le regretter, car ces deux rencontres - à Galway et à Croke Park/Dublin - ont réuni environ 130000 (cent trente mille ...) spectateurs. Puis, malgré la perte de la 'Série' en 2006, les irlandais AMATEURS tiennent souvent la dragée haute aux PROS australiens.

Une autre vidéo sur l'art des frappes du coup de pied de l'extérieur comme diraient nos footeux ...


Les compétitions :

Avant l'été, il existe des compétitions qui aident les sélections des différents comtés à préparer les rencontres printanières de la Ligue Nationale.
Le niveau et l'ambiance augmentent en effet très fortement au printemps avec ces matchs des Championnats Provinciaux et National.
Pour la description complète du championnat, j'ai créé un deuxième post sur le football gaélique qui prend comme exemple l'année 2007.

Les clubs, ailleurs en Europe ou le "33ème comté!":

http://www.fffgaelique.info/Clubs.htm

Un article de l'équipe sur le football gaélique en France :

http://www.lequipe.fr/Aussi/FOOTBALL_GAELIQUE.html

Le passionné : Michael Cannon qui m'a éclairé – ainsi que beaucoup d'autres – sur la retransmission des matchs de football gaélique -notamment sur TG4, la chaîne irlandaise entièrement en gaélique !!!

Il sévit sur Rugbyrama.fr, sur le forum où il consacre une page aux sports gaéliques (hurling, football gaélique) et indique toutes les restransmissions (y compris les soirées de musique irlandaise à la télé, qu'on se le dise !)

C'est grâce à lui que je peux vous dire que vous pouvez suivre des rencontres de Football Gaélique le plus souvent en différé, sur  http://www.tg4.ie.
Ensuite, cliquer sur WEBTV - menu en haut à gauche + GAA BEO (= LIVE).
Pour plus de détails, consulter les derniers 'Posts' sur www.rugbyrama.fr?) , FORUMS (menu) puis 'Courrier des Lecteurs', puis 'Croke Park

Nombreuses citations, précisions, informations sont des reprises extraites de Rugbyrama.fr, (va falloir qu'on lui élève une statue, je crois !)

Pour finir, un avis personnel déposé sur le forum de l'intéressé :

J'ai un souvenir fantastique de Croke Park, datant d'une vingtaine d'années, d'une finale "All Ireland" de foot gaélique avec le Kerry et.....ma mémoire me fait défaut, il me semble qu'il s'agissait d'un comté du nord... Quelle ambiance !! Dépassant tout ce que j'avais connu en rugby sur le continent. J'ai le souvenir d'un stade austère et d'un jeu débridé, d'un rythme absolument infernal, expliquant pourquoi on ne joue que 2 fois 30 minutes. D'un jeu curieux pour nous (un condensé du foot, du volley et du rugby) peut être pas très technique dans le collectif, mais joué avec un mental de "ouf" !!

Allez j'arrête là ! J'espère vous avoir convaincu de l'intérêt de ce sport !


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